"Dans mes longs moments de solitude et d'incompr�hension, je fais face � cet acte que je qualifie de barbare (...) J'attends la v�rit� sur ce qui s'est pass�, pour qu'enfin je puisse clore la nuit, qu'enfin il ne reste plus que l'homme, le p�re, la justice et la vie", a dit Charles-Antoine Erignac, 26 ans. 
 
Sa s�ur �g�e de 30 ans s'est adress�e symboliquement � son p�re. "L'image de ton visage d�chiquet� et de ton corps baignant dans ton sang me revient en m�moire sans cesse. Tu �tais mon rep�re dans la vie et tu le restes au-del� de ta mort. C'est une partie de moi qui est tomb�e avec toi", a-t-elle dit. 
 
Avec beaucoup de difficult�s, Dominique Erignac a �voqu� la m�moire de son mari, sa "blessure qui ne se referme pas" et a d�plor� que les accus�s n'aient pas voulu dire toute la v�rit� sur leur acte.  
Elle a parl� de l�hommage rendu par les Corses � son mari assassin�, du silence qui a recouvert Ajaccio le 7 f�vrier puis des applaudissements envoy�s � celui qui ne serait plus jamais � ses c�t�s. 
 
"� tout de suite: ces mots que Claude m'a dits le 6 f�vrier 1998 r�sonnent toujours en moi", a-t-elle conclu. 
 
Qu�on nous pardonne mais cette peine nous �meut autrement plus que celle des familles d�homme qui ont choisi en toute libert� d�en tuer un autre.  
 
 
Comment parvenir � faire savoir � cette famille que la Corse dans sa quasi-totalit� vibre avec elle, pleure avec elle comme elle l�a fait le 7 f�vrier 1998. Ce jour-l� 40.000 personnes soit l��quivalent de la population du grand Ajaccio descendait dans la rue pour t�moigner de sons ras l�bol de la violence, des meurtres. Elle s�associait au chagrin de la famille Erignac. 
 
Les propos souvent blessants du pr�sident, ceux affreusement maladroits de l�avocat g�n�ral, ne doivent pas faire oublier cette r�alit� : la Corse est majoritairement du c�t� du droit. C�est une terre peupl�e de braves gens qui ne demandent qu�� vivre en paix et qui subissent la loi d�une infime minorit� de clandestins malheureusement aid�e par le laxisme des gouvernements. Et encore une fois ce ne sont pas les id�es qui sont en cause. Les nationalistes ont le droit d�exister autant que les autres. Mais les m�thodes de ceux qui pr�nent la terreur comme moyen de gouvernement sont odieuses, atroces et suicidaires.  
 
Parfois nous recevons des lettres, souvent incoh�rentes. On met en doute notre qualit� de Corses. Comme s�il �tait douteux que le r�seau form� par des hommes et des femmes qui ont choisi de s�exprimer sur ce site �tait sujet � doute. Nous pourrions donner mille preuves de notre � corsit� � et m�me �crire des articles en langue corse que la plupart de nos d�tracteurs qui n�ont � la bouche qu�une corsitude mythique, ne comprendraient pas. Mais qu�importe !  
 
La Corse est partie prenante d�une humanit� qui cr�ve de la violence, des rapports uniquement bas�s sur la loi du fric, de la force et au fond de la b�tise. Parce que nous sommes Corses, nous nous sentons le devoir d�intervenir pour tenter de donner une voix � tous ceux qui n�en ont plus. Nous le faisons sur ce site parce qu�il est impossible de travailler normalement dans une �le o� la menace sert h�las trop souvent d�arguments. 
 
C�est pourquoi � la fin de ce proc�s b�cl� et, pour tout dire, indigne, nous voulons exprimer � la famille Erignac toute notre solidarit� et notre chaleur humaine. Au nom de nous tous qui depuis plus d�un an tentons d�apporter le plus honn�tement possible notre contribution � une Corse enfin pacifi�e, nous tenons � �crire que la douleur de la famille Erignac est aussi notre douleur.  
 
Celle des familles des inculp�s est tout aussi poignante. Mais les �pouses, les enfants de ces hommes auront la chance de pouvoir les visiter au parloir, d�esp�rer une gr�ce ou une amnistie. Le pr�fet Erignac est bel et bien mort. Et son souvenir est un poignard plant� dans le c�ur des siens. 
 
Les nationalistes, entre m�diocrit� et indiff�rence atroce, n�ont pas su se faire entendre du grand public. Leurs propos souvent d�cousus ou abscons paraissent sortis de la bouche de martiens. Pour nous qui sommes Corses, nous croyons entendre des �tres venus d�un monde qui n�est certainement pas le n�tre. Ce sont eux qui applaudissaient � la mort de Robert Sozzi. Ce sont eux qui d�truisent des maisons parfois construites au prix d�une vie d�effort. Et ce sont encore eux qui osent se plaindre quand d�aventure et en de trop rares occasions, la justice les condamne. Il faudrait, si on les �coutait, leur offrir des explosifs sur un plateau d�argent et que leurs victimes viennent les remercier de leur explosive � amiti� �. Quant � l��tat, parlons-en. Apr�s la fin de l�enqu�te relative � l�assassinat du pr�fet tout est redevenu � normal �. Le p�le �conomique compos� de magistrat continue � fi�rement ne pas fonctionner. Le grand banditisme prosp�re preuve s�il en �tait que l��tat ne sert absolument pas de barrage contre cette d�rive silencieuse mais terrible. Le nationalisme r�affute ses grands couteaux en pr�parant la prochaine guerre intestine. Bref tout redevient comme avant. Omnibul� par Yvan Colonna, l��tat reste ce sexe mou sans aucune ambition en Corse. Et cette impuissance chronique nourrit les sir�nes ind�pendantistes.  
 
Il faut lire la tribune de Tafani qui a mille fois raisons. Certains jours, on finirait par sombrer dans le d�sespoir en pr�parant une sortie de cette �le qui para�t maudite.  
 
Notre r�seau accomplit un travail quotidien en se demandant s�il sert vraiment. Mais apr�s tout, nous travaillons sur le long terme. On a pr�tendu que nous �tions les RG, des nationalistes, des anti-nationalistes. Voil� qui nous rassure. Nous sommes nous. Qui �a nous ? Mais vous, nous, tout le monde. Nous exprimons un sentiment g�n�ral, parfois confus mais plus exact que toutes les grandes analyses m�diatiques que nous lisons avec lassitude et amusement. 
 
 
Alors oui, le chagrin de la famille Erignac nous a �mus et nous regrettons que la famille Colonna ait donn� ce sentiment de duret� et de repli. Notre Corse � nous est plus g�n�reuse et plus sentimentale. Mais ces deux faces coexistent en nous et c�est � nous de r�soudre cette schizophr�nie. 
 
Dossier Erignac
 |  
		 	
	 |