L�affaire de Sperone (II)
Jan 28, 2004
EXCLUSIF / L�affaire Sperone : une enqu�te compl�te du r�seau corse de � L�investigateur � pendant 30 jours en exclusivit� sur ce site. Deuxi�me partie. Premi�re partie

Sperone, un �den pour milliardaires ?


Sperone, l��peron en langue corse, est situ� � l�extr�me-sud de la Corse. � quelques kilom�tres au large affleure l��lot de Cavallo. Toutes ces terres autrefois d�volues aux moutons ont pris une valeur marchande dans les ann�es 70. Un promoteur y a construit un golf, l�un des plus beaux d�Europe. Le reste du domaine a �t� construit et les villas toute de bois ont �t� vendues � des prix d�fiant toute concurrence � des personnalit�s en vue telles que Kouchner et Christine Okrent, Seguala etc.

Les terrains de Sperone-Piantarella sont inconstructibles tant et si bien qu�en 1961 le groupe Dewez peut les acheter � tr�s bas prix (5 F le m2). Le conseil municipal de Bonifacio met m�me une condition � la vente : celle que soit respect�e la non-constructibilit� du site et que soit assur�e la surveillance du site arch�ologique, et ce compte tenu du caract�re remarquable de l�endroit.

Lors d�une conf�rence de presse tenue le 28 octobre 2000 l�organisation �cologiste corse pose une question simple : Mais pourquoi donc le groupe Dewez investit-il sur cet endroit inconstructible ?

La r�ponse ne tarda pas : le groupe Dewez d�posait des permis. Peu avant l�octroi des permis de construire, la commune autorisait la r�vision du POS et il ne lui fallut que 10 mois pour aboutir � la modification du POS� et rendre le terrain constructible, sans que l��tat s�y oppose. Il y a donc eu collusion entre le promoteur, la municipalit� et l��tat. C�est, � l��poque, chose courante. Les terres proches de la mer sont les moins rentables. Beaucoup sont sal�es et ne peuvent donc servir qu�� engraisser mis�rablement les moutons. D�autres ont encore la r�putation d��tre insalubres. Une grande partie de ces immenses territoires ont �t� laiss�s en h�ritage aux femmes parce que justement elles ne valaient rien. Dans les ann�es 60, elles prennent de la valeur. Pas grand chose mais pour ces femmes qui n�ont jamais rien eu, c�est d�j� beaucoup. Et elles les vendent. C�est ainsi que l�extr�me-sud de l��le appartient aujourd�hui en grande partie � des compagnies d�assurances, � des banques ou � des milliardaires. Un tel accaparement a fait na�tre dans cette �le � forte personnalit�, un sentiment de frustration parmi les autochtones.

Cavallo est un exemple caricatural puisque longtemps il �tait interdit d�aborder cet �lot pour milliardaire. Sperone est plus accessible. Mais la mani�re dont le domaine a �t� acquis est r�guli�rement remis sur la table. On rappelle qu�au moment de son achat, le milieu associatif, insuffisamment structur�, n�a pas attaqu� ces permis, ce qui est regrettable car cela donnera des arguments � la clandestinit�.

Vinrent ensuite les projets de construction sur Piantaredda. Ce sont ces projets qui ont �t� attaqu�s par l�association de Charles Marcellesi en 1992.

Alors qu�un recours �tait d�pos� par l�association devant le tribunal administratif, le promoteur s�est pr�cipit� pour r�aliser ces constructions. Mais la Cour d�Appel a d�sormais tranch� : le POS de la zone est ill�gal et toutes les parcelles sont inconstructibles : les immeubles (et les villas) construits sont par voie de cons�quence ill�gaux. Pourtant rien n�a chang�.

La vision des golfeurs et des habitants de ce site tout � fait remarquable est �videmment diff�rente. Une revue de golf �crit :

� Le � Pebble Beach � europ�en


En Corse, o� les vents soufflent de tous c�t�s et portent de jolis noms tels que Terrama et Tramontane, le Golf de Sperone, � 10 minutes de Bonifacio, est un v�ritable d�fi par grand vent. Il se r�v�le tr�s fair-play sous conditions normales. Ce 18-trous, l�un des plus beaux d�Europe � sans doute le plus enchanteur au niveau du site � est merveilleusement dessin� au c�ur du maquis m�diterran�en, face aux �les Lavezzi. Plusieurs trous dominent la M�diterran�e, o� de nombreux yachts sont amarr�s. Les fonds d�une clart� irr�elle rehaussent la beaut� du lieu et permettent � ce Pebble Beach europ�en de surpasser largement le parcours californien par la luminosit� qui y r�gne. Le scintillement presque aveuglant des falaises blanches, avec leurs petites criques, fait miroiter le bleu de l�eau et les diff�rents verts du parcours.

Les fairways de Sperone ont �t� fa�onn�s par le grand Robert Trent Jones Senior. Pour la r�alisation de son 500e parcours, il a su intelligemment s�effacer devant la nature pour adapter son dessin au site qu'elle avait originellement trac� et pr�server son �blouissante beaut�. D�s le trou N� 11, on d�couvre des perspectives � couper le souffle sur la M�diterran�e. Les greens de bord de mer, petits, sont souvent plac�s sur des falaises impressionnantes. Il est difficile, apr�s le N� 13, de ne pas c�der � l�envie de piquer une t�te dans l�eau. C'est ce qui risque d'arriver aux balles sur le c�l�bre trou N� 16, o� il faut passer deux fois au-dessus de l'eau pour atteindre le green.

Le parcours, bien qu�impressionnant, n�est pas trop difficile pour qui a la sagesse de ne pas sortir syst�matiquement le driver au d�part. Il privil�gie les coups de fer, plus pr�cis. Tr�s soucieux de l�environnement, les promoteurs de Sperone l�on parfaitement int�gr� dans l�environnement et attachent un soin tout particulier � la gestion �cologique des lieux. Gr�ce � l�a�roport de Figari, distant de 25 km, Sperone est facilement accessible. �


Le fait est que, pour les Corses, Sperone et Piantarella apparaissent comme des � terres � part �, des r�serves pour milliardaires en quelque sorte. Le terrain est clos et n�entre pas qui veut. De surcro�t le domaine occupe une situation symbolique puisqu�il recouvre le bout de la Corse. Mais il est faux d�affirmer que ces domaines suscitent la haine des autochtones. Les domaines fournissent de l�emploi. Le syst�me d�arrosage a �t� con�u � partir de forage de telle mani�re qu�il ne prive aucun agriculteur des environs. � l�inverse il est exact que le domaine est clos et interdit des acc�s � la mer.

La position des organisations clandestines


Le FLNC ne trouve rien � redire � Sperone jusqu�� la scission de 1990 qui donne naissance au FLNC Canal habituel d�un c�t� et au FLNC Canal historique de l�autre. Le FLNC Canal habituel et sa vitrine l�gale du MPA ont compris tout l�int�r�t �conomique qu�ils pouvaient tirer du nouveau statut pour la Corse que peaufine le ministre de l�int�rieur, Pierre Joxe.

Jusqu�alors le FLNC rackettait le domaine de Sperone et, si on en croit certaines informations, son PDG Jacques Dewez avait accept� de payer pour avoir la paix. Combien de continentaux ont ainsi � donn� � la cause � pour ne pas �tre harcel� par la clandestinit�. Victimes consentantes, ils ont maudit leur premi�re faiblesse.

Mais en 1993, des responsables du MPA/FLNC Canal habituel, s�allient avec un Corse, homme d�affaire des Hauts de Seine, Henri Antona, maire du village de Coti-Chiavari. L�homme est un ami de Charles Pasqua et il sera mis en examen dans l�attribution des march�s relatifs au chauffage des lyc�es et coll�ges des Hauts-de-Seine. Son nom appara�t dans les proc�dures judiciaires relatives � ces attributions de march�. Il est donc li� aux soci�t�s d��conomie mixte, la SEM 92 et Coop�ration 92 qui ont �t� dirig�es de 1990 � 1993 par Pierre-Henri Paillet, l'un des plus fid�les collaborateurs de Charles Pasqua. Parmi les associ�s de ces soci�t�s philanthropiques, la Lyonnaise et la G�n�rale des Eaux (Vivendi), Bouygues, Elf, Sucre et Denr�es.

Henri Antona conna�t le directeur de cet office d�partemental des HLM du 92, Didier Schuller, franc-ma�on lui aussi et en relations tr�s suivies avec les Pasqua p�re et fils. Schuller a �t� mis en examen dans le vaste circuit de fausse facturation M�ry - et donc pr�sum� innocent. Il a �t� "V�n�rable" de la loge "Silence", affili�e � la Grande Loge nationale de France (GLNF). Pierre-Henri Paillet �tait membre de "Silence". Henri Antona �tait �galement un � fr�re � de cette ob�dience.

Parmi les tout premiers b�n�ficiaires des march�s publics sur le d�partement, on trouve donc Henri Antona, ancien tr�sorier de la F�d�ration socialiste des Hauts-de-Seine, recentr� RPR tendance Pasqua. Cet important homme d'affaires, proche de Jean-Claude M�ry, a �t� �pingl� par le juge Halphen. Il pilotait une bonne dizaine de soci�t�s de s�curit�, d'installation ou de gestion de l'eau, du gaz, du chauffage, dans le sillage de Vivendi. Il s'occupait aussi d'h�tellerie ou d'exploitation foresti�re, � cheval entre la r�gion parisienne et l'�le de Beaut�. Maire de Coti-Chiavari, �lu � l'assembl�e de Corse, il y pr�side le Comit� r�gional des pr�ts.

Henri Antona, ancien inspecteur du fisc, a su se d�brouiller sur le continent et il entend aussi se d�brouiller en Corse. Il a rencontr� Alain Orsoni, responsable du MPA et du FLNC Canal habituel apr�s une r�union de francs-ma�ons. Alain Orsoni a d�ailleurs pens� un moment devenir ma�on. Ce serait pour lui le d�but de la respectabilit�. Lui et Antona se sont mis d�accord avec les propri�taires de Sperone-Piantarella pour faire �voluer le plan d�occupation du sol. Ils vont donc cr�er de nouvelles demeures et le parti d�Alain Orsoni qui dirige nombre d�affaires et un club de foot ajaccien, aura sa part. Il y a pourtant un sacr� probl�me : le FLNC Canal historique re�oit de l�argent du domaine. L�argent sert � officiellement payer des publicit�s hors de prix qui paraissent dans le Ribombu, l�hebdomadaire de la tendance Canal historique.

En Corse, les guerres arrivent quand des territoires sont menac�s. Cette �le est en d�finitive rest�e � tribale �. Or, pour Fran�ois Santoni, Sperone-Piantarella tout comme l��lot de Cavallo appartiennent � sa propre � tribu �. Le projet Antona-FLNC Canal habituel cr�e une turbulence dans un monde jusqu�alors presque parfait. La Cuncolta-FLNC-Canal historique cr�e alors au scandale alors qu�elle avait cautionn� les pr�c�dentes demeures construites dans le m�me style. � Cavallo, une dispute similaire oppose les deux branches de la clandestinit� qui ne veulent pas partager le � g�teau �.

Henri Antona se demande soudain s�il a bien fait de mettre le doigt dans cet engrenage. Le voil� qui est d�nonc� comme un � affairiste � et un � sp�culateur �. Sperone est alors d�crit par les nationalistes de la Cuncolta et du FLNC Canal historique comme l�exemple m�me de la sp�culation immobili�re. C�est en tous les cas ce qui est d�crit dans le Ribombu num�ro 173 qui para�t le 7 avril 1994, dix jours apr�s les interpellations.

� Sperone terre de sp�culation ?


� � Sperone � Tout est luxe, calme et volupt� � pourrait-on �crire en parodiant Baudelaire, si ce n'�tait faire injure � l'auteur des � Fleurs du mal � et� � la Terre Corse Sperone, enclave ou bantoustan pour c�l�brissimes et richissimes de ce monde ferait-on mieux de dire. Car � Sperone, territoire s�par�, on vit sa propre vie, repli�e sur son propre univers, inclus mais reclus dans une portion de maquis corse, retranch� derri�re les fronti�res invisibles que dressent mieux que des hauts murs la richesse allog�ne : le fric viatique d'ing�rence.
� Certains se sont extasi�s devant ces r�alisations architecturales de Sperone. D'autres ont �t� jusqu'� s'�baudir en gloussant des exclamations devant la conception et les mat�riaux de cette promotion immobili�re. C'est vrai que villas et petits immeubles ne ressemblent gu�re � ce qu'on a l'habitude de voir en Corse et pour cause� Leur aspect d�cline � tout va un bizarre mode scandinave implant� sur Grande Bleue ; leur tonalit� profile un incongru Avoriaz greff� sous ciel m�diterran�en. Crier au miracle devant une telle architecture rel�ve de l'infantilisme, de l'ignardise et d'une ignorance totale des paris et d�fis que sont capables d'affronter les architectes contemporains de valeur.

� En 1961 Jacques Dewez, ancien pilote de ligne reconverti dans le tourisme, PDG du groupe � La Fonci�re immobili�re de France �, ach�te 130 hectares d'un seul tenant pour un franc le m�tre carr�. C'est l'�poque o� les grands propri�taires du sud vendent � tour de bras leurs domaines � des Flatto Sharon, et autres Jean Castel ou banque Lef�vre. Une surench�re de projets immobiliers insens�s par leur dimension fleurit de toute part. Les terres ce Sperone mal desservies par air et par mer Jacques Dewez s'emploie � faire aboutir des dossiers qui lui seront directement utiles : a�roport de Figari, port de Bunifaziu. Premi�re �tape de ses r�alisations de constructeur le village en bois de Ciapelli dans un vallon de Sperone, dont e bureau de vente ouvre en 1973. Deux ans plus tard. Aleria stoppe l'�lan du groupe Dewez.

� Neuf ans apr�s Jacques Dewez, qui a trouv� l'id�e d�un golf qui lui permettra d'attirer � Sperone le nec plus ultra des privil�gi�s du portefeuille, fait appel � Trent Jones, grand am�nageur en la mati�re. Celui-ci imagine d'associer sur 73 hectares un parcours de bord de mer, un parcours de l'int�rieur des terres, un parcours de montagne. Tout l'am�nagement de la zone est alors pense autour du golf. Il est constitue de trois ensembles : lotissements r�sidentiels, hameau de Piantarella, h�tel Sofitel avec centre de thalassoth�rapie. Le Cr�dit Agricole place ses billes dans ce projet qui lui parait app�tissant.

Lors de la campagne pour les �lections europ�ennes de juin 1989 les nationalistes alli�s aux Verts d�noncent cette sp�culation. Antoine Waechter et Max Simeoni en t�te, les militants de ces deux mouvance, rassembl�s sous le mot d'ordre � P� a tarra, p� a vita, p� a u populu �, occupent le domaine de Sperone. Des dossiers argument�s stigmatisant les accaparements fonciers et immobiliers paraissent dans � Arritti � et dans le � Ribombu � : sur 55 kilom�tres de c�tes dans l'extr�me sud 43 ont �t� rafl�es par des soci�t�s qui ne r�vent -pi�tres alchimistes- que de convertir du b�ton en esp�ces sonnantes et tr�buchantes.

� Sperone c'est quatre s�ries de constructions initialement g�r�es par trois SA (soci�t�s anonymes). Les lotissements de Falatte et de Sperone (10,3 et 12,8 ha respectivement). Le hameau de Piantarella avec sur 15 hectares un village enjoliv� par la cr�ation d'une base nautique et d'un parc aquatique. Ces deux structures sont dans l'escarcelle de la SA du Domaine de Sperone aux mains du groupe Dewez.

L'h�tel Sofitel avec centre de thalassoth�rapie sur 3,5 ha. Son financement est le fait d'une SA (30 %), le groupe Dewez (30 %), la caisse de d�veloppement de la Corse (20 %).

Le golf propri�t� d'une SA dans laquelle s'est investi le groupe Dewez, et le Cr�dit Agricole qui a en outre apport� sa caution aux op�rations de bourses n�cessaires � la mise sur le march� d'actions vendues aux porteurs anonymes. Mise de fonds du groupe Dewez : 12 millions de francs. Participation directe du Cr�dit Agricole : 12 millions �galement. Couverture de la caution : 24 millions de francs.

� Au terme de l'op�ration deux soci�t�s doivent subsister : la SA du golf de Sperone dont la direction revient au g�n�ral Casabianca, et la soci�t� h�teli�re de Piantarella dont la pr�sidence a �chu � Henri Antona et la gestion � la soci�t� Sotitel du groupe Acor.

� Au-del� de toute glose et logorrh�e verbale qu'est-ce en l'�tat que le domaine de Sperone si ce n'est un Cavallu terrestre� d�tach� d�j�, tout comme l'�lot voisin, � sa mani�re et selon ses r�gles, de la Terre Corse. �

C�est ainsi que s�exprime le journal qui, quelques semaines auparavant, acceptait les publicit�s pour le domaine de Sperone.



Demain la troisi�me partie : le contexte politique

Premi�re partie

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