Un t�moignage r�v�le les dessous du "syst�me Pieri"
Dec 22, 2003
Le Monde a publi� des extraits d�un t�moignage accablant pour Charles Pieri.

Le juge Philippe Courroye, charg� de l'enqu�te sur le chef nationaliste corse et son entourage, dispose d�sormais d'un �l�ment-cl� : les d�clarations de l'ex-secr�taire de Corse gardiennage services sur le racket, les d�tournements de fonds et les menaces pratiqu�es au sein de cette soci�t�.

Un cercle tr�s ferm�. Un p�rim�tre restreint o� gravitaient des nationalistes, des chefs d'entreprise, des gardes du corps, des parents, tous soud�s autour de Charles Pieri, le chef suppos� des nationalistes dans le nord de l'�le, �crou� mercredi 17 d�cembre.

L'enqu�te financi�re men�e par le juge d'instruction parisien Philippe Courroye a permis de mettre au jour un "syst�me" fond� sur la corruption, le racket, les malversations financi�res, l'intimidation, le chantage � l'attentat... Un monde o� la loi du silence reste la r�gle. Du moins le croyait-on, jusqu'au mardi 16 d�cembre.

Car ce jour-l�, le juge Courroye a recueilli un t�moignage essentiel, celui de Marina Paolini, secr�taire de la soci�t� Corse gardiennage services (CGS) de 1996 � 2002, mise en examen pour "recel d'abus de biens sociaux". Devant le juge, elle a d�taill� les pratiques en cours dans cette soci�t�, dont Charles Pieri fut l'un des responsables, avant d'�tre gri�vement bless� en 1996 dans un attentat. Prenant ses distances avec la soci�t�, puis incarc�r�, il y a laiss� ses hommes de confiance, Jacques Mosconi et Charles-Philippe Paoli, deux nationalistes qu'il a aussi plac� � la direction de l'hebdomadaire nationaliste U Ribombu. Devant les policiers de la brigade financi�re, Marina Paolini a d'abord refus� de s'exprimer ; "par instinct de survie", dira-t-elle plus tard au juge Courroye. Mais mardi, elle d�cide de r�v�ler au juge les dessous de la gestion de CGS, v�ritable "vache � lait" du nationalisme insulaire.


"LE "CHIEN" DE CHARLES PIERI"

Elle parle de ces " d�tournements de fonds qui ont commenc� en 1998 et que j'ai �t� contrainte d'op�rer sous la menace". " C'est Jacques Mosconi qui, le premier, a dit � mon fr�re, Jean-Dominique Paolini, qu'il fallait sortir l'argent de la CGS", raconte-t-elle. � cette �poque, Jacques Mosconi dirige CGS. Pour le compte de Charles Pieri, estime le magistrat, qui demande � Mme Paolini quelles sont les fr�quentations de M. Mosconi : "Il est proche de la mouvance Corsica nazione et d'Independenza, r�pond-elle. Je dis que Jacques Mosconi est le "chien" de Charles Pieri, j'entends par l� qu'il est charg� un peu de tout pour Charles Pieri." Contrainte de s'ex�cuter, Marina Paolini " sort" de l'argent de la comptabilit� de CGS. " Selon moi, dit-elle, 1 million de francs a �t� d�tourn�. -...- J'ai remis � M. Mosconi 15 000 francs par mois par virement ou en esp�ces, plus les �-c�t�s, de septembre 1998 � janvier 2002."

Selon ses d�clarations au magistrat, elle n'aurait pas eu le choix : "J'ai compris que si l'argent n'�tait pas sorti, c'�tait fini pour nous." "Vous avez huit jours pour sortir l'argent, sinon �a va aller tr�s mal, lui aurait dit M. Mosconi. A mon humble avis, mon fr�re - employ� de CGS- risquait sa vie, il risquait d'�tre abattu." A quoi servaient ces fonds ? M. Mosconi en aurait conserv� une partie, pour assouvir sa passion : "jouer au poker". Le reste de l'argent aurait aliment� d'autres comptes, dont ceux de Charles-Philippe Paoli. CGS, au fil du temps, conquiert de beaux march�s. Dont celui du Club M�diterran�e de Sant'Ambrogio, en 2002, juste apr�s un attentat revendiqu� par le FLNC. Curieusement, le montant du contrat est augment� juste apr�s, ce qu'a observ� le juge Courroye. " Ne pensez-vous pas que certaines hausses de facturation pourraient r�sulter du racket ?, demande-t-il. - Je ne serais effectivement pas tr�s �tonn�e, assure Mme Paolini ; il est exact qu'on parle d'imp�t r�volutionnaire."

Charles-Philippe Paoli et Jacques Mosconi se font r�mun�rer par CGS. Des salaires qui, pour le juge Courroye, s'apparenteraient � une " forme d'imp�t r�volutionnaire". " Je pense effectivement que la soci�t� �tait rackett�e et moi menac�e. J'ai pris ces menaces au s�rieux, c'est la Corse", confirme Mme Paolini, qui semble persuad�e que si elle n'avait pas pay� M. Mosconi, ce dernier " s'en serait pris � - son - p�re". Elle rappelle un �pisode, qu'elle situe en 2000, lorsque M. Mosconi, tout juste sorti de prison, lui aurait r�clam� " 200 000 francs, qui �taient cens�s correspondre aux salaires - qui lui auraient �t� - vers�s pendant les vingt-deux mois de prison". Elle se souvient aussi avoir effectu� un virement de 17 000 francs, "en octobre ou novembre 2001", au profit de la belle-fille de Charles Pieri.

" Tout le monde a "mang�" sur la CGS, r�sume Mme Paolini. Moi-m�me, j'ai gard� entre 50 000 et 100 000 francs." Elle affirme que CGS n'�tait qu'une officine destin�e � renflouer les nationalistes corses : "Paoli se consid�rait comme le patron. La CGS est tenue par des nationalistes." Le juge Courroye lui demande alors : "N'est-il pas permis de d�duire qu'une partie de ces d�tournements a servi au financement, au train de vie des nationalistes ou des adh�rents ?" R�ponse sans �quivoque de l'ex-secr�taire : "Effectivement, ils ont fait les beaux avec l'argent de la CGS. -...- Je reconnais que la CGS est entre les mains des nationalistes."


"IL Y AVAIT DES FACTURES"

En janvier 2000, la fille de Charles Pieri, �lodie, est embauch�e comme directrice commerciale. " Elle �tait tr�s souvent absente", se souvient Mme Paolini. En janvier 2002, la soci�t� change d'�quipe dirigeante : Andr� Negroni, pr�sident de l'hebdomadaire U Ribombu, en prend la t�te. " Il a �t� impos� par Mosconi et Paoli. -...- J'ai appris plus tard que Negroni �tait l'ami de Jean-Guy Talamoni - porte-parole de Corsica nazione -." Interrog�e par Le Monde, l'avocate de Marina Paolini, Me Vanessa Dancoing, a d�clar� que sa cliente avait " eu le courage de dire clairement quelle �tait la situation � CGS". "Elle reconna�t avoir particip� � des d�tournements, mais elle n'avait pas le choix. C'est d'abord une victime dans cette affaire."

Le t�moignage de Mme Paolini s'ajoute aux nombreuses d�couvertes effectu�es par les enqu�teurs, notamment le racket dont aurait �t� victime, en 2002, le Club M�diterran�e de Sant'Ambrogio, contraint par des proches de M. Pieri de signer un contrat avec CGS. Les policiers ont �galement mis au jour des emplois fictifs et des surfacturations dans des soci�t�s situ�es dans la "galaxie Pieri", qu'il s'agisse de la SARL Corse nettoyage entretien, de l'h�tel du Golfe � Saint-Florent, de l'hebdomadaire U Ribombu, de la soci�t� de location de voitures Holcar, voire d'un hypermarch� G�ant-Casino de Bastia, o� M. Pieri aurait laiss� pour 32 657 euros d'impay�s. "Ce n'�tait en rien du racket, puisqu'il y avait des factures", s'insurge Charles Capia, pr�sident des G�ant-Casino corses, qui assure en outre que ces dettes avaient en fait �t� contract�es par Jacques Mosconi. "J'ai r�gularis� la situation en novembre 2002 ; depuis, M. Mosconi rembourse 1 000 euros par mois."

Ariane Chemin, G�rard Davet et Fabrice Lhomme
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Huit mis en examen, cinq personnes recherch�es

Huit personnes ont �t� d'ores et d�j� mises en examen par le juge Philippe Courroye. Deux ont �t� �crou�es, dont Charles Pieri. Par ailleurs, parmi les quatorze personnes que les hommes du RAID souhaitaient interpeller, lundi 15 d�cembre, cinq manquent toujours � l'appel. Les deux fid�les de Charles Pieri, Jacques Mosconi et Charles-Philippe Paoli, � la fois gardes du corps et t�moins de mariage, sont actuellement en cavale. Deux autres personnes, un entrepreneur et un commer�ant, sont aussi recherch�es. La fille du chef nationaliste, �lodie Pieri, qui n'a pas �t� interpell�e lundi matin, a en revanche �t� vue quelques heures plus tard � la conf�rence de presse convoqu�e par Indipendenza, � Bastia. Vendredi, l'un des avocats de M. Pieri, Me Patrick Maisonneuve, qui a fait appel de l'incarc�ration de son client, a d�nonc� "l'acharnement" dont serait victime Charles Pieri.

Notre commentaire : il faut maintenant que le minist�re de la justice s�engage � prot�ger les t�moins qui, courageusement ont accept� de parler. Il y va de l�avenir de la Corse. Si demain celles et ceux qui d�noncent de l�int�rieur le syst�me mafieux en place sont abattus ou intimid�s, plus personne n�osera t�moigner. Pour notre part, nous pr�venons tr�s solennellement les � chiens � que si quelque chose arrivait aux t�moins ou alors � leurs proches, nous faisons le serment de leur ruiner la vie. Nous nous sommes promis de ne jamais utiliser la violence et nous tiendrons promesse. Mais l�existence peut devenir un poison dans certaines circonstances.

Que cet avertissement aille jusqu�aux oreilles des chiens et qu�ils r�fl�chissent avant d�agir comme ils ont l�intention de le faire. Nous pr�venons aussi le dirigeant du secteur centre de la Corse qu�il devrait mieux coller � l�image qu�il entend donner de lui-m�me : honn�tet� et droiture. En engageant sa responsabilit� quant � la probit� de Charles Pieri, il a d�rap�. Nous savons que ce qui est dans la balance c�est le proc�s des assassins de son fr�re et sa place au sein de l�organisation politico-militaire. Qu�il r�fl�chisse avant d�accueillir les chiens�

S�il arrivait malheur aux t�moins il serait consid�r� comme un complice. Qu�il se souvienne de ce jeune homme stagiaire � l�IUFM de Corte abattu peu de temps apr�s l�assassinat de No�l Sargentini tout simplement parce qu�il se trouvait dans la voiture de Bona et de Simonetti. Il n�y �tait pour rien. Et il est quand m�me mort.


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