Proc�s Erignac: les nationalistes montent � Paris
Jun 24, 2003
Auteur: L'investigateur

L'ancien secr�taire d'A Cuncolta pour la Haute-Corse Charles Pieri, s'est assis ce lundi vers 11H00 sur les bancs r�serv�s au public, lors du proc�s des huit assassins pr�sum�s du pr�fet Erignac. Que venait-il faire l�, lui, le militant de base, retir� de presque tout sauf de l�immobilier ? Et il n�est pas venu seul. Des dirigeants d�Indipendenza ont tenu � accompagner dans son voyage le militant de base Charles Pieri. On reconna�t d�abord autour de lui ses deux fid�les, presque ses gardes du corps, Paoli et Mosconi. Et puis un peu plus loin, silhouette r�bl�e, Fran�ois Sargentini, l�homme de Tralonca. Et puis � c�t� de lui, Maurice Guidicelli, responsable de la Ghjunta d�Indipendenza, repr�sentant de la � soci�t� civile �. Et voil� Jean-Marie Poli, porte-parole du Comit� anti-r�pression, mais aussi salari� par le comit� d�entreprise de l�EDF (on ne crache pas sur l��tat fran�ais quand il vous salarie). Et enfin, Pierre Paoli, responsable nationaliste ajaccien.

Avant d�analyser la venue de cette bande de jeunes en voie d�insertion, il faut rappeler que l�un d�entre eux, alors responsable du FLNC et secr�taire national adjoint de la Cuncolta aux c�t�s de Fran�ois Santoni, avait �t� le premier apr�s l�assassinat du pr�fet Erignac, � d�signer � une piste brigadiste �. Il savait de quoi il parlait. Il retrouve donc ce lundi des hommes qu�il a largement contribu� � faire arr�ter.

C'est la premi�re fois depuis le d�but du proc�s le 2 juin que sont pr�sentes dans la salle des figures du nationalisme. C�est sous une triple pression que ces responsables se sont d�plac�s. La premi�re est celle du mouvement sim�onistes incarn�s par la Tramula. Indipendenza et le FLNC ne veulent pas leur donner de grain � moudre. La deuxi�me pression est celle de la base clandestine qui br�le de mille feux pour les pr�sum�s assassins du pr�fet m�me si elle s�est montr�e tr�s d��ue par leur attitude depuis le d�but du proc�s. La troisi�me pression est celle du FLNC num�ro 3 dont la c�te de sympathie ne cesse d�augmenter au sein m�me de la mouvance Union des Combattants. La d�cision a donc �t� prise de � monter � � Paris.

Trois des hommes ont une autre importance que celle d�Indipendenza. Ils repr�sentent le FLNC Union des Combattants. Le premier est le responsable du secteur nord essentiellement Bastia-Balagne. Le second (aujourd�hui semble-t-il en difficult�) repr�sente Ajaccio et le sud de l��le. Le troisi�me repr�sente le centre et la r�gion de Corte.

Le porte-parole d'Indipendenza, Fran�ois Sargentini, a expliqu� � l'issue de l'audience de lundi matin que leur pr�sence � la cour d'assises sp�ciale visait � apporter le "soutien total de la famille nationaliste" aux assassins pr�sum�s du pr�fet Erignac.

Charles Pieri a modestement refus� toute interview laissant � Fran�ois Sargentini le soin de r�pondre aux journalistes lors de la suspension d'audience. Forc�ment, il n�est que militant de base.

"Nous sommes venus ici pour t�moigner la solidarit� que nous portons � ces hommes qui sont aujourd'hui dans le box. C'est une solidarit� avec tous les d�tenus quelle que soit l'action qu'ils aient commise. Ces hommes n'ont pas commis un acte comme cela, compl�tement d�connect� de la lutte d'un peuple. C'est vraiment la lutte d'un peuple qui est aujourd'hui pr�sente � Paris et c'est pour cela que nous sommes venus leur apporter notre soutien. C'est notre pr�sence ici qui apporte le soutien total de la famille nationaliste aux gens qui sont aujourd'hui dans le box", a-t-il encore d�clar� pr�cisant que "le r�glement de la question corse ne pourra pas se faire sans l'examen de la question des d�tenus politiques corses".

Fran�ois Sargentini est un habitu� des d�clarations mal emmanch�es. Mais il n�est pas certain que cette fois-ci, sa maladresse soit fortuite. Un d�bat fait rage dans les rangs ind�pendantistes sur l�opportunit� ou non de � recueillir � sur la liste des territoriales de 2004 d�autres nationalistes. Au premier rang de ceux-ci, se trouve Edmond Simeoni, l�un des initiateurs de l�A Tramula. La position d�Indipendenza �tait que cet appel �tait inutile puisqu�il existait d�j� le Comit� Anti-R�pression. N�anmoins certains responsables ind�pendantistes sont d�accord pour donner une place de choix � Simeoni et ouvrir les listes � des �l�ments ext�rieurs.

Il y a n�anmoins un fichu probl�me : celui de la parit� qui a divis� le nombre de places masculines par deux. D�autres dirigeants ind�pendantistes sont pour la puret� id�ologique et r�cusent Edmond Simeoni. Les positions de Sargentini vont dans ce sens. Autrement dit, Edmond Simeoni et les mod�r�s de l�appel de Corte ont le choix : ils passent sous les fourches caudines d�Indipendenza mais aussi du FLNC (ce qui est une fa�on de renier leur refus de la violence) et ils auront droit � des strapontins. Soit ils refusent et ils font liste � part. � Tramula repr�sentait un pas de conciliation. Iront-ils plus loin ?

Jean-Guy Talamoni, chef de file des �lus ind�pendantistes � l'Assembl�e de Corse, viendra le 3 juillet devant la cour d'assises sp�ciale comme "t�moin de moralit�" des accus�s.

Autant d��l�ments qui risquent d��tre utilis�s par les partisans du non comme un repoussoir terrible. Aucun doute sur le fait que chaque parole prononc�e trois jours avant le r�f�rendum par Talamoni sera diss�qu�e et expos�e.

Sargentini a tenu � pr�ciser que sa pr�sence avait �t� "d�cid�e par l'ensemble du monde nationaliste". Mais surtout il n'a pas express�ment condamn� l'assassinat.

"La peine que subissent ces hommes est tr�s lourde, la peine du peuple corse est tr�s lourde aussi", a affirm� M. Sargentini qui a tout simplement oubli� la famille du pr�fet assassin� ce qui rel�ve au mieux d�une mauvaise �ducation peu courante en Corse, au pire d�un manque de sentiment total. Il a n�anmoins appel� de ses v�ux "un r�glement politique" en Corse qui passe selon lui par un "oui" au r�f�rendum du 6 juillet sur le statut de l'�le. Un coup de pied de l��ne pour un r�f�rendum dont il se fiche comme d�une guigne ?

Nous reviendrons dans les jours prochains sur le r�le jou� par le FLNC dans la connaissance du commando Erignac par la police et la gendarmerie, histoire de rafra�chir la m�moire des Tartuffes du FLNC Canal historique et leurs dr�les d�amiti�s avec Jean Castela et Vincent Andriuzzi.











Un proc�s toujours plus navrant



C'est encore la fuite d'Yvan Colonna, berger de 43 ans et auteur pr�sum� des coups de feu mortels, qui a �t� au centre de cette 15�me audience devant la cour d'assises sp�ciale de Paris.

Pour la premi�re fois, un policier, l'ancien n�2 de la Division nationale antiterroriste (DNAT), Jean-Fran�ois Leli�vre, s�est exprim� sans prendre de gants envers son ex-patron Roger Marion, � qui il a implicitement reproch� de ne pas avoir mis Yvan Colonna sur la liste des premi�res interpellations le 21 mai 1999.

"Yvan Colonna pr�sentait un int�r�t majeur. Le choix des objectifs a �t� fait par le n�1 de la DNAT et le magistrat instructeur. Si vous me demandez pourquoi Yvan Colonna n'y figurait pas, je vous r�pondrai de leur poser la question � eux", a d�clar� le policier contredisant ainsi l�ancien patron de la DNAT qui avait estim� � qu�Yvan Colonna n��tait pas une priorit� �.
La cour a longuement examin� le relev� des communications t�l�phoniques pass�es entre les accus�s, avant, pendant et apr�s le meurtre. Obtenus par la police d�s janvier 1998, ces relev�s ont permis de les confondre.

Or Yvan Colonna y appara�t tr�s souvent, largement assez pour �tre soup�onn� Le chef pr�sum� du commando de tueurs, Alain Ferrandi, qui cherche � innocenter le berger de Carg�se apr�s l'avoir d'abord d�sign� comme le tireur, a produit une explication nouvelle pour les appels pass�s avec Yvan Colonna.

� Je vais peut-�tre faire rire la cour. Il m'appelait tr�s souvent le mercredi et le jeudi, car le vendredi, il devait descendre faire ses livraisons de � brocciu �. Il m'appelait au garage pour passer ses commandes �, a dit Alain Ferrandi.
Ce n��tait donc qu�une affaire de fromage ! Il fallait y penser. Cela d�montre en tous les cas que les deux hommes qui s��taient connus dans le FLNC avaient gard� des relations extr�mement �troites. On ne livre pas son � brocciu � � n�importe qui.

Vincent Andriuzzi, professeur de math�matiques soup�onn� d'avoir con�u le crime, a eu quelques difficult�s � justifier les nombreux appels tr�s courts pass�s avec Alain Ferrandi dans la p�riode du crime. Des appels de quelques secondes. Selon Andriuzzi, il travaillait alors sur des "affaires immobili�res" avec Ferrandi. � En Corse, le r�seau t�l�phonique �tait tr�s mauvais (ce qui est compl�tement faux, le r�seau des portables l��tant beaucoup plus NDLR), les communications �taient souvent coup�es. Et puis, mon comportement t�l�phonique est un comportement utile. Je dis ce que j'ai � dire, et voil�", a-t-il expliqu�. Andriuzzi voulait dire efficace. Il est vrai que traiter des ventes immobili�res dont d�ailleurs on n�a trouv� nulle trace, en quelques secondes, rel�ve du pur prodige.

Bref, Ferrandi et Andriuzzi emploient des arguments qui seraient franchement ridicules s�ils n��taient prononc�s devant cette juridiction. On reste stup�fi� par l�impr�paration de leur d�fense. Aujourd�hui ils ressemblaient � des voleurs de poules pris sur le fait et arrangeant leur version au petit bonheur la chance.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s