� la veille du verdict dans le proc�s des assassins pr�sum�s du pr�fet Erignac, l'avocat des quatre accus�s qui ont avou� leur participation � l'op�ration a mis la cour en garde, jeudi, contre le risque de "vendetta" en cas de condamnations s�v�res. 
 
"Ne laissez pas la place � une terrible vendetta", pr�vient Me Vincent Stagnara s'adressant aux magistrats de la cour d'assises sp�ciale. Ma�tre Stagnara n�est pas un escrimeur. C�est un b�cheron. "Descendez, descendez beaucoup !", crie-t-il pour demander aux juges de prononcer des peines plus basses que celles demand�es lundi par l'accusation, soit 20 ans, 25 ans de d�tention ou la prison � vie contre ses clients Joseph Versini, Pierre Alessandri, Martin Ottaviani et Alain Ferrandi. 
 
� Ne faites pas de votre d�cision une maison sans fen�tre. Laissez la place � l'espoir �, insiste-t-il avec raison ajoutant qu'il ne faut pas rendre � une d�cision qui ne serait pas admise, qui ne serait pas comprise � par les Corses. 
 
Cette mise en garde � peine voil�e est jug�e par l'avocat de la partie civile, Me Philippe Lemaire, � assez d�plac�e �.  
 
� Mon confr�re manie tout � la fois la promesse et le b�ton (...)", regrette le conseil de Mme Erignac, qui estime en outre � pas tr�s acceptable � qu'un avocat dise : � s'il n'y a pas un verdict qui soit cl�ment les cons�quences seront importantes �. H�las, pour une fois, Ma�tre Stagnara parle d�or et il est bien plac� pour le savoir lui qui compte des amis jusque dans les cercles cagoul�s bastiais. 
 
Comme la veille, les avocats insistent sur le contexte politique de l'�poque, sur les luttes fratricides entre nationalistes, qui ont fait plusieurs dizaines de morts depuis le milieu des ann�es 90. Pour Me Stagnara, si � M. Erignac est mort pour la R�publique �, ces nationalistes sont � morti pe a nazione (mort pour la nation, ndlr)", crie-t-il en corse dans la salle d'audience. 
 
Curieux sacrifice pour la nation que ces assassinats entre anciens fr�res d�armes. Qu�avait � voir le pr�fet Erignac dans ces meurtre entre amis, lui que l��tat avait envoy� trois jours apr�s la mascarade de Tralonca, co-organis�e avec le ministre de l�int�rieur de l��poque, un certain Jean-Louis Debr�. 
 
L'assassinat du pr�fet � est la suite terrible de ces morts chez nous dont (les accus�s) imputent � tort ou � raison la responsabilit� � l'�tat �, conclut-il. � 
 
Bref le pr�fet Erignac est mort d�une erreur judiciare. � La soci�t� corse tout enti�re ne fonctionnait pas �, explique de son c�t� Me Luc Brossolet, l'avocat de Didier Maranelli, le � guetteur �. � Un �tat qui ne fonctionne plus. Un �tat qui est absent (...) rejaillit n�cessairement sur le citoyen �, ajoute-t-il oubliant que les organisations nationalistes se repaissaient de la pourriture �tatique. 
 
Et il poursuit: � Quand rien ne fonctionne plus normalement, vient un jour o� des coups de folie arrivent �. �Nous ne serions pas l� aujourd'hui si cet �tat avait fonctionn�. C'est en cela que ce proc�s est �minemment politique �, dit-il avant de comparer ce crime � "un crime passionnel". Si on le suit bien, les pr�sum�s assassins du pr�fet Erignac pour le punir d�avoir �t� le serviteur d�un �tat qui ne fonctionnait pas assez bien. La th�se est audacieuse mais elle n�est peut-�tre pas si �loign�e que �a d�une r�alit� profonde inscrite dans l�inconscient corse qui, apr�s avoir pouss� l��tat � la faute, lui reproche cette m�me faute. 
 
� Honn�te �, � sinc�re �, � travailleur �, les avocats insistent sur les qualit�s humaines de leurs clients. �Alain Ferrandi est un criminel passionnel mais qui reste un honn�te homme �, plaide Ma�tre Stagnara toujours aussi rempli de son propre verbe. � 25 ans requis contre Otaviani, c'est l'�limination, c'est le consid�rer comme un d�chet �, explique-t-il encore. � Arr�tons de faire de ces gens des criminels sanguinaires ! �, s'exclame-t-il avant de parler de Joseph Versini, qui fabrique les meilleurs � figatelli � (saucisse � base de foie de porc) de Corse, argument commercial �tonnant dans ces circonstances. 
 
Aujourd�hui vendredi, l'audience commencera � 9H00 par la possibilit� donn�e aux accus�s de s'exprimer pour la derni�re fois. La cour se retirera ensuite pour d�lib�rer et devrait prononcer son verdict dans l'apr�s-midi. 
 
 
Des plaidoiries passionn�es 
 
Le proc�s Erignac aura connu une sortie vers le haut. Plusieurs des avocats des assassins pr�sum�s du pr�fet Erignac ont prononc� des plaidoiries passionn�es qui risquent pourtant de ne pas �viter � leurs clients de lourdes peines. 
 
Les avocats ont longuement �voqu� l'histoire de la Corse et le contexte qui entourait l�assassinat pour tenter d'att�nuer la peine qui sera inflig�e � leurs clients qui plaidaient coupable. De son c�t�, la d�fense de Jean Castela a plaid� l'acquittement alors que l�avocat g�n�ral demandait la perp�tuit� assortie de 22 ans de s�ret�. Jamais position n�aura �t� aussi oppos�e. 
 
 "Si vous ne prenez pas en compte le probl�me corse vous ne pouvez pas juger ces hommes", explique aux magistrats de la cour d'assises sp�ciale de Paris Me �ric Barbolosi, avocat de trois des accus�s qui reconnaissent en partie leur participation � l'assassinat. 
 
L'avocat d�fend Pierre Alessandri, Vincent Ottaviani et Joseph Versini. Les deux premiers, contre lesquels 25 ans de d�tention ont �t� requis lundi, ont reconnu leur participation au commando charg� d'assassiner le pr�fet Claude Erignac. 
 
L'accusation a demand� une peine de 20 ans contre Versini, qui avait particip� � au moins une r�union pr�paratoire puis avait renonc� car il ne se sentait pas capable de "tuer un homme". 
 
Me Barbolosi regrette que l'accusation dans ses r�quisitions lundi n'ait pas retenu � les justifications politiques �. 
 
Comme Me Camille Romani, il rappelle  la � guerre fratricide � qui a fait plus de vingt morts au milieu des ann�es 90 dans les rangs nationalistes. Me Barbolosi a cit� 24 noms. Plus tard, Me Pascal Garbarini reprend la "liste mortuaire" pr�cisant les dates et ajoutant les tentatives d'assassinat. 
 
Puis Me Antoine Sollacaro hausse le ton et s'emporte quand il raconte qu'� l'�poque, il �tait � las des cloches qui sonnent pour les enterrements �. 
 
Et �a a continu�, a ajout� Me Garbarini, �voquant encore � une trentaine de crimes � dont ceux contre Jean-Michel Rossi et Fran�ois Santoni.    � Ces morts eux aussi ils existent", a-t-il rappel�. 
 
Cette "guerre fratricide" serait un des �l�ments qui a pouss� plusieurs des accus�s � entrer en dissidence et � chercher, en s'en prenant au pr�fet, � cr�er � un �lectrochoc � selon leurs propres termes. On ne peut alors que compatir � la sensibilit� des pr�venus en regrettant toutefois qu�elle se soit exerc�e � l�encontre du malheureux pr�fet. 
 
Les avocats de Pierre Alessandri, Martin Ottaviani et Joseph Versini se sont ensuite appuy�s sur la personnalit� de leurs clients pour demander des peines moins fortes que celles requises. 
 
Ceux de Marcel Istria, soup�onn� d'avoir assist� aux r�unions pr�paratoires et d'avoir �t� � l'entrep�t d'o� est parti et o� est revenu le commando et qui a toujours contest� les faits, ont demand� son acquittement. 
 
"Je ne d�fends pas une cause aujourd'hui. Je d�fends un homme comme s'il �tait impliqu� dans une affaire de droit commun", explique de son c�t� l'avocat de Jean Castela, Me �ric Dupond-Moretti, le seul � ne pas avoir parl� de politique. Il a compris lui que la faiblesse de l�accusation se situe au niveau du dossier et non de la pr�sentation de l�affaire. Rien ou presque ne peut �tre retenu contre son client. 
 
Soup�onn� d'appartenir � la cellule du Nord et d'avoir �t� le commanditaire de l'assassinat du pr�fet puis le r�dacteur des revendications, Jean Castela ne peut �tre qu'acquitt� concernant l'assassinat du pr�fet, plaide l'avocat. 
 
"Jean Castela n'a pas de sang sur les mains et n'a pas de sang dans la t�te", r�sume-t-il pour expliquer que son client n'a ni particip� ni inspir� l'assassinat du pr�fet. 
 
Me Dupond-Moretti, avec sa voix de stentor, reproche � l'accusation d'avoir "survol�" les charges qui pesaient contre son client tout en requ�rant la r�clusion � perp�tuit� avec une p�riode de s�ret� de 22 ans, c'est-�-dire � la mort civile �. � moins que pour Jean Castela, tr�s malade, �a ne soit la mort tout court. 
 
Il reconna�t seulement que son client peut �tre condamn� pour complicit� dans l'attentat contre le rectorat de Paris en 1994. M�me si ce dernier a toujours contest� les faits. 
 
Le sentiment qu�on a � l�issue de ce proc�s sans panache, c�est que le verdict sera en grande partie politique et ce sur deux plans. Le premier est la diff�renciation entre les pr�venus. Force est de constater que les charges pesant sur Castela, Andriuzzi et Istria sont quasi inexistantes. Les juges rendront donc un verdit �tay� par une intime conviction dirig�e par les accusations du minist�re public autrement dit le repr�sentant de l��tat. Si ces trois-l� sont condamn�s c�est que l��tat a cherch� � se venger. 
 
Concernant ceux qui ont avou�, les peines de s�ret� paraissent exorbitantes. Les archives de la justice nous enseignent en effet qu�elles ne sont quasiment jamais requises. Contre des monstres sanguinaires, les avocats plaident et obtiennent l�irresponsabilit�. Des tueurs d�enfant ne d�passent gu�re les quinze ans d�incompressibilit�. 22 ans est un record qui ne peut �tre compris qu�avec un d�sir de mort de la part de l��tat.  
 
Quant aux peines demand�es dans le cadre des attentats, elles d�passent l�entendement. Ainsi 15 ans ont �t� demand�es contre Antolini quand un m�me crime (celui de plasticage) co�te en r�gle g�n�rale cinq ann�es d�emprisonnement. Pour �chelle, les 14 membres du commando de Sperone, pris en 1994 les armes � la main, des explosifs plein la voiture apr�s avoir tir� sur des gendarmes �taient condamn�s en 2002 � un an de prison. Dans les deux cas on n�en revient pas. Dans les deux cas, la d�cision est hautement politique et donc contraire � la vraie justice. 
 
Dossier Erignac 
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