Les Russes en Corse (6)
Dec 5, 2003
Il n'y a rien d'�tonnant � ce que dans une petite ville comme Ajaccio, l'arriv�e de tous ces �trangers d�clenche des peurs li�es � l'ins�curit�, entra�nant d'in�vitables rumeurs. Il est tout � l'honneur de La Jeune Corse d'avoir lutt� contre cette tendance; le 2 juin, ce journal �crit: "Il faut se m�fier de ces nouvelles presque toujours fausses. C'est ainsi qu'on a fait circuler le bruit qu'un r�fugi� avait attent� � la vertu d'une jeune fille et que celle-ci en �tait morte � l'h�pital. C'est un mensonge et une petite infamie". De mani�re plus �tonnante, ces rumeurs sont r�percut�es � un niveau �lev�; on voit ainsi le Commissaire Principal chef du service de l'Intendance Maritime affirmer dans un rapport adress� au Ministre que la plupart des Russes travaillant dans l'�le se livrent au vol et � la mendicit�.

On trouve � plusieurs reprises dans les faits divers mention d'une "police russe", qui intervient pour calmer les d�bordements, sans que l'on sache si elle a �t� form�e pour l'occasion ou s'il s'agit d'un service d'ordre du "Rion" cr�� lors du d�part de Constantinople. Il est en tout cas quasi-certain qu'un tel service d'ordre devait exister; un passage d'un article de presse consacr� aux ind�sirables le laisse entendre: "Quelques-unes d'entre eux, sur lesquels le commandant du navire a pu avoir des renseignements, sont retenus � bord avec d�fense expresse de quitter le bateau".

Quel bilan peut-on faire des m�faits qu'auraient commis les "ind�sirables"? Comment faire la part des faits et des rumeurs? Ici encore, la presse locale est d'un pr�cieux secours. Comme il ne se passe pas �norm�ment de choses autour d'Ajaccio dans ces ann�es-l�, le plus petit fait donne lieu � article de presse. Or, que constate-t-on en parcourant les faits divers ? Que les r�fugi�s du "Rion" ont �t� remarquablement paisibles, d'une correction exemplaire. La quasi-totalit� des m�faits est due � un grand classique de la culture russe: la so�lographie. Presque chaque nuit, la police doit ramasser des Russes en �tat d'�bri�t� avanc�e; deux exemples pris au hasard: "Un r�fugi� russe a �t� arr�t� hier soir pour �tat d'ivresse sur la voie publique. Il a �t� �crou� au violon et mis � la disposition du commandant d'armes"; "les sujets russes Timotchoff Mathei et Ivochin Etienne, qui se trouvaient en �tat d'ivresse sur le cours Napol�on et y faisaient du scandale, ont �t� conduits � la ge�le municipale". Cet alcoolisme provoque r�guli�rement des bagarres: "Deux Russes se sont pris de querelle pour des motifs ind�termin�s. Un s�jour au violon les a calm�s"; "Deux r�fugi�s russes ayant bu plus que de coutume en arriv�rent aux mains. L'un d'eux, tirant soudainement son couteau, en porta un coup au visage de l'autre et se sauva". Encore faut-il pr�ciser que, dans tous les cas, les pugilats ont lieu exclusivement entre Russes; on ne trouve aucun cas d'Ajaccien qui aurait �t� agress� par un r�fugi�; on trouve par contre deux cas de Russes agress�s par des Corses, dont un s�rieusement bless� � coup de couteau. Quant aux vols, le seul cas signal� est... un chapardage de p�ches dans un jardin.

Finalement, le comble de la d�linquance russe que La Jeune Corse trouve � d�noncer est... la mendicit�: "Il �tait entendu que dans la masse des r�fugi�s russes, il ne pouvait manquer de se trouver quelques �l�ments douteux. En d�pit de la surveillance dont ils sont l'objet � bord comme dans les rues, ils trouvent la possibilit� de s�vir. Oh ! Non pas jusqu'ici d'une fa�on excessive: ils n'ont encore ni vol� ni assassin�, et il faut esp�rer que, l'�il de la police continuant de s'appesantir sur eux, ils se tiendront tranquilles [...]. Ces petits groupes [...] tentent visiblement de faire de la mendicit� une sp�culation tenant lieu de travail assidu [...]. Leur syst�me est d'aborder les femmes avec les seuls mots de fran�ais qu'ils aient tenus � apprendre: Un franc, Madame? et de faire devant les portes des stations prolong�es sur le sens desquelles il n'est pas permis de se tromper [...]. Cette mendigoterie [...] n'a pas l'excuse de la faim, car les offrandes sont d�daign�es par les quidams en question". Ce constat est confirm� par de directeur des Services Agricoles de la Corse: "A ma connaissance [...], la police n'a eu � s�vir que tr�s rarement et seulement pour des d�lits insignifiants, comme celui de demander des effets".

Comme on peut le constater, les Russes n'ont pas mis la Corse � feu et � sang. Il n'emp�che qu'ils sont trop nombreux pour que l'�le puisse tous les accueillir et les nourrir. Il faut songer � trouver une solution d�finitive pour r�gler leur sort. La presse corse s'�tonne r�guli�rement du fait que l'�tat reste passif face au probl�me. Or, m�me si on l'ignore � Ajaccio, les tractations n'ont jamais cess� et vont donner leurs premiers r�sultats au mois de juin.

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