L�affaire de Sperone (XVI)
Feb 17, 2004
Les infractions retenues � l'encontre des mis en examen

1� - Tentatives et destructions de biens mobiliers et immobiliers appartenant � autrui commises en bande organis�e, qualifications visant le but de l'op�ration d'une part et la destruction de la vedette "TOM HE GEO" et celle de la Renault 21 retrouv�es l'une et l'autre calcin�es sur la plage de CANETTO.
La tentative de destruction de biens immobiliers aux termes de l'enqu�te et de l'instruction n'apparaissait pas caract�ris�e, seuls des actes pr�paratoires �tant �tablis.
En effet, s'il r�sultait, sans conteste, des d�clarations faites en garde � vue par St�phane VERGELLATI et des explications apport�es par les mis en examen au cours de l'instruction, que les raisons de leur pr�sence sur les lieux de leurs arrestations �taient la lutte contre la sp�culation immobili�re men�e par leur organisation, aucun commencement d'ex�cution n'�tait mat�rialis� et la cible exacte de la destruction projet�e n'�tait pas d�finie. Les quatre hommes arr�t�s � PIANTARELLA ne d�tenaient aucun �l�ment entrant dans la composition d'un engin explosif. Les explosifs �taient retrouv�s pour les uns � 5 kms du Hameau de PIANTARELLA et pour les autres � POGGIO d'OLMO. Des d�clarations convergentes de St�phane VERGELLATI et Baptiste Antoine CANONICI, les quatre hommes n'avaient d'autre mission que d'�loigner et de neutraliser les personnes pr�sentes dans les b�timents du Hameau de PIANTARELLA.
Selon St�phane VERGELLATI, seul � s'�tre exprim� sur ce sujet, le but du commando �tait la destruction des installations du "Golf de SPERONE" sans pr�cision sur les parties du complexe qui �taient vis�es, celles-ci �tant peut-�tre multiples, le lieu d'enl�vement du Brigadier MARTIN �tant assez �loign� du lieu d'arrestation des quatre hommes, et l'immeuble du Hameau de PIANTARELLA �tant, d'apr�s les d�clarations de M. Bruno ALLAIS, le seul endroit gard�, ce qui pouvait expliquer l'envoi d'une �quipe destin�e � �carter le gardien.
Quant aux destructions par explosifs ou incendies (les moyens techniques utilis�s n'ayant pas �t� d�termin�s compte tenu de l'�tat des carcasses) de la vedette et de la Renault 21, s'il apparaissait que l'un au moins des mis en examen n'ignorait pas qu'elles �taient programm�es, ainsi qu�en attestait la remarque d'un des passagers de l'Express rapport�e par FERRACCI, rien ne permettait en revanche de les imputer � l'un ou l'autre d'entre eux, et elles pouvaient parfaitement avoir �t� perp�tr�es par des membres du commando non identifi�s.

2� - D�tention, transport et port ill�gitime de substances explosives.
Non caract�ris�s � l'�gard de Michel HENRY, de St�phane GALLO, de Baptiste Antoine CANONICI et de St�phane VERGELLATI, qui ne d�tenaient aucune substance explosive ou destin�e � entrer dans la composition d'engins explosifs, cette infraction apparaissait �tablie � l'encontre de tous les passagers des v�hicules Renault 19 et Renault Express � l'exception de J�r�me FERRACCI seul � pouvoir pr�tendre ignorer la pr�sence d'explosifs et de d�tonateurs r�partis dans les coffres des deux voitures.
En revanche, en l'absence de tout lien direct entre les personnes arr�t�es et le fourgon J5, les explosifs que ce v�hicule contenait ne pouvaient �tre retenus � la charge d'aucun des mis en examen.

3� - Transport d'armes et de munitions des 1�re et 4�me cat�gories.
Les saisies effectu�es lors de l'arrestation des mis en examen sur le site de SPERONE et � POGGIO d'OLMO et l'expertise de M. GIMENO caract�risaient cette infraction � l'�gard de tous les mis en examen, y compris de J�r�me FERRACCI. Concernant ce dernier il apparaissait en effet que m�me si contrairement � ses co-mis-en-examen, il n'�tait en possession lors de son arrestation d'aucun �l�ment mat�riel, laissant penser qu'il ait pu �tre porteur d'une arme, il avait pris place dans un v�hicule renfermant un mat�riel dont il n'ignorait pas la nature. Qui plus est les bruits de cliquetis qu'il avait entendus dans la clairi�re et l'arriv�e brutale d'hommes porteurs d'armes lui avaient r�v�l� qu'il y avait des armes dans les v�hicules.

4� - Tentative d'homicides volontaires sur personnes d�positaires de l'Autorit� Publique dans l'exercice ou � l'occasion de leurs fonctions.
L'enqu�te ne permettait pas d'identifier les deux tireurs de PIANTARELLA, � supposer �tablie leur intention d'homicide dont l'absence d'impacts sur la fa�ade permettait de douter.
S'il apparaissait aux termes de l'expertise de M. GIMENO que l'une, et sans doute ainsi qu'expos� pr�c�demment, les deux armes utilis�es pour tirer des coups de feu en direction des policiers du R.A.I.D. avaient �t� d�couvertes � POGGIO d'OLMO, il s'av�rait impossible d'attribuer le pistolet automatique Sig Sauer comme d'ailleurs les trois fusils Olympic Arms susceptibles d'avoir �t� utilis�s. Aucun des mis en examen ne s'exprimait sur ce sujet. Par ailleurs, les descriptions des deux tireurs bri�vement aper�us par les fonctionnaires de police ne permettaient pas de les identifier, l'un et l'autre �tant porteurs d'une cagoule et aucune des personnes arr�t�es � POGGIO d' OLMO ne pr�sentant une tenue vestimentaire correspondant � la seule tenue d�crite avec pr�cision, m�me si diff�rents v�tements retrouv�s dans le coffre y ressemblaient.
Il r�sultait par ailleurs des �l�ments de l'information et notamment des communications
t�l�phoniques des familles GABORIT et ROSSI que plusieurs personnes avaient r�ussi � s'�chapper et qu'outre la vedette br�l�e il n'�tait pas exclu qu'il y ait eu un second bateau et donc que les tireurs aient pris la fuite s�par�ment.

5� - Enl�vement de personnes en bande organis�e pour faciliter la commission d'un ou plusieurs crimes et d�lits.
L'enqu�te et l'information ne devaient pas permettre d'identifier les auteurs de la prise d'otages du Brigadier MARTIN, dont il apparaissait en revanche qu'elle n'avait pu �tre commise par les membres identifi�s et arr�t�s du commando.

6� - Association de malfaiteurs et reconstitution de ligue dissoute.
Les �l�ments mat�riels saisis, les circonstances des arrestations, les d�clarations faites par les mis en examen et la revendication de l'op�ration par l'ex F.L.N.C. Historique caract�risaient ces infractions � l'encontre de l'ensemble des mis en examen � l'exception toutefois de J�r�me FERRACCI, dont le comportement, tel qu'�tabli par l'information, n'appara�t constitutif que de complicit� de ces d�lits.
Il apparaissait en effet, qu'il avait consenti, en connaissance de cause, � assurer la "m�diatisation" de l'op�ration envisag�e, dont il reconnaissait qu'il ne pouvait s'agir que d'une op�ration de destruction par explosifs, et � participer � cet effet � l'exp�dition.

7� - Vols et recels
D�s l'enqu�te de flagrance il �tait �tabli que les deux v�hicules Renault 19 et Renault Express, la vedette "TOM HE GEO", la Renault Clio, et le fourgon J5 avaient �t� vol�s, la vedette et le fourgon apr�s le 25 mars 1994 et donc dans un temps proche de l'op�ration et les autres ant�rieurement et que le v�hicule calcin� de marque Renault l'�tait tr�s vraisemblablement �galement, ce que l'information confirmait. L'information n'a pas permis d'identifier les auteurs des vols de ces diff�rents v�hicules.
Si les d�clarations de FERRACCI sur sa pr�sence solitaire pendant une longue dur�e dans la clairi�re et l'arriv�e subite, pr�c�d�e du bruit d'un moteur de bateau puis d'un bateau qui s'�choue, d'hommes porteurs de cagoules d�montraient que des membres du commando arr�t�s avec lui avaient emprunt� la vedette "TOM HE GEO", il n'a pu �tre d�termin� que tous y aient pris
place ni quels �taient ceux qui �taient mont�s � bord.
De m�me, les explications de FERRACCI au cours de l'instruction confirmaient que le groupe au d�part de la clairi�re disposait de la Renault Clio, outre la Renault 19 et la Renault Express. Il n'a pu toutefois �tre d�termin� qui avait utilis� cette voiture.
Il ne r�sultait pas de l'instruction que les mis en examen aient fait usage du fourgon J5 ni m�me eu connaissance de sa pr�sence dans la clairi�re. Le recel de ce v�hicule ne paraissait pas constitu� � leur encontre, pas davantage que celui de la Renault 21 d�truite, dont il n'�tait pas �tabli qu'elle ait �t� utilis�e par l'un ou l'autre des mis en examen.
En revanche le recel des v�hicules Renault Express et Renault 19 appara�t �tabli � l'encontre des occupants de ces deux voitures, � l'exception de FERRACCI dont il ne peut �tre d�montr� qu'il savait qu'il s'agissait de v�hicules vol�s.


5 - Le contexte des faits selon l�acte d�accusation

L'activisme ind�pendantiste corse
C'est en 1968 qu'apparaissait la premi�re organisation clandestine pr�nant l'ind�pendance de l'�le, d�nomm�e "Corse Libre".
La revendication ind�pendantiste se r�clamait � la fois d'une tradition d'irr�dentisme insulaire et d'une inspiration progressiste, voire r�volutionnaire.
Nonobstant leur multiplicit�, les diff�rents groupes clandestins successifs ou concurrents qui pr�tendaient depuis lors incarner le nationalisme corse devaient adopter, � l'instar de la plupart des organisations politico-militaires, une strat�gie et une tactique fond�es sur l'alternance r�guli�re de campagnes d'actions violentes et de p�riodes de tr�ves.
Cette dualit� caract�risait par ailleurs logiquement la nature des revendications affich�es par ces mouvements ainsi que leur organisation.
S'appuyant sur le sentiment identitaire corse, la revendication s�paratiste m�lait aux th�ses radicales d'affirmation des droits nationaux du peuple corse, de lutte contre les institutions repr�sentatives du "colonialisme fran�ais" et de conqu�te de l'ind�pendance de l'�le, des th�mes susceptibles de recueillir plus largement l'adh�sion de l'opinion insulaire dans les domaines
culturel (d�fense de la langue corse), environnement (pr�servation du patrimoine naturel et lutte contre la sp�culation immobili�re) ou encore �conomique (d�veloppement agricole, obtention de mesures sp�cifiques, etc.).
De nombreux groupes clandestins d'appellations vari�es, � l'existence parfois �ph�m�re voire incertaine, devaient revendiquer au cours des trente derni�res ann�es, des actions violentes se r�clamant de la lutte arm�e en faveur de la "lib�ration" de la Corse.
� raison de leur revendication explicite et "authentifi�e", ou de l'identification de leur origine � la suite notamment de l'interpellation de leurs auteurs, il apparaissait que la majorit� de ces actions �tait imputable aux principales organisations nationalistes arm�es insulaires.
La plupart de ces mouvements, le plus souvent rivaux, d�veloppaient une structure binaire constitu�e d'une branche militaire clandestine conduisant la lutte arm�e et d'une structure officielle charg�e de relayer dans l'opinion et la vie publique les orientations communes et les actions concert�es d�cid�es par leurs dirigeants.
Dans les mois suivant les �v�nements d'ALERIA (Haute Corse) survenus en 1975, au cours desquels l'occupation d'un domaine viticole de la plaine orientale de l'�le par un commando autonomiste devait entra�ner la mort de membres des forces de l'ordre. Il s�agissait de la suite de campagnes d'attentats principalement d�velopp�es depuis 1973 par la mouvance automiste. En 1976, les diff�rents mouvements clandestins insulaires (Fronte paesanu, Ghjustizia paolina et le Front de Balagne anti-italien) se rassemblaient au sein d'une organisation unique "Le Front de Lib�ration Nationale".
Cette structure unifi�e se manifestait pour la premi�re fois au cours de la nuit du 4 au 5 mai 1976 en commettant une s�rie de 22 attentats par explosifs, concert�s et simultan�s (dite "nuit bleue"), sur toute l'�tendue de l'�le, outre deux actions sur le territoire national.
L'organisation clandestine adoptait peu apr�s la d�nomination de "Fronte di Liberazione Naziunale di a Corsica" ("Front de Lib�ration Nationale de la Corse - F.L.N.C.").
Sa dissolution devait �tre prononc�e en Conseil des Ministres le 5 janvier 1983 alors que 865 actions violentes avaient �t� commises.
Le F.L.N.C. suscitait par ailleurs la cr�ation parall�le de divers mouvements nationalistes l�gaux dans les diff�rents secteurs de la vie politique, �conomique, sociale et culturelle, charg�s de relayer publiquement l'action arm�e.
La principale organisation, le "Mouvement Corse pour l'Autod�termination" ("M.C.A.") devenait en 1987 "A Cuncolta Naziunalista".
� l'automne 1990, apparaissait un groupe clandestin dissident, "Resistenza", solidaire du mouvement l�gal "Accolta Nazionali Corsa" (Alliance Nationale Corse - "A.N.C.) constitu� un an auparavant. par l�ancien dirigeant du F.L.N.C. Pierre Poggioli.
� la m�me �poque, � la fin de l'ann�e 1990, les dissensions internes apparues au sein du F.L.N.C. conduisaient � la scission du mouvement clandestin en deux tendances principales qui, pour distinguer leurs actions violentes respectives tout en se r�clamant l'une et l'autre seule d�positaire de la proc�dure de revendication pr�c�demment utilis�e par le F.L.N.C., source de leur l�gitimit�, devaient adopter :

- s'agissant du courant majoritaire dans le mouvement l�gal mais minoritaire dans la clandestinit�, incarnant une ligne en apparence plus radicale, la d�nomination de "F.L.N.C. Canal Historique" dont la fa�ade officielle demeurait "A Cuncolta Naziunalista".

- en ce qui concerne la faction minoritaire dans le mouvement l�gal mais majoritaire dans le F.L.N.C., professant officiellement des th�ses plus mod�r�es, l'appellation de "F.L.N.C. Canal Habituel", lequel se dotait simultan�ment d'un appareil politique le "Mouvement Pour l'Autod�termination" (M.P.A.).
Entre 1992 et 1994 divers mouvements conjoncturels d'ob�dience nationaliste corse devaient se manifester, se livrant � des actions violentes avant de s'affronter de mani�re arm�e � partir de 1994.
Par ailleurs l'activit� militaire revendiqu�e par le "Front Arm� R�volutionnaire Corse" (F.A.R.C.), apparu le 19 novembre 1992, et par le "Front Populaire Corse" (F.P.C.), apparu au d�but de l'ann�e 1993 et devenu un an plus tard "Cellules R�volutionnaires Corses" (C.R.C.), cessait pour la premi�re le 18 f�vrier 1993 et pour la seconde � la fm de l'ann�e 1994.
Le 25 novembre 1992 apparaissait un nouveau mouvement clandestin "Indipendenza" qui cessait ses activit�s le 29 d�cembre suivant.
Une organisation clandestine d�nomm�e "Mouvement National Arm�" (M.N.A.) commettait cinq attentats entre les mois de juillet 1993 et janvier 1994.
En une trentaine d'ann�es, plus de 10.000 actions violentes pouvaient �tre imput�es � la revendication corse.
Les cibles privil�gi�es en sont les �tablissements, institutions et services publics de l'�tat
(Pr�fectures, Palais de Justice, H�tels de Police, Casernes de Gendarmerie, sites militaires, locaux des Douanes, du Tr�sor Public, de l'�quipement, de la Poste ou de France T�l�com), principalement en Corse mais �galement sur le territoire continental.
De nombreuses infrastructures touristiques qualifi�es de sp�culatives et cens�es porter atteinte au patrimoine insulaire, �taient �galement vis�es par des attentats par explosifs.
� l�instar d'autres mouvements terroristes tels que l'organisation s�paratiste basque espagnole E.T.A., le financement des structures clandestines arm�es corses, s'agissant notamment du FL.N.C. Canal Historique, �tait assur� dans une large mesure par le recours � l'extorsion de fonds, qualifi� de "recouvrement de l'imp�t r�volutionnaire".
Par ailleurs, au cours des ann�es 1990, l'exacerbation des dissensions internes ainsi que des rivalit�s existantes entre les deux principales factions nationalistes respectivement repr�sent�es d'une part par "l'A Cuncolta Naziunalista" et le "F.L.N.C. Canal Historique", et d'autre part le "Mouvement Pour l'Autod�termination" et le "F.L.N.C. Canal Historique", allait susciter, outre l'�change de communiqu�s virulents d�non�ant leurs pratiques r�ciproques, une vague d'actions violentes parmi lesquelles une s�rie de meurtres et d'assassinats fratricides.
Cette campagne de violence � l'origine d'une vingtaine de morts �tait inaugur�e le 15 juin 1993 par l'assassinat � BASTIA (Haute Corse) de Robert SOZZI, militant contestataire de l"A Cuncolta Naziunalista", revendiqu� pour de pr�tendues raisons de "s�curit� interne" le il ao�t suivant par des activistes masqu�s du "F.L.N.C. Canal Historique", organisation clandestine solidaire du mouvement officiel pr�cit�. St�phane GALLO et Pierre LORENZI allaient en �tre victimes respectivement les 29 mai 1995 et 1er juillet 1996.
Suite demain


� livre en format pdf


L�affaire de Sperone (XV)
L�affaire de Sperone (XIV)
L�affaire de Sperone (XIII)
L�affaire de Sperone (XII)
L�affaire de Sperone (X + XI)
L�affaire de Sperone (IX)
L�affaire de Sperone (VIII)
L�affaire de Sperone (VII)
L�affaire de Sperone (VI)
L�affaire de Sperone (V)
L�affaire de Sperone (IV)
L�affaire de Sperone (III)
L�affaire de Sperone (II)
L�affaire de Sperone (I)
TOUT LE DOSSIER CORSE

�2004 L'investigateur - tous droits r�serv�s