Mis en ligne le samedi 5 juillet � 20 heures
Les hommes du RAID connaissaient la bergerie o� se cachait Yvan Colonna. Policiers de diff�rents services l�avaient d�j� visit� � trois reprises. Ils connaissent donc les lieux d�autant que ceux-ci ont �t� film�s par un h�licopt�re. Selon le chef du RAID, Christian Lambert, les enqu�teurs ont su qu�ils tenaient Yvan Colonna lorsqu'ils l'ont entendu vendredi � l'aube parler aux ch�vres dans une bergerie proche d'Olmeto, en Corse-du-Sud.
Le r�cit du policier, abondamment diffus� sur les t�l�visions, intervient alors que Nicolas Sarkozy doit, d�une mani�re un peu surr�aliste, justifier des conditions de l�arrestation de l�homme le plus recherch� de France.
Selon lui, le fait d�avoir entendu l�individu parler aux ch�vres a �t� fondamental car les hommes du Raid cach�s dans le maquis n'avaient pas r�ussi jusque-l� � s'approcher suffisamment pr�s pour s'assurer de son identit�, a soulign� le ministre de l'Int�rieur, Nicolas Sarkozy.
Ils savaient en revanche que le militant nationaliste, recherch� depuis quatre ans pour l'assassinat du pr�fet de Corse Claude Erignac, avait l'habitude de parler aux animaux lorsqu'il �tait berger, dans son village de Carg�se.
"� cinq heures du matin, nous avons entendu des bruits de casserole et un individu qui parlait avec des ch�vres, �a nous a permis de resserrer le dispositif", a racont� Christian Lambert, le chef des forces sp�ciales du Raid.
Le d�tail de l�homme qui parlait aux ch�vres est particuli�rement savoureux lorsqu�on sait que tous les bergers sans exception parlent � leurs b�tes et leurs donnent des sobriquets : � a bianchina �, � a stillata � etc.
Mais puisqu�il faut justifier que l�arrestation d�Yvan Colonna n�est pas une reddition, le r�cit devient savoureux. Selon le ministre de l�int�rieur, c�est depuis plusieurs mois, que les enqu�teurs avaient acquis la conviction que le militant recherch� aux quatre coins de la plan�te se cachait en r�alit� en Corse-du-Sud.
Une telle assertion est pour le moins curieuse puisque les relations avec la Sardaigne n�ont jamais cess�, l�ancienne compagne d�Yvan Colonna ayant gard� des attaches dans l��le s�ur. De plus, les policiers ne cachaient pas qu�ils pensaient qu�Yvan Colonna venait souvent en Corse mais qu�il s�journait ailleurs. Ils �voquaient d�ailleurs la Toscane toute proche.
Les policiers affirment avoir "visit�" une � une les 220 bergeries de la r�gion avant d'apprendre, il y a environ un mois, qu'Yvan Colonna disposait de contacts et d'un syst�me de messages passant notamment par un camping d'Olmeto.
Pour la Direction g�n�rale de la police l'op�ration aurait �t� d�clench�e il y a trois mois sur la base d'un renseignement anonyme faisant �tat de la pr�sence dans un camping de Porto Pollo d'un homme ressemblant au fugitif. Or il y a trois mois les campings �taient pour la plupart ferm�s et on voit mal l�homme le plus recherch� de France tra�ner dans un camping vide.
De plus ce camping avait d�j� �t� investi quelques mois apr�s l�assassinat du pr�fet Erignac apr�s qu�un renseignement anonyme l�eut d�sign� comme un lieu de refuge de l�assassin pr�sum�. C�est dire si le propri�taire devait se m�fier. C�est pourtant encore l� que les policiers retrouvent la trace du fugitif.
Ils savaient �galement qu'Yvan Colonna changeait de cache tous les quinze jours et se d�pla�ait tr�s prudemment dans le maquis en �vitant soigneusement le GR 20, le sentier de grande randonn�e traversant l'�le. La bergerie se trouve n�anmoins non loin du sentier � mare � mare � �galement tr�s fr�quent�. Les bergeries situ�es ainsi non loin des lieux de randonn�e servent essentiellement � fabriquer du fromage vendu aux touristes.
Le RAID a d�ploy� un dispositif de surveillance autour du camping. La filature de son g�rant a conduit les enqu�teurs � une premi�re bergerie, o� un lit de camp attestait de la pr�sence r�cente d'une personne, puis � une seconde, o� Yvan Colonna a �t� surveill� pendant deux jours. L� encore, tous ceux qui connaissent la Corse doutent du fait qu�on puisse �tablir des filoches tr�s longues surtout dans des endroits d�sertiques. Cette surveillance du camping m�ne les enqu�teurs jusqu'� une premi�re, puis une seconde bergerie perch�e � flanc de colline, sur un promontoire circulaire, et entour�e d'une v�g�tation de plus d'un m�tre de hauteur ce qui est extr�mement petit puisque le maquis atteint une moyenne de trois m�tres de hauteur. La bergerie est donc situ�e dans un endroit facile d�acc�s (ce qui est compr�hensible) et d�o� le berger peut voir toutes ses b�tes.
L�, les policiers constatent un certain mouvement, notamment le passage de voitures au bout d'une piste d'un kilom�tre. Le 29 juin au soir, un homme susceptible de correspondre au signalement d'Yvan Colonna est enfin aper�u.
Le r�cit du policier tient de moins en moins la route car il suppose que les hommes du RAID ont pu rester des jours et des nuits enti�res � planquer dans le maquis sans jamais �tre rep�r�.
Les enqu�teurs ont malgr� tout un doute, car le berger a beaucoup grossi et porte les cheveux longs ainsi qu'une barbe qui le rendent presque m�connaissable.
N�anmoins, d�cision est prise de resserrer le dispositif avec des moyens d'observation et d'�coute sur lesquels les enqu�teurs gardent jalousement le secret.
Le 4 juillet, � 5h00 du matin, la voix d'Yvan Colonna trahit sa pr�sence dans la bergerie. C�est l��pisode de l�homme qui parlait aux ch�vres. Les policiers ne sont alors qu'� une trentaine de m�tres de la b�tisse.
"Sur le coup de 7h20, nous voyons un individu sortir, il correspond au signalement malgr� quelques transformations", souligne Christian Lambert.
En d�autres termes, tout ce dispositif a �t� mis en place sans jamais �tre certain de l�identit� du berger.
� 12h30, le fugitif quitte � nouveau le b�timent avec un sac � dos et "tr�s rapidement, repart dans la nature". D�s lors, une trentaine d'hommes du RAID, r�partis en groupes de deux, se postent dans la colline en surveillant tous les sentiers susceptibles d'�tre emprunt�s par Yvan Colonna. Ordre est donn� de l'arr�ter. L� le timing ne colle plus car c�est seulement � 19h15, que deux hommes cach�s dans le maquis voient surgir le berger qui, en les apercevant, tente bri�vement de prendre la fuite avant d'�tre ceintur�. A ce moment l�, Yvan Colonna n'est pas arm�.
Pourtant, en sept heures un bon marcheur, ce qui est le cas d�Yvan Colonna, peut parcourir plusieurs dizaines de kilom�tres ce qui le placerait hors de port�e du dispositif policier. Mais l� non : il a d� tourner en rond.
Les policiers retrouveront plus tard dans la bergerie une "grenade d�fensive et un chargeur" mais pas d'arme de poing. Ils n�ont pas eu l�id�e de l�investir alors qu�elle �tait vide. Ou peut-�tre cette grenade est-elle n�e de l�imagination d�un policier d�sireux de faire croire � sa version des faits.
"La grenade �tait destin�e � lui permettre une fuite instantan�e. Tout �tait organis� pour qu'il puisse quitter sa cachette imm�diatement", a soulign� le ministre de l'Int�rieur, Nicolas Sarkozy. Totalement invraisemblable vue la s�cheresse : une grenade mettrait le feu au maquis et Yvan Colonna ne peut pas l�ignorer. Or avec les vents qui soufflaient d�ouest le jour de son arrestation, il pouvait y laisser la vie. Quant au chargeur, on comprend mal son utilit� sans l�arme qui peut le recevoir.
En voyant surgir deux policiers, le fugitif est visiblement surpris car il ne s'attendait pas "� �tre interpell� dans son domaine, dans le maquis" pr�cise le ministre.
Il ne reconna�t pas imm�diatement �tre Yvan Colonna et demande aux policiers les raisons de son interpellation.
Ce n'est qu'en voyant arriver le chef du Raid, lequel lui fait comprendre qu'il ne sert � rien de nier, qu'il finit par r�pondre : "Oui, vous ne vous �tes pas tromp�s, c'est bien �a, je suis Yvan Colonna".
Selon Christian Lambert, le militant nationaliste est rest� tr�s calme pendant son transfert � Paris dans la nuit de vendredi � samedi et "commence � r�fl�chir � son avenir". "Il �tait relativement d�tendu, pas agressif".
Le ministre Sarkozy a assur� avoir r�p�t� aux responsables de l'enqu�te � Agissez quand vous jugerez qu'il le faut �. Et de souligner que, vendredi soir, le moment �tait venu: � Les gars du RAID savaient qu'il (Colonna, NDLR) se pr�parait � partir pour une autre planque. Il avait fait son sac. Une voiture venait le prendre? C'�tait moins une! � ce qui ne correspond pas avec la description de Lambert.
Nous reviendrons dans des �ditions ult�rieures sur les incoh�rences du r�cit policier.
|
|