Les petits et grands secrets corses de Nicolas Sarkozy
Jul 7, 2003
Auteur: L'investigateur

Christophe Deloire et Christophe Dubois ont conclu leur livre � L�enqu�te sabot�e � sur le Sarkozy corse. En effet, celui-ci a �pous� en premi�re noces, Marie-Dominique Culioli, fille des pharmaciens de Vico. Ses deux fils sont donc � moiti� corse et issu d�une micro r�gion toute proche de Carg�se. Mieux, lorsque l�un de ses fils expriment le d�sir de revenir en Corse et de suivre un stage chez un berger c�est dans la r�gion de Carg�se qu�il est plac�. Quelques temps apr�s, le mouvement nationaliste ne bruisse plus que d�une rumeur. Le jeune Sarkozy-Culioli aurait �t� � contamin� � par le virus autonomiste au contact de son chef de stage, un nationaliste pur sucre. L�information parvient aux Renseignements g�n�raux qui la font remonter. Nicolas Sarkozy prend alors des mesures. Il ne serait pas bon pour sa carri�re que la moiti� de son enfant, la moiti� Culioli, prenne un jour la cagoule ou tout au moins se balade avec le cagoulard autour du cou. Selon les deux auteurs, Sarkozy pourrait m�me avoir un moment corsiser son nom en rempla�ant le y par un i, ce en quoi il se trompait. Au XIX�me si�cle de bons bourgeois corses qui refusaient leur corsitude transform�rent le i de leur nom en y. Ainsi Paul Val�ry descend-il de la famille des Valerii. Plus en arri�re, tout Neuilly raconte comment le jeune Nicolas fut pris en main par Achille Peretti, l�ind�tr�nable maire de Neuilly qui venait l�accueillir � l��cole. De l� daterait cet amour pour la Corse qui le poussa dans les bras d�une Culioli.

Comme Janus, Nicolas Sarkozy, justement, a deux visages. Le premier est celui d'un ministre ambitieux. L'ancien maire de Neuilly rev�t ce masque quand il s'assied sous les ors de la R�publique pour travailler � ses dossiers. Un jour, le passager de la place Beauvau pose pour Paris Match en parodiant, avec sa famille, le fameux clich� des Kennedy dans le bureau ovale de la Maison-Blanche. John-John jouait sous la table de son p�re. Le petit Louis s'installe � la m�me place sous le bureau de Cambac�r�s. Pour la photo, l'�pouse de Sarkozy, C�cilia, s'incline sur l'�paule de son mari, � la mani�re de Jacky. Il ne manque m�me pas le chien, Indy. Question d�coration, le ministre a accroch� au mur des peintures modernes de Honegger, pour remplacer des � affreuses baigneuses du XVIIIe si�cle �. Dans ses rares moments d'oisivet�, Sarkozy r�ve qu'il traverse la rue et pousse les grilles de l'�lys�e. L'incarc�ration de Colonna peut pr�cis�ment l'aider � r�aliser ce dessein.


L'autre Sarkozy s'�panouit en Corse. C'est celui d'un amoureux de l'�le de Colomba et de Mateo Falcone. Car le ministre est familier des lieux pour avoir �pous� en premi�res noces une pharmacienne originaire du village de Vico. O� est Vico? Sur les hauteurs de Carg�se ! Pendant des ann�es, le jeune homme qui avait pris la succession du Corse Achille Peretti � la mairie de Neuilly a pass� l� ses vacances. Gustave Flaubert a visit� la r�gion en 1840 et vante les m�rites du village : �� Vico on commence � conna�tre ce que c'est qu'un village de la Corse. Situ� sur un monticule, dans une grande vall�e, il est domin� de tous les c�t�s par des montagnes qui l'entourent en entonnoir.�

L'auteur de Madame Bovary s'enchante pour les l�gendes des lieux : � Vico est la patrie du fameux Th�odore dont le nom retentit encore dans toute la Corse avec un �clat h�ro�que; il a tenu douze ans le maquis et n'a �t� tu� qu'en trahison. C'�tait un simple paysan du pays, que tous aimaient et que tous aiment encore.�

� propos de l'�le, le ministre de l'Int�rieur aime � paraphraser la phrase de De Gaulle s'en allant vers l'Orient compliqu� avec des id�es simples. Il a appris cette le�on � Vico. Il s'est initi� aux figatellu et au brocciu, deux sp�cialit�s corses. Ces connaissances culinaires et ces attaches sensibles permettront � l'avocat, une fois ministre, de faire de grandes d�clarations d'amour � la Corse lors de ses discours officiels. Depuis, Sarkozy a divorc� de son �pouse corse et s'est remari� avec C�cilia en octobre 1996. Mais il n'a pas tout � fait divorc� de cette terre attirante et violente � la fois. D'autant que ses deux fils, Pierre et Jean, n�s de son premier mariage, se sentent corses et passent toutes leurs vacances sur l'�le.

Nicolas Sarkozy a beaucoup fr�quent� la villa des Culioli � Sagone, en bordure de mer. Dans cette petite ville qui s'�tire le long de la mer, il a aim� jouer au tennis, faire du bateau et profiter de la plage. Il y a conserv� des attaches. Il suffit de compulser l'annuaire t�l�phonique d'ann�es r�centes pour s'en convaincre. En 1999, � l'adresse de la villa baptis�e Ros'hen, appara�t un certain Nicolas Sarkozi (sic), joignable � un num�ro aujourd'hui erron�. Le maire de Neuilly avait-il eu la pr�ciosit� de �corsiser� son nom de famille hongrois, ou France T�l�com a-t-elle commis une erreur? En tout cas, Sarkozi est bien Sarkozy. Avant qu'il n'int�gre le gouvernement Raffarin, il n'y avait pas de protection particuli�re autour de la b�tisse cossue, coinc�e entre la mer et la route d�partementale d'Ajaccio � Carg�se. Depuis, un haut mur de parpaings a �t� �difi� pour �s�curiser� les lieux. En face de la maison Ros'hen, il y a toujours eu et il y a encore le glacier, propri�t� d'Andr� Geronimi. Notable local, Geronimi fut maire adjoint. Proche du RPR, il aimait deviser avec celui qui n'�tait encore que le juv�nile maire de Neuilly. Le 12 septembre 1983, le glacier de Sagone est victime d'un �paquet �, un attentat � l'explosif. L'action n'a jamais �t� revendiqu�e. Deux jours apr�s l'explosion, les gendarmes sont mis sur une piste par un renseignement anonyme. En substance: � Allez fouiller chez les Colonna. � La mar�chauss�e effectue une perquisition dans la propri�t�. Les militaires extirpent du puits un petit arsenal.

L'actualit� r�serve des surprises. Dans la nuit du 10 au 11 septembre 2002, un bruit sourd r�veille Andr� Geronimi. Un nouveau �paquet� a endommag� son �tablissement. Neuf ans apr�s le premier �avertissement �. Deux cents grammes d'explosif pos�s contre la porte du bar. Seule la moiti� de la charge a explos�. Les d�g�ts sont minimes. Deux jours plus tard, la foule se presse chez le glacier. C'est une soir�e de soutien aux �prisonniers politiques �, en faveur des membres du commando Erignac. Plusieurs membres pr�sum�s, dont Yvan Colonna, sont originaires de la r�gion. Une centaine de personnes participent � cette soir�e musicale. Tous les proches du fugitif, consid�r� comme un �martyr � de la cause, partagent un verre. Cach�s en face, contre la villa Ros'hen, les agents des RG ont une vue d�gag�e sur le glacier. Ils rel�vent les plaques d'immatriculation et notent scrupuleusement les noms des participants � cette �tonnante party. Lorsque le rapport parvient sur son bureau, le ministre n'a aucun mal � imaginer les lieux. Il ironise d'ailleurs sur les fonctionnaires qui, ignorant sa parfaite connaissance du terrain, lui donnent des le�ons sur le microcosme local. Il se souvient avec pr�cision du restaurant A Stonda, � l'entr�e de Sagone. Tenu autrefois par la sour d'Yvan Colonna, cet �tablissement o� le ministre a des souvenirs a �t� repris par un militant nationaliste. Ami du fugitif, Jean-Thomas Campinchi conna�t le ban et l'arri�re-ban de la mouvance autonomiste dans la r�gion. Il est proche de plusieurs membres du commando Erignac.

Le 25 octobre, le ministre se rend en Corse dans le cadre des assises des libert�s locales. Dans le Falcon de la R�publique qui le transporte, se trouvent ses collaborateurs et l'un de ses fils, venu passer les vacances de la Toussaint chez ses grands-parents maternels. Le lendemain matin de son arriv�e, Nicolas Sarkozy convoque les hauts responsables de la police et de la gendarmerie corses, notamment le patron du SRPJ, le commandant de la L�gion de la gendarmerie et le directeur de la s�curit� publique. La veille, un attentat a �t� commis contre une agence bancaire d'Ajaccio, � proximit� de la pr�fecture, o� dormait le ministre. Celui-ci se montre furieux. L'ambiance du petit-d�jeuner est glaciale. Pas un invit� n'ose toucher aux croissants. Mais un autre sujet pr�occupe Sarkozy. Les deux enfants de son premier lit sont-ils en s�curit� dans le � triangle des Bermudes � ? � Carg�se, Vico ou Sagone, le FLNC a toujours montr� sa poigne. Il est difficile de r�pondre. Les invit�s au petit-d�jeuner regardent leurs chaussures. Finalement, l'un d'eux se lance : �Les Corses ne touchent pas aux enfants. � �Ils n'aiment pas ceux qui ont peur �, pense le ministre en son for int�rieur. L'un des deux fils du ministre de l'Int�rieur passera une semaine tranquille � Vico. L'�t�, il a d�j� fait un stage de berger � quelques encablures de la bergerie d'Yvan Colonna. Les nationalistes ont bien rigol�.

Nicolas Sarkozy conna�t le concubin de Christine Colonna, Pierre Geronimi, le fils du glacier de Sagone. Passionn� de football, Geronimi a rencontr� Yvan sur les terrains de sport et l'a accompagn� en 1995 dans une grande vir�e en Am�rique latine. D'ailleurs, les deux fils du ministre ont d�j� jou� au football avec Colonna. Le berger organisait de petits tournois estivaux dans le cadre de l'Association sportive carg�sienne. Les enfants Sarkozy s'essayaient au ballon rond avec celui qui serait un jour l'assassin pr�sum� du pr�fet de Corse. Bien entendu, ils n'ont plus revu Colonna depuis son d�part en cavale.

Un �pisode de l'�t� 2002 a fait jaser dans un cercle restreint. �On� a vu l'un des deux adolescents circuler dans la voiture de Christine Colonna, r�put�e nationaliste fervente. Le beau-fr�re d'Yvan la lui avait pr�t�e. � l'arri�re de l'automobile �tait fix� un autocollant du Ribellu, le symbole du FLNC. Les Renseignements g�n�raux planquaient dans le coin, pour d�busquer l'homme invisible et surveiller la prog�niture remuante du ministre. Remont�e au plus haut niveau du minist�re, l'information a cr�� une petite g�ne. Le monde est parfois trop petit. Le ministre laisse faire ses enfants comme ils l'entendent, mais prend soin pour lui-m�me d'�viter tout contact avec la famille Colonna. � Quand Jean-Hugues Colonna a tent� de prendre attache avec moi fin 2002, par l'interm�diaire d'un directeur du minist�re, j'ai refus� cat�goriquement �, r�v�le Sarkozy. Le ministre sait que l'�tat a d�j� beaucoup perdu dans cette affaire, et n'a pas voulu prendre le risque de se faire pi�ger. Le fugitif doit tomber dans un guet-apens des policiers et pas l'inverse.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s