La Guadeloupe comme la Martinique ont repouss� � l'unisson et sans r�plique le projet de r�forme institutionnelle que leur proposaient leurs �lus, la premi�re de mani�re cinglante, la seconde de justesse. Ce vote exprime aussi un d�saveu, notamment en Guadeloupe, des �lus locaux � commencer par la responsable UMP et amie de Jacques Chirac, Lucette Michaux-Chevry.
C'�tait la premi�re fois que les Antillais �taient consult�s sur l'avenir de leurs institutions, � partir d'un document de travail pr�par� par leurs �lus. Ceux-ci pr�conisaient la cr�ation d'une collectivit� se substituant aux d�partements et r�gions, et qui aurait �t� administr�e par une assembl�e unique dans chacune des deux �les.
La r�ponse des �lecteurs est venue comme une claque monumentale. Mais le rejet de la Guadeloupe a �t� beaucoup plus massif que celui de sa voisine: 72,98% d'opposants, alors qu'en Martinique, le rejet a rassembl� une courte majorit� de 50,48% avec un millier de voix d'�cart entre les deux camps.
La campagne �lectorale avait vir� en Guadeloupe au r�f�rendum pour ou contre la tr�s chiraquienne Lucette Michaux-Chevry, leader incontournable de l'archipel depuis 1976.
Fustigeant le go�t g�n�ralis� pour "l'immobilisme", la pr�sidente de r�gion et s�nateur UMP a lanc�: "je ne pouvais pas avoir dans ce d�bat important une attitude peu courageuse. Ce n'est pas mon genre".
"La population pr�f�re deux assembl�es, je suis une d�mocrate, je m'incline", a ajout� cette personnalit� flamboyante et controvers�e. "Je d�plore seulement que Fran�ois Bayrou ayant pris la parole, les instances au plus haut niveau de l'UMP soient rest�es silencieuses".
Le pr�sident de l'UDF a des raisons de se r�jouir: seule personnalit� nationale � avoir pris position, seul � s'�tre rendu sur place malgr� des mises en garde de divers bords, il voit ses th�ses confirm�es: une majorit� d'Antillais a marqu� leur d�fiance vis-�-vis d'un avenir institutionnel qu'ils ont jug� trop flou. Ils ont marqu� leur attachement au d�partement, qui fut une conqu�te de l'Outre-mer en 1946.
Alors qu'en Corse, le non avait �t� majoritaire, malgr� l'engagement des plus hautes autorit�s de l'Etat, la ministre de l'Outre-Mer Brigitte Girardin avait pris soin de proclamer la totale neutralit� du gouvernement dans ce dossier. "Quel que soit le choix des �lecteurs, il sera le bon", avait-elle assur�.
Cela n'a pas emp�ch� Victorin Lurel, d�put� PS de Vieux-Habitants et adversaire d�clar� de Mme Michaux-Chevry, de qualifier la victoire du "non" d'"�chec pour le gouvernement".
Le processus voulu, au nom de la simplification administrative, par un tr�s large �ventail d'�lus antillais - depuis les ind�pendantistes comme le pr�sident de la r�gion Martinique Alfred Marie-Jeanne jusqu'� la grande majorit� de l'UMP - s'arr�te donc net, le non de l'�lectorat ayant valeur de veto absolu.
Le gouvernement ne proposera au parlement aucun texte qui irait � l'encontre de la volont� populaire", avait pr�venu Mme Girardin.
Le processus se poursuit en revanche dans les deux petites �les du nord, Saint-Barth�lemy et la partie fran�aise de Saint-Martin qui ont, dans l'enthousiasme, choisi de cesser d'�tre des communes de Guadeloupe pour devenir des Collectivit�s d'Outre-mer � part enti�re, avec respectivement 95,51% et 76,17% des suffrages. Un statut sur mesure qui leur permet de pr�server des avantages fiscaux de fait, h�rit�s de l'Histoire.
L'ancien ministre socialiste Jack Lang a d�plor� lundi que le "non" l'ait emport� aux r�f�rendums de Martinique et de Guadeloupe au d�triment de la "simplicit� et d'�conomie des deniers publics".
"Ce qui a perdu, c'est la simplification d'un r�gime administratif en Martinique et en Guadeloupe", a estim� Jack Lang sur Europe-1. "C'est une vieille histoire qui remonte � 1981 quand la droite avait combattu notre projet de simplification".
Le d�put� socialiste du Pas-de-Calais a rappel� que la question d'"une seule collectivit� territoriale, c'est un d�bat qui tra�ne, qui tra�ne et qui tra�ne, et qui malheureusement n'est pas r�solu ce dimanche".
Favorable au "oui" pour "des raisons de simplicit� et d'�conomie des deniers publics", Jack Lang a expliqu� que "dans ces deux d�partements, mieux vaut avoir une seule collectivit� une r�gion et un d�partement plut�t que deux qui se font la guerre et qui co�tent cher aux contribuables locaux".
Et Jack Lang de conclure qu'"il faudra reprendre ce d�bat".
La ministre de l'Outre-mer Brigitte Girardin a estim� de son c�t� que les quatre r�f�rendums organis�s aux Antilles �taient avant tout "un projet port� par l'ensemble de la classe politique locale".
"Le gouvernement a toujours consid�r� qu'il s'agissait d'une affaire purement locale de l'organisation d'une collectivit�", a justifi� sur France-Info Brigitte Girardin devant l'absence d'engagement du gouvernement sur ce r�f�rendum.
Pour la ministre de l'Outre-mer, "il n'est plus question pour Paris de dicter une r�forme ou d'imposer quoi que ce soit en la mati�re". "C'est pour cette raison que nous n'avons pas souhait� intervenir dans le d�roulement de ce scrutin".
"C'est un projet port� par l'ensemble de la classe politique locale dans sa tr�s grande majorit� mais pas un scrutin qui portait sur des personnalit�s politiques sur un projet", a-t-elle assur�.
Brigitte Girardin a tenu � rappeler que le gouvernement avait envoy� un "message important" � savoir inciter les �lecteurs "� aller voter". "C'est la premi�re fois qu'on les consultait, leur participation a �t� tr�s importante" plus qu'aux scrutins nationaux et r�gionaux.
"Dans les deux autres collectivit�s (Saint-Martin et Saint-Barth�l�my) o� les �lus proposaient des projets beaucoup plus audacieux de r�gime l�gislatif modifi�, le vote positif a �t� massif", a not� la ministre.
Le secr�taire g�n�ral de l'UMP Philippe Douste-Blazy a estim� pour sa part sur France-2 que personnellement "il aurait vot� oui" pour simplifier le syst�me.
"Lors du changement constitutionnel, nous avons souhait� demander plus souvent l'avis des Fran�ais: si on demande plus souvent l'avis des Fran�ais, il y aura de moins en moins d'�motion dans la question ou de la r�ponse" � des r�f�rendums, a analys� Philippe Douste-Blazy.
Le ministre d�l�gu� aux Libert�s locales Patrick Devedjian a estim� lundi que les �lus de Martinique et de Guadeloupe �taient "un peu d�savou�s" par le refus des �lecteurs antillais de cr�er une assembl�e unique dans ces deux d�partements.
"Ce r�sultat est d'abord le r�sultat des �lus locaux. Le gouvernement s'est born� � organiser" le scrutin r�clam� par les �lus, a expliqu� le ministre sur Europe 1. Il a ajout� que le gouvernement, qui "n'�tait pas demandeur", "prenait acte" de ce r�sultat.
Selon M. Devedjian, "il n'est pas imaginable" pour le gouvernement de "passer en force" pour fusionner les assembl�es d�partementales et r�gionales dans ces deux d�partements d'outre-mer. Il a insist� sur le fait que "la consultation avait �t� demand�e par les �lus locaux".
Selon le ministre, "il y a deux raisons au rejet" des �lecteurs d'une assembl�e unique. "Beaucoup y ont vu une menace sur les prestations sociales que leur accorde le d�partement, et dans la collectivit� unique, certains ont vu une premi�re �tape vers l'ind�pendance", a-t-il comment�.
- Le pr�sident de l'UDF Fran�ois Bayrou s'est f�licit� du rejet de l'assembl�e unique en Martinique et en Guadeloupe, en estimant que "ceux qui voulaient qu'un tel r�f�rendum se d�roule � la va-vite et en catimini en sont pour leurs frais".
M. Bayrou, qui avait fait le d�placement aux Antilles pour d�fendre le non, a indiqu� dans un communiqu� que "les �lecteurs avaient parfaitement vu dans quelle ambigu�t� on voulait les entra�ner en leur faisant abandonner le statut territorial fran�ais pour un avenir qui n'�tait en rien d�fini".
Malgr� "une tr�s puissante coalition de tous les pouvoirs en place" en faveur du oui, les habitants de Martinique et de Guadeloupe "ont �cart� l'ambigu�t�, un d�sordre institutionnel qui aurait donn� un statut diff�rent � chacun des d�partements d'outre-mer et le verrouillage annonc� de la politique outre-mer", a-t-il ajout�.
- Pour le PS, Christian Paul, ancien secr�taire d'Etat socialiste � l'Outre-mer, a estim� que la victoire du "non" s'apparentait � "une motion de d�fiance au gouvernement".
"Les �lecteurs ont sanctionn� la m�thode de consultation impr�cise et sans garanties", a d�clar� dans un communiqu� le d�put� socialiste.
Selon Christian Paul, "en refusant de s'exprimer sur les enjeux de ces consultations, le pr�sident de la R�publique et le Premier ministre ont manqu� � leur devoir". "En ne donnant aucune assurance pr�alable sur le contenu du futur statut, ils ont cr�� le doute et favoris� le soup�on. En r�duisant la consultation � sa version locale, ils ont confirm� le d�sengagement de l'Etat, sans vision politique outre-mer", a-t-il ajout�.
Ce scrutin comme celui de Corse montrent une capacit� des populations assist�es � r�sister aux r�formes pourtant n�cessaires. Craignant de perdre la source nourrici�re, elles refusent toute avanc�e m�me minime au risque de pr�cipiter des catastrophes.
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