Il y a deux sortes de r�visionnisme : celui qui nie les chambres � gaz et celui qui banalise la Shoah. N�ayons pas peur de le dire : lors du proc�s des assassins pr�sum�s du pr�fet Erignac, l'avocat g�n�ral Yves Janier a franchi une ligne jaune et a t�moign� d�un r�visionnisme m�diocre. 
 
Croyant jouer finement, il a dress� un parall�le entre l'assassinat du pr�fet de Corse Claude Erignac et le g�nocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. 
 
Le repr�sentant de l'accusation a d�clar� � l'un des huit accus�s, Pierre Alessandri, que la "d�personnalisation" du pr�fet Erignac, que le commando dit avoir vis� non comme "homme" mais comme "symbole politique", lui faisait penser au sort r�serv� aux Juifs pendant la guerre. 
 
"Vous n'�tes pas le meilleur historien � cette audience, M. Alessandri. Mais ne voyez-vous pas dans les soixante derni�res ann�es un cataclysme o� on a d�personnalis� des gens, o� on les a trait�s comme des sous-hommes, o� on en a tu� des millions ?", a lanc� le magistrat. 
 
Pierre Alessandri n'a pas aussit�t r�agi mais les protestations sont venues dans l'apr�s-midi des avocats de deux autres accus�s, Mes Patrick Maisonneuve et Camille Romani, pour qui la remarque de l'avocat g�n�ral �tait d�plac�e. 
 
Si ce parall�le devait se renouveler, les accus�s ne viendront plus au proc�s et resteront en prison, ont-ils pr�venu. 
 
"Mon but �tait de rappeler que quand on veut d�personnaliser ou supprimer un homme, il n'y a plus de limites", a r�pliqu� l'avocat g�n�ral. 
 
L'incident a perturb� les d�positions des t�moins du jour, notamment celle de Mich�le Alessandri, �pouse de l'accus�, qui a refus� de r�pondre � toutes les questions sur l'emploi du temps de son mari le jour de l'assassinat, le 6 f�vrier 1998.  
 
"Contrairement � d'autres d�partements fran�ais, la Corse n'a jamais collabor� avec l'occupant nazi et n'a jamais d�port� aucun Juif. Dans cette cour, en revanche, les r�sistants fran�ais ont �t� jug�s comme terroristes. Dans ce contexte, je n'ai rien � d�clarer", a-t-elle dit. 
 
L�avocat g�n�ral est un sot qui ne conna�t rien � l�Histoire. Il a tort sur trois aspects points. Le premier a trait � une question de m�thode. Vouloir comparer deux faits qui n�ont rien � voir sinon � rendre plus confuse la situation. Mich�le Alessandri a eu raison de r�pondre sur le m�me ton. En tirant des relations semblables, l�avocat g�n�ral ne devrait pas oublier que certains de ses semblables ont ici m�me jug� des r�sistants, des communistes et des Juifs dans des Sections sp�ciales. Il ne devrait pas oublier qu�un seul magistrat fran�ais refusa de pr�ter serment au mar�chal P�tain. C�est peu. 
 
Il a tort quand il sous-entend que les inculp�s ont agi comme des nazis. Ils ont agi comme des fanatiques, des terroristes mais certainement pas des nazis. 
 
Enfin, et c�est insupportable il banalise la Shoah en la comparant � l�assassinat d�un seul homme. Est-ce rendre plus supportable la disparition du pr�fet que d�affirmer qu�aucun crime individuel ne saurait �tre compar� � l��limination froidement planifi�e de tout un peuple ? Est-il tout simplement honorable que pour un effet de manche on compare, l�un des plus grands drames de l�humanit� au meurtre d�un individu fut-il un pr�fet ?  
Certains parall�les devraient �tre �vit�s surtout dans la bouche de celui qui repr�sente la soci�t� fran�aise, tout simplement au nom de la d�cence la plus �l�mentaire. Et il a bien de la chance de se trouver face � une d�fense peu offensive car un tel incident aurait d� valoir � l�avocat g�n�ral une protestation en bonne et due forme au nom des deux arguments �nonc�s ci-dessus. 
 
On peut juger des hommes sans pour autant faire montre d�un tel m�pris sans envergure. La cour n'aura en d�finitive pu progresser sur le fond du dossier qu'avec la d�position de Val�rie Dupuis, compagne de l'accus� Didier Maranelli, qui a confirm� toutes les d�clarations faites � la police en 1999. 
 
Elle s'est notamment souvenue qu'Yvan Colonna, auteur pr�sum� des coups de feu aujourd'hui en fuite, �tait venu le lendemain de l'assassinat discuter "� voix basse" avec son mari. 
 
En pleurs, Val�rie Dupuis a racont� comment elle avait v�cu pendant un an apr�s le crime "dans la peur", soup�onnant son mari d'avoir particip� au crime mais sans pouvoir y croire. 
 
"C'�tait un bon p�re de famille, s�rieux et travailleur. c'est tr�s, tr�s dur", a-t-elle dit. 
 
Seul t�moin du jour � parler de Claude Erignac, elle a dit : "Un homme ne m�rite pas de mourir comme �a", a-t-elle dit. 
 
Corinne Cau, ancienne �pouse de Martin Ottaviani, a de son c�t� affirm� n'avoir rien remarqu� d'anormal chez son mari apr�s le crime. 
 
Pri�e de dire ce qu'elle pensait de l'assassinat "en tant que Corse", elle a r�pondu: "Je ne r�alise toujours pas, je ne sais pas. Je ne comprends rien � la politique, je ne comprends pas". 
 
Un avocat g�n�ral hors de tous rep�res, des accus�s muets. Le proc�s avance � pas de g�ant. Osons avancer une hypoth�se : la cour ne sait peut-�tre pas s�y prendre. Il est de grand pr�sident comme il est de grands procureurs et de grands avocats. Ici, tout est r�duit � la dimension d�une m�diocre affaire : petits accus�s, petite cour, petite accusation et avocats silhouette. 
 
LIRE EGALEMENT 
 
Dossier Erignac 
 |  
		 	
	 |