Yvan Colonna jug� par un ind�pendantiste
Jul 7, 2003
Auteur: L'investigateur

Pantal�on Alessandri a �t� un militant du FLNC de la premi�re heure. Il est emprisonn� pour des ann�es en 1978. Rel�ch� en 1981, gr�ce � une amnistie, il apprend deux ans plus tard l�enl�vement et l�assassinat par des truands de son ami Guy Orsoni. � partir de juin 1983, l�implacable vengeance du FLNC commence. Le 7 juin 1984, il p�n�tre dans la prison d�Ajaccio avec deux camarades pour ex�cuter deux des assassins de Guy Orsoni. Il fera encore de nombreuses ann�es de prison. Il a �crit � Ind�pendantiste corse � publi� chez Calmann-L�vy. C�est un homme respect� pour son engagement d�sint�ress�. Malgr� une petite erreur relative � la revendication du communiqu� et due vraisemblablement � Marie-Ange Poyet,l��crivante du livre, ce t�moignage vaut par sa franchise.

Ce 6 f�vrier 1998, ce fut un coup de t�l�phone d'Ajaccio qui me pr�vint de l'assassinat du pr�fet Erignac, confirm� par mon fr�re Pascal qui travaille � France 3 Corse. J'ai saisi tout de suite la gravit� de l'�v�nement, sans toutefois parvenir � l'analyser et le comprendre. Rien, en effet, ne laissait pr�voir une telle action, et je crus tout d'abord � une surench�re d'un groupe nationaliste sur un autre. Je m'attendais donc � une revendication qui enfoncerait le clou et laisserait entrevoir le d�but d'un plan, d'une action politique raisonn�e. Rien. Il a fallu attendre un an et demi avant la premi�re revendication du groupe Sampieru Corsu. Quant � ceux qui sont incarc�r�s, ils n'ont jamais rien expliqu�, rien assum�. Ont-ils pens� ressouder le nationalisme derri�re eux avec cet attentat? Si oui, il leur aurait fallu des contacts avec d'autres branches du mouvement nationaliste qui, si elles avaient adh�r� � une position aussi dure, pouvaient resserrer les rangs autour d'eux. Cela n'a pas �t� le cas, bien au contraire, et on a bien vu Jean-Guy Talamoni condamner l'acte pour ne pas se couper totalement du pouvoir et refuser de condamner les pr�sum�s assassins pour ne pas rompre avec les clandestins. Ce meurtre g�nait tout le monde. Les mouvements nationalistes clandestins n'�taient plus dans cette logique-l�, ils ne voulaient pas d'affrontement avec l'�tat fran�ais, bien au contraire. Des attentats mineurs, d'accord, toujours dans cette doctrine de la propagande arm�e qui prime en Corse, mais pas question d'aller au clash. Soutenir des revendications des mouvements l�gaux par de petites actions sans cons�quences graves, oui. Sans plus.

Le commando Erignac s'est tromp� d'�poque. Un acte aussi grave doit avoir une signification dans un contexte bien pr�cis. En 1998, ce contexte n'y �tait pas, et on ne peut pas forcer une situation qui n'existe pas. Un attentat isol�, sans discours ni ligne politique, sans suite, �a ne marche pas.

Ils se sont fait balancer. Quand Charles Pieri, sur France 3, a d�nonc� les d�rives brigadistes d'anciens dissidents de A Cuncolta, il �tait difficile d'�tre plus explicite, et cela a tout de suite donn� une direction � la police, qui savait exactement qui �taient ceux qui avaient quitt� le mouvement, et pourquoi. Chaque fois, d'ailleurs, qu'il y a eu des frictions, cela s'est toujours r�pandu tr�s vite. A Cuncolta �tait au courant de la pr�paration de l'attentat mais s'�tait d�solidaris�e � un moment donn�. Ils savaient donc qui �tait dans le commando.

Apr�s le meurtre du pr�fet Erignac, et encore derni�rement, certaines affaires se sont subitement �claircies; c'est donc bien que des renseignements ont �t� donn�s � la police. Quelques-uns ont sans doute n�goci� ces renseignements : Fran�ois Santoni n'a jamais cach� ses sympathies pour Charles Pasqua ni pour un policier tr�s proche de lui, Daniel Leandri. A Cuncolta de Bastia entretenait depuis longtemps d'excellents rapports avec les RG. Ne s'�taient-ils pas r�unis, tous ensemble, au bar du Centre, apr�s la mort de Jean-Fran�ois Filippi, pour �changer leurs informations?

Pourtant, il y a eu un retournement de l'opinion publique contre les policiers qui enqu�taient sur la mort du pr�fet. Ils ont fait des erreurs �normes, des perquisitions d'une violence inou�e en se trompant d'adresses, ou en faisant exploser des portes qui ne demandaient qu'� s'ouvrir. Les flics ont tap� de tous les c�t�s comme des fous en faisant beaucoup de d�g�ts. Ils se sont fourvoy�s sur la piste agricole, emprisonnant Marcel Lorenzoni et Mathieu Filidori, pour rien, durant plusieurs mois.

Les flics de la DNAT (Direction nationale de l'antiterrorisme) sont m�me venus chez moi m'insulter. Ils �taient tr�s arrogants et m�prisants.

�En Corse, il n'y a que des voleurs �, d�clara l'un d'eux en voyant sur ma table La Justice ou le Chaos, un livre de Denis Robert (Stock).

Je lui ai conseill� de lire cet ouvrage dans lequel sept juges europ�ens, dont Renaud Van Ruymbeke, prennent la parole pour affirmer que la justice doit �tre �gale pour tous et qu'on ne peut pas laisser impun�ment se r�pandre la corruption ni les trafics en tout genre.

Ils m'ont embarqu� au commissariat de Bastia, gard� une journ�e avec la mise en sc�ne : photographies, empreintes et interrogatoire, en m'expliquant qu'ils pensaient avoir trouv� des relations entre la s�mantique de la d�claration politique lue par Mathieu Filidori en ouverture du proc�s de 1979 et la revendication du groupe Sampieru Corsu pour le meurtre du pr�fet Erignac. Leur probl�me �tait de savoir qui avait �crit la d�claration de 1979! Je dus leur rappeler que je n'�tais pas � ce proc�s, puisque mon cas avait �t� dissoci�.

Tout ce qu'ils ont fait n'a servi � rien. Le commando Erignac ajuste �t� balanc�.

Il y a quelque temps, une lettre d'Yvan Colonna, dans laquelle il disait �Ce n'est pas moi �, a �t� publi�e dans la presse. Je ne comprends pas sa d�marche. Soit il a voulu faire un acte majeur et il l'assume, soit ce n'est pas le cas, et qu'il nous explique ce qui s'est pass�.

Quand je vois que l'on en arrive � jouer sur les proc�dures et les lois, que l'on commence � parler de la possible responsabilit� de Joseph Caviglioli, un militant aujourd'hui d�c�d�, je crois que l'on va vers une m�lasse, un imbroglio de droit commun, et rien d'autre. C'est vraiment pitoyable!

Je ne pense pas qu'Yvan Colonna puisse tranquillement retourner traire ses ch�vres, mais, si c'�tait le but de sa vie, il ne fallait pas s'en �carter! Idem pour tout le commando.

Dossier arrestation Colonna

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