Comp�tence universelle : Louis Michel fait amende honorable
Jun 25, 2003
Auteur: L'investigateur

La loi de comp�tence universelle sera modifi�e. Enfin, serait-on tent� de dire. Car la Belgique, qui s��rigeait en justicier du monde, est encore aujourd�hui incapable de pr�senter � ses propres citoyens une justice qui fonctionne convenablement. Dans une interview � � La Libre Belgique �, Louis Michel, ministre belge des affaires �trang�res, inquiet de ne pas retrouver son portefeuille, fait amende honorable. Le ton a chang�. Pour une fois, la Belgique accepte ses torts et ses erreurs. C�est tellement exceptionnel que nous publions ci-dessous de larges extraits de cette interview, par ailleurs tr�s symptomatique de la mentalit� de Louis Michel.


On vous dit groggy, d�stabilis�, bougon, f�ch�...

Je suis convaincu qu'on a essay� de me d�stabiliser. Mais cela ne va pas marcher. Je ne suis pas d�stabilis�, au contraire. Il aura fallu quatre ans pour que les faits me donnent raison. Pendant tout ce temps, cette loi de comp�tence a �t� un boulet que je tra�nais � mes pieds car elle handicapait ma diplomatie. � pr�sent, on a �t� de la loi les �l�ments qui permettaient � certains d'abuser de cette loi pour mener des op�rations malveillantes, d'humiliation de certains de nos partenaires. (�)


Au d�but, elle vous a servi � asseoir votre popularit�, vous qui brandissiez partout le respect des droits de l'homme...

Moi, je suis un l�galiste. Il y a une loi: il faut la respecter. Du reste, cette loi �tait une belle loi. C'est donc un peu dommage qu'on ait d� la changer. Car l'objectif de la loi �tait de permettre � des victimes de dictateurs, de crimes contre l'humanit�, de g�nocide, de disposer d'un endroit o� d�poser plainte et d'avoir un proc�s �quitable. Malheureusement ceux qui ont abus� de la loi ont dress� une telle caricature de la port�e de la loi qu'ils l'ont enterr�e. Car les plaintes � l'�gard de personnes issues d'un pays d�mocratique ont plac� ces personnes en situation de vexation, d'humiliation. Il �tait donc tr�s difficile de maintenir des relations diplomatiques avec ces pays-l�. J'ai v�cu cela dans l'affaire Yerodia: je venais de renouer avec le Congo apr�s des efforts consid�rables quand cette plainte nous est tomb�e dessus. Cela s'est r�p�t� avec le Moyen-Orient avec la plainte contre M. Sharon. J'ai donc �t� r�guli�rement confront� avec les difficult�s de cette loi, pas parce que la finalit� �thique de cette loi �tait mauvaise - d'ailleurs la dimension �thique de la loi demeure - mais parce que l'application que certains en ont faite constitue une d�rive, un d�voiement.


Les pressions am�ricaines ont-elles �t� la goutte d'eau?

D�s lors que le d�voiement de la loi a conduit les Am�ricains � mettre en cause le si�ge de l'Otan � Bruxelles, il devenait impossible de ne pas modifier la loi. Les int�r�ts de notre pays risquaient d'�tre gravement pr�judici�s. Il n'y a pas eu de pressions am�ricaines mais des mises en garde des Etats-Unis et d'autres pays qui commen�aient � trouver que, pour caricatural que ce fut, ce n'�tait quand m�me pas acceptable. Car la Belgique apparaissait soit comme un pays qui s'arrogeait le droit de juger le monde entier ou, pire, comme un pays p�chant par omission par rapport � la conscience qu'elle devait avoir de ces devoirs vis-�-vis de ses partenaires.


N'a-t-on pas vid� la loi de sa substance dans la mesure o� les crit�res de rattachement pourraient m�me emp�cher des Belges de porter plainte?

Soyons clairs. Cette loi avait pour but de transposer en droit belge la Convention de Gen�ve que nous avions ratifi�e. C'�tait un devoir de la Belgique. Mais � l'�poque, on a int�gr�, dans la loi, des protocoles additionnels. La Belgique de Wilfried Martens, Melchior Wathelet et Mark Eyskens - pas celle de Louis Michel, j'�tais alors dans l'opposition - est all�e plus loin que ce qu'on lui demandait. Aujourd'hui, nous proposons, plus ou moins, de transposer fid�lement ce que la Convention de Gen�ve nous demande. Nous y adjoindrons une loi qui int�grera ce qui se trouve dans la Convention d'Ottawa au niveau de l'immunit� de service, fonctionnelle pour les personnes qui sont invit�es en Belgique. Notre loi ressemblera donc aux lois qui existent en Allemagne, en France, au Royaume-Uni...


C'est le pr�sident de la Cour d'appel qui jugera de la qualit� de la justice du pays o� il renverra la plainte... Le pourra-t-il?

Un pr�sident de Cour d'appel doit conna�tre le fonctionnement de la Justice de tous les pays du monde. Et s'il ne le sait pas, il se renseignera. Il ne mettra en tout cas pas en doute le fait que les Etats-Unis sont une d�mocratie. Tout comme Isra�l et la Grande-Bretagne.


Quelle garantie du suivi aura-t-on?

On ne va pas recommencer... Si on renvoie vers un pays d�mocratique, on ne va pas se comporter en juge du monde entier. Pourquoi ne pas remettre en cause notre propre justice?


Reconnaissez-vous une certaine gestion erratique du dossier?

Pas du tout. Le dossier �tait extr�mement difficile, sensible. Les partenaires n'�taient pas du tout sur la m�me longueur d'onde. Et il fallait tenir compte des diff�rentes sensibilit�s. Quelles �taient les solutions possibles? Supprimer la loi, travailler par les immunit�s ou alors modifier la loi en s'inspirant des autres pays. Ce que nous avons fait.


Comment les Etats-Unis ont-ils r�agi?

Ils �tudient l�gistiquement la port�e de ces modifications.


S'ils souhaitent un nouveau changement, vous y souscrirez?

Les Etats-Unis ne font pas notre loi. Ils ont exprim� leur inqui�tude, avec force. Ce sont des partenaires. Et en tant que pays h�te de nombre d'institutions, nous devons nous pr�occuper de leurs inqui�tudes. J'ai le sentiment que ceci devrait lever leurs inqui�tudes.

Vous souhaitez rester ministre des Affaires �trang�res?

Plus qu'avant encore... J'�tais d�j� tr�s enthousiaste. Je le suis plus encore car avec ces changements, mon espace et ma cr�dibilit� sont �largis. (�)

*****

Les Etats-Unis n'ont pas fait de commentaire de fond sur la modification annonc�e par Bruxelles de la loi de comp�tence universelle, au titre de laquelle des plaintes ont �t� d�pos�es contre le pr�sident George W. Bush et d'autres personnalit�s am�ricaines. Le porte-parole adjoint du d�partement d'Etat s'est born� � affirmer que l'opposition de Washington � cette loi �tait "bien connue" et qu'il "revenait au gouvernement belge de r�gler cette affaire et ce qui appara�t clairement comme un probl�me".







� Le Soir � se fait tout doux


En modifiant sa loi de comp�tence universelle ce week-end, la Belgique a-t-elle �teint tous les feux allum�s par la multiplication des plaintes et l'usage abusif de cette l�gislation - visant � juger les auteurs de crimes de guerre et contre l'humanit� et les g�nocides ? Une chose est s�re : les pressions, voire les strat�gies de d�stabilisation, partent en tous sens� Quant aux premiers signaux envoy�s par l'Oncle Sam, ils sont plut�t encourageants. Du moins pas n�gatifs. Car l'important est, au fond, que l'administration Bush ne dise pas d'embl�e que les nouveaux am�nagements sont insuffisants� (Le Soir)

Lundi, en fin de matin�e, c'est l'ambassadeur am�ricain � Bruxelles que Louis Michel tentait de convaincre qu'il n'y avait aucune raison de craindre cette loi - lui remettant d'ailleurs un exemplaire de la proposition de modification. Stephen Brauer s'est montr� un rien plus prudent que le patron de l'Otan, expliquant que Washington devait �tudier le texte et qu'il �tait pr�matur� de se prononcer. Mais ajoutant tout de m�me : C'est peut-�tre une solution. Et lorsqu'un journaliste lui demande si Louis Michel peut rester ministre des Affaires �trang�res, il r�pond, sibyllin : C'est une question tr�s difficile. Je ne suis pas en position d'y r�pondre�







Les menaces am�ricaines r�sum�es par � Lib� �


� Une grande partie de la presse belge consid�re aussi que Bruxelles a capitul� en rase campagne. La menace am�ricaine �tait sans ambigu�t� : si la loi n'�tait pas abrog�e ou revue de telle mani�re que les officiels am�ricains ne risquaient plus rien en se rendant � Bruxelles, les institutions de l'Otan allaient �tre �vacu�es vers d'autres pays. Le port d'Anvers �tait menac� de faillite et le colossal commerce du diamant, le plus important du monde, �tait �galement dans la balance �. (Lib�ration)

DOSSIER COMPETENCE UNIVERSELLE

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s