Les cendres de Jean Bozzi ont �t� d�pos�es ce samedi 17 janvier dans son village de Pila Canale. L�hommage rendu par Paul Silvani dans la Corse Votre hebdo.
Les cendres de Jean Bozzi seront d�pos�es ce samedi 17 janvier � Pila Canale. C'est l� qu'il est n� le 4 d�cembre 1919. Fils d'Albert et de Marie Bozzi, il aura toujours �t� attach� � son village comme � l'origine modeste de sa famille dont il se pr�valait volontiers. Telle �tait sa mani�re d'�tre Corse et d'assumer l'in�luctable mutation des insulaires, c'est-�-dire la promotion sociale voulue, souvent au prix de lourds sacrifices, par les parents. De l'�cole primaire de Canale � l'�cole nationale de la France d'Outre-mer et � l'institut des hautes �tudes de la D�fense nationale, en passant par le coll�ge Fesch d'Ajaccio, le lyc�e Louis-le-Grand et la facult� de droit de Paris, son parcours est jalonn� de travail assidu et de r�ussite. Aussi est-il rapidement remarqu� par ceux qui d�tiennent les r�nes du pouvoir : d�s 1946, � 27 ans, il entame au minist�re de la France d'Outre-mer une carri�re qui, dans l'espace de deux d�cennies le m�nera � la direction du cabinet de Roger Frey, le quasi inamovible ministre de l'int�rieur de De Gaulle, pr�lude en quelque sorte d�sign� � une carri�re parlementaire.
Un jour de d�cembre 1966
Jean Bozzi a entre temps occup� des postes importants au minist�res de la FOM alors d�tenu par le socialiste Marius Moutet. Il a �t� secr�taire g�n�ral de la R�union (1947), sous-pr�fet de Guebviller (1951), directeur de cabinet du pr�fet du Bas-Rhin (1953). chef de cabinet du secr�taire d'�tat � la guerre (1954), sous-pr�fet de Vichy, secr�taire g�n�rai de la pr�fecture d'Alger (1957), pr�fet de Mostganem (1961), puis directeur g�n�rai des collectivit�s locales et de l'administration g�n�rale en Alg�rie (1962).
Le voici un jour de d�cembre 1966 dans l'ar�ne �lectorale corse. Il y succ�de en quelque sorte � Fran�oisXavier Ortoli, directeur de cabinet de Georges Pompidou, qui avait d�clin� l'offre de Pascal Rossini, maire d'Ajaccio. Jean Bozzi m�ne intelligemment campagne. Il se pr�sente aupr�s des maires et de l'opinion publique comme " l'homme efficace" dont l'�le a besoins:
N'avez-vous pas, dit-il, apport� massivement vos suffrages
� De Gaulle en d�cembre 1995 parce que vous �tes moins sensibles aux id�ologies et aux discours des d�magogies irresponsables qu'attentifs aux r�alit�s du monde moderne et � l'action de ceux qui les fa�onnent?" On le dit assur� du soutien que le gouvernement ne manquera pas d'apporter aux grands projets qui m�rissent dans l'�le - une candidature que ses adversaires qualifient d'
officielle ". Il l'emporte quoi qu'il en soit d�s le premier tour avec 20 831 voix contre 19 143 � ses concurrents (dont 12 006 au s�nateur Fran�ois Giacobbi, pr�sident du Conseil g�n�ral encore unique).
Oursins et cactus!
Il joue sans attendre un r�le notable � l'Assembl�e nationale et au sein des instances du parti gaulliste, se fait �lire � la surprise g�n�rale conseiller g�n�ral d'un Saint-Florent en qu�te de son port de plaisance qu'il aura d'ailleurs. Il intervient en d�cembre 1967 dans le d�bat (r�current) sur le statut fiscal, d�bat pratiquement vid� de sa substance par les propositions jug�es unanimement insuffisantes du secr�taire d'�tat aux Finances Giscard d'Estaing : " Un statut fiscal si bon soit-il - et celui qu'on nous pr�sente n'est pas le meilleur, admet le d�put� d'Ajaccio-Calvi, nous cherchons � l'am�liorer - ne peut r�soudre � lui seul toutes les difficult�s de la Corse ".
Au printemps 1968, d�put�s et s�nateurs gaullistes tiennent leurs journ�es parlementaires � Ajaccio. C'est l'�poque o� Giscard parodiant une chanson � la mode de Jacques Dutronc, a lanc� au chef du gouvernement: "Y'a des cactus ". Jean Bozzi qui ne manque pas d'humour, plaisante avec Georges Pompidou devant des plateaux d'oursins ouverts sur la terrasse ensoleill�e de l'h�tel Cala di Sole : Vous verrez, monsieur le Premier ministre, que nos oursins ne ressemblent en rien � des cactus� " Ils y ressemblent si peu qu'en juin l'�le participe au ras de mar�e gaulliste en envoyant ses trois candidats au Palais Bourbon. Jean Bozzi est r��lu sans coup f�rir, avec - comme en 1967 - le concours des bonapartistes.
Fid�le � ses id�es et � ses amis, il fait voter oui au r�f�rendum d'avril 1969 (54 % en Corse, mais la France enti�re a dit non et de Gaulle s'en est all�), soutient Pompidou � l'�rection pr�sidentielle, rend � l'heure supr�me un hommage appuy� � la m�moire de l'Homme du 18 juin ajoutant : " La Corse n'oublie pas qu'il avait voulu son �rection en r�gion et que cette volont� s'est finalement, en d�pit des vicissitudes politiques, inscrite dans les faits
Une sortie dans la dignit�
Vient pourtant l'heure du premier revers. En mars 1973, il est combattu par Pascal Rossini, qui lui avait demand� de soutenir sa propre candidature � la d�putation. Il devance le maire d'Ajaccio, suscitant l'ire de maints bonapartistes, qui apportent leurs suffrages au radical de gauche Nicolas Alfonsi, maire de Piana, lequel est �lu avec plus de 20 00 voix de majorit�. pascal Rossini disparu, la suite des �v�nements t�moigne de l'instabilit� du vieux parti soutien affirm� � Jean Bozzi (suppl�ant : Marc Marcangeli, futur maire d'Ajaccio) qui lui vaut de recouvrer en 1978 le si�ge perdu en 73 (que Nicolas Alfonsi reconquerra trois ans plus tard), retrait de ce soutien en 1981 au profit de Jos� Rossi, en vertu des accords pass�s entre celui-ci et le s�nateur-maire Charles Ornano. Jean Bozzi s'estime trahi et il annonce son retrait de la vie politique. Il s'en va dignement, comme il sied � une personnalit� de son envergure, ce qui ne l'emp�chera pas de continuer � jouer un r�le important � Paris au sein du RPR. Et m�me en Corse, o� nombre de ses amis recherchent ses conseils ou son avis.
Jean Bozzi �tait officier de la L�gion d'honneur et titulaire de nombreuses d�corations fran�aises et �trang�res. Malgr� la valeur qui lui �tait reconnue par tous, son intelligence et une carri�re dont les Corses pouvaient �tre fiers, il a su rester modeste et faire preuve en toutes circonstances d'une �l�gance de bon aloi. Il aimait la Corse - essentiellement la Corse fran�aise -, les siens et ses proches. C'�tait, en un mot, un homme digne d'estime.
TOUT LE DOSSIER CORSE
|
|