Proc�s Erignac: les accus�s �voquent le r�le des militants du Nord
Jul 2, 2003
Auteur: L'investigateur

Les assassins pr�sum�s du pr�fet Erignac ont plus ou moins admis lundi l�existence d�une structure situ�e dans le nord de l��le tandis que la leur �uvrait dans le sud. Mais ils ont refus� de donner des noms et de pr�ciser son r�le exact.

Le r�le essentiel du pr�sident des assises charg� de juger les pr�sum�s assassins du pr�fet Erignac semble �tre d��tirer les d�bats de fa�on � d�passer la date du r�f�rendum en Corse. Curieuse conception de la justice. En cons�quence, on s�endort sur les dossiers, on reprend l�apr�s-midi plut�t que le matin, on lambine, bref on musarde. Et il devient difficile de rendre un compte rendu le jour m�me. Lundi donc, quelque chose a fr�mi dans le dortoir des assises. Alain Ferrandi, interrog�, a accept� d��voquer une structure situ�e dans le nord de l��le sans toutefois en pr�ciser la fonction. Pour les enqu�teurs, le "groupe des anonymes" qui a commis et revendiqu� l'assassinat du pr�fet Claude Erignac, le 6 f�vrier 1998, �tait compos� de deux � cellules �. L'une, �tablie en Corse du sud et � laquelle appartiennent la plupart des accus�s, aurait r�alis� l'action ainsi que l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella en Corse-du-Sud.

L'autre, bas�e en Haute-Corse, aurait "inspir�" l'assassinat, r�dig� les revendications et commis les attentats de Vichy et Strasbourg � l'automne 1997.

Toujours selon les enqu�teurs, la cellule du nord aurait �t� compos�e des deux "intellectuels", Jean Castela et Vincent Andriuzzi. Ces deux accus�s ont toujours ni� toute participation � une activit� clandestine.

Consid�r� comme le "coordinateur" entre le sud et le nord, Alain Ferrandi, a confirm� � l'audience l'existence d'au moins une autre structure, bas�e dans le nord de la Corse, puisqu'il reconna�t que lui et ses complices ne sont pas "les auteurs des attentats de Vichy et Strasbourg", "pas ceux qui remettent les revendications" aux m�dias, et que ces communiqu�s sont partis de Haute-Corse.

N�anmoins Ferrandi a contest� tout r�le de "coordinateur", puis � la question de savoir si Jean Castela et Vincent Andriuzzi faisaient partie de cette autre structure, il les d�douane en r�pondant "non, je suis affirmatif" comme il a d�douan� Yvan Colonna.

Quatre de ses co-accus�s d�j� interrog�s, et qui ont reconnu leur participation � l'assassinat du pr�fet sans donner de pr�cisions sur leurs r�les respectifs, ont continu� de r�pondre qu'ils n'avaient "rien � d�clarer".

Questionn�s � tour de r�le pour savoir si le groupe du nord �tait intervenu au moment o� a �t� prise la d�cision de tuer le pr�fet, ils n'ont "rien � d�clarer non plus".

Lors des interrogatoires, la plupart des accus�s avaient �voqu� l'existence d'une autre cellule, "bas�e dans le nord, partageant les m�mes id�es", charg�e des actions sur le continent et des revendications. Selon leurs propos, Alain Ferrandi �tait le seul lien entre les deux cellules pour des raisons de "cloisonnement" et de "s�curit�".

N�anmoins, � aucun moment de l'enqu�te ou de l'audience, ils n'ont indiqu� que cette cellule ait pu "inspirer" l'assassinat du pr�fet, contrairement aux conclusions des enqu�teurs.

Enfin, Pierre Alessandri, qui a avou� avoir particip� aux faits tout en refusant de s'expliquer sur les d�tails, a reconnu que cette attitude le pla�ait "� �galit� de responsabilit� avec celui qui a tir�" sur le pr�fet Claude Erignac.

Selon nos informations, ceux du nord n�ont pris aucune part dans l�assassinat du pr�fet Erignac. Il s�agissait de la jonction entre des hommes qui dans les deux d�partements contestaient la ligne officielle du FLNC Canal historique. Pour mieux comprendre ce qui s�est pass�, il faut accepter l�id�e que les organisations clandestines corses ne fonctionnent pas comme des organisations construites sur un sch�ma marxiste. On n�appartient au FLNC que formellement et ce qui en fait fonde la v�ritable appartenance, est l�implication dans des actions violentes. Jean Castela et Vincent Andriuzzi, contrairement � ce qu�ils pr�tendent, ont fait partie de cette structure. Vincent Andriuzzi �tait par ailleurs li� familialement � la famille Filippi, propri�taire de Hertz. Jean-Fran�ois Filippi, abattu en 1995, dirigeait le SCB, sorte de pompe � finances du FLNC Canal historique.

De telles relations sont fondamentales dans une organisation clandestine o� les d�cisions sont prises le plus souvent lors de rencontres informelles. Le groupe du nord, compos� de quelques individus, contestait la ligne directrice du FLNC mais surtout celle de Fran�ois Santoni. La direction de Bastia se servait de ces � marginaux � lorsqu�il fallait exprimer un sentiment divergent. De faux nez comme Fronte Ribellu �tait alors utilis�. Cela n�emp�chait pas les dissidents de se croire � manipulateurs � plut�t que � manipul�s �. Leur dissidence devait entrer en correspondance avec celles des paysans du Sud et de Marcel Lorenzoni. Ce dernier avait toujours r�v� de prendre la direction du FLNC d�autant plus que l�emprisonnement de Fran�ois Santoni avait laiss� la place vide. Mais le leader enferm� avait bien compris qu�en donnant le canal d�authentification � Marcel Lorenzoni, il coupait la branche sur laquelle il �tait assis. Donc refus. � partir de ce moment-l�, Marcel Lorenzoni a commenc� � fomenter une scission ind�pendantiste. Pourquoi ind�pendantiste ? Parce que dans un syst�me aussi peu d�mocratique que le FLNC, seule la radicalisation paie. Devenir mod�r� n�apporte aucune voix. D�autre part la revendication ind�pendantiste est un vieux r�ve qui, jusque-l�, n�avait pas �t� formul�. Cette revendication avait un �cho parmi les � paysans � nationalistes qui, tout en s�affirmant partisans de la s�cession avec la France, n�avaient qu�un but : obtenir toujours plus de subventions de la part de la France et de sa courroie de transmission dans le monde agricole : le Cr�dit agricole. Or, un effacement de la dette (un de plus) avait �t� refus�. L�op�ration de Pietrosella a donc �t� mont�e par un tout petit nombre de personnes qui s��taient connues lors de l�op�ration Aur�lien Garcia (voir � ce sujet le t�moignage du pr�fet Erignac). Le but �tait de secouer la direction du FLNC de mani�re � ce qu�elle acc�de � un certain nombre de revendications des dissidents. C��tait aussi une fa�on de mettre Fran�ois Santoni dans l�embarras puisqu�il esp�rait bien pouvoir n�gocier sa sortie de prison.

Les op�rations de Vichy et de Strasbourg mont�es par les � intellectuels � du Nord visaient les m�mes buts.

Le fait de prendre les deux pistolets des gendarmes � Pietrosella n�avait rien de calcul�. Il s�agissait simplement de r�cup�rer des armes.

Non seulement, le plasticage de la gendarmerie n��avait pas pas �branl� le FLNC. mais, pire, la direction du sud du FLNC, pour se moquer de Marcel Lorenzoni, avait envoy� � la presse un communiqu� sign� � Sampiero � histoire de signifier un refus net � Marcel Lorenzoni.

Celui-ci, effray�, avait rompu tout contact � ce moment-l�.

Quelque temps plus tard, les hommes du Sud et ceux du nord s��taient rencontr�s pour envisager une suite. Ceux du sud �taient partisans de tuer plusieurs personnages du monde politique ou agricole. Ren� Modat �tait d�sign� car il �tait accus� d�avoir trahi la cause pour laquelle il avait �t� plac� � la t�te de la FNSEA apr�s l�assassinat de Lucien Tirroloni. Le nom de Jean-Michel Emmanuelli, ami de Fran�ois Santoni, avait �galement �t� �voqu�. En d�finitive, le choix �tait tomb� sur le pr�fet. Le groupe du sud savait qu�il se d�pla�ait sans protection. C��tait donc une cible facile. Le groupe du nord ne voulait pas d�assassinat mais simplement humilier l��tat en le saucissonnant comme Aur�lien Garcia. Le groupe du sud voulait une action plus radicale qui placerait le mouvement nationaliste devant une situation sans retour possible. Il pr�voyait d�autre part une r�pression qui ressouderait les rangs �pars des organisations ennemies et mettrait fin � la guerre. Le groupe du nord effray� s��tait ouvert � un membre marginal de leur � cellule � qui deviendra la taupe du pr�fet Bonnet. Celui-ci en avait parl� aux dirigeants du FLNC secteur Bastia qui, aussit�t avait profit� du premier communiqu� � Sampiero � pour en �crire un second afin de tenter d��viter le pire. Le communiqu� annon�ait la dissolution du groupe et les assassinats pr�vus. Malheureusement, ses pr�dictions n�avaient pas �t� prises au s�rieux et le pr�fet devait �tre assassin�. Le groupe du sud en voulait � ceux du nord et devait leur retirer le canal d�authentification � la premi�re occasion.

Des amis de Fran�ois Santoni, persuad�s qu�il s�agissait d�un pi�ge venu de Bastia pour les d�tr�ner donnaient le nom de Castela � la gendarmerie et au pr�fet Bonnet. Ceux des membres du commando allaient venir plus tard gr�ce � la taupe du pr�fet.

Autant d��l�ments qui n�ont jamais �t� abord�s dans ce proc�s sans aucun int�r�t. H�las ! Le pr�fet Erignac valait mieux que �a.

Dossier Erignac

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