Les Am�ricains nous emmerdent
Dec 20, 2003
Mais de quoi je me m�le ? Un responsable du d�partement d'�tat a critiqu� jeudi la d�cision de Jacques Chirac de faire voter une loi interdisant les signes religieux "ostensibles" dans les �tablissements scolaires.

Des responsables britanniques ont �galement affirm� aux musulmans vivant en Grande-Bretagne qu'une telle loi �tait inconcevable de l'autre c�t� de la Manche.

"Chaque personne devrait pouvoir mettre en pratique sa religion et ses convictions sans ing�rence du gouvernement, du moment qu'elle le fait sans provocation ni intimidation pour autrui dans la soci�t�", a d�clar� John V. Hanford, ambassadeur am�ricain itin�rant pour la libert� du culte, en r�ponse � une question sur l'annonce mercredi du pr�sident fran�ais.

"Le pr�sident Chirac est soucieux de maintenir en France le principe de la�cit� et il souhaite que cela, comme il l'a dit je crois, ne soit pas n�gociable. Notre souhait est que la libert� de culte soit �galement non n�gociable", a-t-il ajout�.

"Un dirigeant musulman a d�clar� qu'il s'agissait d'une la�cit� qui exclut trop. Nous esp�rons vraiment que ce ne sera pas le cas. Nous allons donc suivre cela attentivement et il s'agit assur�ment d'un sujet de pr�occupation important."

Si chacun s�occupait de ses propres affaires, tout irait mieux dans le meilleur des mondes. Nous viendrait-il � l�id�e d��crire que les �tats-Unis sont dirig�s par un cr�tin de tueur en s�rie. En tant que gouverneur du Texas, l�ancien coca�nomane et alcoolique George Bush Junior a fait ex�cuter plusieurs centaines de d�tenus. Nous viendrait-il � l�id�e de penser serait-ce un instant que cette Am�rique ob�se qui �lit un tel individu au poste supr�me est franchement inqui�tante ? Non. Alors qu�on nous foute la paix une fois pour toutes.

Nous pouvons avoir des divergences avec le pr�sident Chirac et m�me penser qu�il n�est pas le mieux plac� pour donner des le�ons de morale aux Fran�ais. Nous pouvons condamner son attitude durant la guerre du Golfe. En attendant il est notre pr�sident et les Fran�ais ont jusqu�� nouvel ordre le droit de voter les lois qu�ils estiment �tre bonnes pour notre soci�t�.

Les Anglo-Saxons ont une conception tr�s lib�rale des religions puisque de nombreuses associations qui pour nous sont des sectes, ont droit � ce statut. C�est leur affaire.

Est-ce que ce petit communiqu� venimeux ne serait pas une nouvelle fa�on de punir la France pour son refus de participer � la guerre en Irak ? Nous le pensons. Tout comme les poursuites dans l�affaire Executive Life, les restrictions impos�es � l�importation, sont des attitudes vexatoires et punitives.

Alors, disons-le une fois pour toutes, les Am�ricains commencent � s�rieusement nous emmerder. Nous les avons appuy�s lorsqu�il s�est agi de finir la guerre de 1991 en d�boulonnant enfin Saddam Hussein qu�ils avaient largement contribu� � maintenir au pouvoir. Les �tats-Unis, depuis la doctrine Monroe, estiment avoir le droit d�intervenir partout o� leurs int�r�ts essentiels sont menac�s.

Ce n�est certainement pas � la France d�adopter une attitude prude en la mati�re. Notre pr�sence parfois outrageante en Afrique ne nous le permet pas. Mais que les �tats-Unis cessent de consid�rer le reste du monde comme leur banlieue. La France a vot� en 1905 la s�paration de l��glise et de l��tat. Le principe de la�cit� est l�un des fondements de notre soci�t�. Ceux qui ne sont pas d�accord ont un droit inali�nable : celui ne pas habiter dans ce pays. Quant aux �tats-Unis nous leur conseillons seulement de se pencher sur les archa�smes de leur propre syst�me.

Dans de nombreux �tats, la conception darwinienne de l��volution est encore consid�r�e comme diabolique, dans d�autres la sodomie est punie de prison. Le syst�me carc�ral am�ricain est celui qui contient le plus grand nombre de prisonniers au monde. Le proc�d� du pilori a �t� r�tabli etc. etc.

En cons�quence, les Am�ricains ont beaucoup trop � faire chez eux pour ne pas se pencher sur les probl�mes de la vieille Europe.

De son c�t�, la Grande-Bretagne, en fid�le des �tats-Unis a tenu � pr�ciser par la voix de Mike O'Brien, secr�taire d'�tat au Foreign Office, devant les repr�sentants d'organisations musulmanes qu'une loi de cette nature �tait impensable en Grande-Bretagne. Et bien pour tout dire, on s�en fout.

"La culture et l'histoire de la France font que (les Fran�ais) ont un point de vue diff�rent du n�tre sur la la�cit� et sur le port de symboles religieux", a-t-il dit.

"En Grande-Bretagne, nous sommes � l'aise avec l'expression de la religion, qui se manifeste par le port du hidjab, d'un crucifix ou de la kippa", a-t-il ajout�. Tellement � l�aise que des journalistes viennent de d�busquer une regrettable affaire de racisme dans la police. Tellement � l�aise que la Grande-Bretagne a longtemps �t� un sanctuaire pour le terrorisme islamiste. Au nom de la libert� de conscience bien entendu.

Pour le Home Office (Int�rieur), dont une responsable devait �galement rencontrer des repr�sentants du culte musulman jeudi, il est traditionnel en Grande-Bretagne "de soutenir la libert� d'expression et de permettre aux gens d'�tre en accord avec leurs croyances". Comme si on pouvait �tre en d�saccord avec une telle banalit�.

Les anglo-saxons vont d�ailleurs pouvoir r�it�rer leur discours imp�rialiste : un tribunal de Copenhague a en effet donn� raison jeudi � une cha�ne de supermarch�s, accus�e de discrimination par une employ�e musulmane de 25 ans qui avait �t� renvoy�e parce qu'elle portait le voile islamique � son travail.

Les juges ont not� que le contrat de travail de la jeune femme contenait un r�glement vestimentaire interdisant le port de foulards ou chapeaux et statu� qu'elle avait donc accept� le code vestimentaire des supermarch�s Foetex lorsqu'elle avait �t� engag�e.

Pour conclure notre coup de gueule, nous pensons qu�une loi ne r�glera rien. Mais nous d�nions aux Ricains le droit d�intervenir dans nos affaires int�rieures.

Henri Pourrain, J�r�me Rochefort, Nathalie Ricord et leurs amis.


Pour le plaisir voici le discours prononc� par le pr�sident de la R�publique sur l�affaire du voile.


DISCOURS PRONONC� PAR JACQUES CHIRAC, PR�SIDENT DE LA R�PUBLIQUE RELATIF AU RESPECT DU PRINCIPE DE LA�CIT� DANS LA R�PUBLIQUE

Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les Pr�sidents,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,

Le d�bat sur le principe de la�cit� r�sonne au plus profond de nos consciences. Il renvoie � notre coh�sion nationale, � notre aptitude � vivre ensemble, � notre capacit� � nous r�unir sur l'essentiel.

La la�cit� est inscrite dans nos traditions. Elle est au c�ur de notre identit� r�publicaine. Il ne s'agit aujourd'hui ni de la refonder, ni d'en modifier les fronti�res. Il s'agit de la faire vivre en restant fid�le aux �quilibres que nous avons su inventer et aux valeurs de la R�publique.

Voici plus de deux cents ans que la R�publique se construit et se renouvelle en se fondant sur la libert�, garantie par la primaut� de la loi sur les int�r�ts particuliers, sur l'�galit� des femmes et des hommes, sur l'�galit� des chances, des droits et des devoirs, sur la fraternit� entre tous les Fran�ais, quelles que soient leur condition et leur origine.

Dans notre R�publique, chacun est respect� dans ses diff�rences parce que chacun respecte la loi commune. Partout dans le monde, la France est ainsi reconnue comme la patrie des droits de l'homme.

Mais le monde change, les fronti�res s'abaissent, les �changes se multiplient. Dans le m�me temps, les revendications identitaires ou communautaires s'affirment ou s'exacerbent, au risque, souvent, du repli sur soi, de l'�go�sme, parfois m�me de l'intol�rance.

Comment la soci�t� fran�aise saura-t-elle r�pondre � ces �volutions ?

Nous y parviendrons en faisant le choix de la sagesse et du rassemblement des Fran�ais de toutes origines et de toutes convictions. Nous y parviendrons, comme aux moments importants de notre histoire, en cherchant dans la fid�lit� � nos valeurs et � nos principes la force d'un nouveau sursaut.

Sursaut des consciences, pour red�couvrir avec fiert� l'originalit� et la grandeur de notre culture et de notre mod�le fran�ais. Sursaut de l'action, pour inscrire au c�ur du pacte r�publicain l'�galit� des chances et des droits, l'int�gration de tous dans le respect des diff�rences. Sursaut collectif, pour qu'ensemble, forts de cette diversit� qui fait notre richesse, nous portions notre volont�, notre engagement, notre d�sir de vivre ensemble vers un avenir de confiance, de justice et de progr�s.

C'est dans la fid�lit� au principe de la�cit�, pierre angulaire de la R�publique, faisceau de nos valeurs communes de respect, de tol�rance et de dialogue, que j'appelle toutes les Fran�aises et tous les Fran�ais � se rassembler.

* * *

Notre peuple, notre Nation, notre R�publique sont unis par des valeurs communes. Ces valeurs ne se sont pas impos�es ais�ment. Elles ont parfois divis� les Fran�ais avant de contribuer � les r�unir. Souvent, elles se sont forg�es dans l'�preuve douloureuse de ces luttes qui traversent notre histoire et marquent notre m�moire.

Depuis les origines de la monarchie jusqu'aux trag�dies du si�cle dernier, la longue marche vers l'unit� a dessin� notre territoire et forg� notre �tat. De l'Edit de Nantes aux lois de s�paration des Eglises et de l'�tat, la libert� religieuse et la tol�rance se sont fray� un chemin au travers des guerres de religion et des pers�cutions. Les droits de l'homme et ceux du citoyen ont �t� progressivement conquis, consolid�s, approfondis, depuis la D�claration de 1789 jusqu'au Pr�ambule de 1946. Ils l'ont �t� par la cons�cration du suffrage universel et le droit de vote des femmes, la libert� de la presse, la libert� d'association et bien s�r le combat pour faire reconna�tre l'innocence du capitaine Dreyfus.

De l'abolition des privil�ges, la nuit du 4 ao�t, � celle de l'esclavage le 27 avril 1848, la R�publique a proclam� avec force sa foi dans l'�galit� et bataill� sans rel�che pour la justice sociale, avec ces conqu�tes historiques que sont l'�ducation gratuite et obligatoire, le droit de gr�ve, la libert� syndicale, la s�curit� sociale. Elle a su tendre la main, faire vivre l'�galit� des chances, reconna�tre le m�rite et permettre ainsi la promotion, jusqu'aux plus hautes fonctions, de femmes et d'hommes issus des milieux les plus modestes. Aujourd'hui, nous continuons d'avancer r�solument pour consolider les droits des femmes.

Ces valeurs fondent la singularit� de notre Nation. Ces valeurs portent notre voix haut et loin dans le monde. Ce sont ces valeurs qui font la France.

*

Terre d'id�es et de principes, la France est une terre ouverte, accueillante et g�n�reuse. Uni autour d'un h�ritage singulier qui fait sa force et sa fiert�, le peuple fran�ais est riche de sa diversit�. Une diversit� assum�e qui est au c�ur de notre identit�.

Diversit� des croyances, dans cette vieille terre de chr�tient� o� s'est aussi enracin�e une tradition juive qui remonte � pr�s de deux mille ans. Terre de catholicisme qui a su d�passer les d�chirements des guerres de religion et reconna�tre finalement toute leur place aux protestants � la veille de la R�volution. Terre d'ouverture enfin pour les Fran�ais de tradition musulmane qui sont partie int�grante de la Nation.

Diversit� des r�gions qui ont progressivement dessin� le visage de notre pays, de l'Ile-de-France aux duch�s de Bretagne, d'Aquitaine ou de Bourgogne, de l'Alsace et de la Lorraine jusqu'au comt� de Nice, � la Cara�be ou au Pacifique Sud.

Et bien s�r, diversit� de ces femmes et de ces hommes qui, � chaque g�n�ration, sont venus rejoindre la communaut� nationale et pour qui la France a d'abord �t� un id�al avant de devenir une patrie.

Immigr�s italiens, arriv�s massivement avec la premi�re r�volution industrielle pour apporter � notre pays leur talent et leur �nergie. Espagnols, chass�s par les terribles d�chirements des ann�es 1930 et venus trouver refuge en France. Portugais, arriv�s dans les ann�es 1960, pleins d'ardeur et de courage. Mais aussi Polonais, Arm�niens ou Asiatiques. Ressortissants du Maghreb et de l'Afrique Noire, qui ont si puissamment contribu� � la croissance des � Trente Glorieuses � avant de faire souche sur notre sol. Tous ont contribu� � forger notre pays, � le rendre plus fort et plus prosp�re, � accro�tre son rayonnement en Europe et dans le monde.

Notre drapeau, notre langue, notre histoire : tout nous parle de ces valeurs de tol�rance et de respect de l'autre, de ces combats, de cette diversit� qui font la grandeur de la France. Cette France, celle qui se bat pour la paix, pour la justice, pour les droits de l'homme, nous en sommes fiers. Nous devons la d�fendre. Plut�t que de la remettre en question, chacun doit prendre la mesure de ce qu'elle lui apporte et se demander ce qu'il peut faire pour elle.

C'est pour que la France reste elle-m�me que nous devons aujourd'hui r�pondre aux interrogations et d�samorcer les tensions qui traversent notre soci�t�.

*

Ces facteurs de tensions, chacun les conna�t.

Bien que porteuse de chances nouvelles, la mondialisation inqui�te, d�stabilise les individus, les pousse parfois au repli.

Au moment o� s'affaissent les grandes id�ologies, l'obscurantisme et le fanatisme gagnent du terrain.

Entre la nation fran�aise et cette Europe des citoyens que nous souhaitons, chacun de nous doit red�finir ses rep�res.

En m�me temps, la persistance voire l'aggravation des in�galit�s, ce foss� qui se creuse entre les quartiers difficiles et le reste du pays, font mentir le principe d'�galit� des chances et menacent de d�chirer notre pacte r�publicain.

Une chose est s�re : la r�ponse � ces interrogations n'est pas dans l'infiniment petit du repli sur soi ou du communautarisme. Une chose est s�re : la r�ponse � ces interrogations n'est pas dans l'infiniment petit du repli sur soi ou du communautarisme. Elle est au contraire dans l'affirmation de notre d�sir de vivre ensemble, dans la consolidation de l'�lan commun, dans la fid�lit� � notre histoire et � nos valeurs.

Face aux incertitudes du temps et du monde, face au sentiment d'impuissance, parfois � l'�treinte du d�sarroi, chacun recherche des r�f�rences plus personnelles, plus imm�diates : la famille, les solidarit�s de proximit�, l'engagement associatif. Cette aspiration est naturelle. Elle est m�me un atout. Elle t�moigne de la capacit� des Fran�aises et des Fran�ais � se mobiliser, � agir, � donner libre cours � leur �nergie, � leurs initiatives.

Le danger, c'est la lib�ration de forces centrifuges, l'exaltation des particularismes qui s�parent. Pour autant, ce mouvement doit trouver ses limites dans le respect des valeurs communes. Le danger, c'est la lib�ration de forces centrifuges, l'exaltation des particularismes qui s�parent. Le danger, c'est de vouloir faire primer les r�gles particuli�res sur la loi commune. Le danger, c'est la division, c'est la discrimination, c'est la confrontation.

Regardons ce qui se passe ailleurs. Les soci�t�s structur�es autour de communaut�s sont souvent la proie d'in�galit�s tr�s fortes.

Le communautarisme ne saurait �tre le choix de la France. Il serait contraire � notre histoire, � nos traditions, � notre culture. Il serait contraire � nos principes humanistes, � notre foi dans la promotion sociale par la seule force du talent et du m�rite, � notre attachement aux valeurs d'�galit� et de fraternit� entre tous les Fran�ais.

C'est pourquoi je refuse d'engager la France dans cette direction. Elle y sacrifierait son h�ritage. Elle y compromettrait son avenir. Elle y perdrait son �me.

C'est pourquoi aussi, nous avons l'ardente obligation d'agir. Ce n'est ni dans l'immobilisme, ni dans la nostalgie, que nous retrouverons une nouvelle communaut� de destin. C'est dans la lucidit�, dans l'imagination et dans la fid�lit� � ce que nous sommes.

*

La France a su cette ann�e encore porter, dans tous les domaines de tensions et de crise, sa parole de paix et de tol�rance pour inviter les peuples qui se d�chirent au respect de l'autre.

� l�int�rieur de nos fronti�res, au c�ur de notre soci�t�, sachons vivre ensemble en portant la m�me exigence, la m�me ambition de respect et de justice !

L'�galit� des chances a de tout temps �t� le combat de la R�publique. La ligne de front de ce combat passe d�sormais dans les quartiers. Comment demander � leurs habitants de se reconna�tre dans la Nation et dans ses valeurs quand ils vivent dans des ghettos � l'urbanisme inhumain, o� le non-droit et la loi du plus fort pr�tendent s'imposer ?

Avec le renforcement de la s�curit�, avec le programme de r�novation urbaine pour d�truire les � barres �, avec les zones franches destin�es � ramener l'emploi et l'activit� dans les cit�s, nous enrayons la fatalit�, nous retrouvons l'espoir. C'est, pour le Gouvernement et pour moi-m�me, un d�fi et une exigence majeurs.

Faire vivre l'�galit� des chances, c'est aussi redonner toute sa force � notre tradition d'int�gration en nous appuyant sur les r�ussites d�j� acquises mais aussi en refusant l'inacceptable.

Beaucoup de jeunes issus de l'immigration, dont le fran�ais est la langue maternelle, et qui sont, la plupart du temps, de nationalit� fran�aise, r�ussissent et se sentent � l'aise dans une soci�t� qui est la leur. Ils doivent �tre reconnus pour ce qu'ils sont, pour leur capacit�, leur parcours, leur m�rite. Ils veulent exprimer leurs succ�s, leur soif d'agir, leur insertion, leur pleine appartenance � la communaut� nationale.

Ces r�ussites, il faut �galement les pr�parer avec les �trangers qui nous rejoignent l�galement, en leur demandant d'adh�rer � nos valeurs et � nos lois. C'est tout l'objet du contrat d'accueil et d'int�gration mis en place, � ma demande, par le Gouvernement et qui leur est propos� individuellement. Il leur donne acc�s � des cours de fran�ais, � une formation � la citoyennet� fran�aise, � un suivi social, en contrepartie de l'engagement de respecter scrupuleusement les lois de la R�publique.

Ces r�ussites, il faut aussi les rendre possibles en brisant le mur du silence et de l'indiff�rence qui entoure la r�alit� des discriminations. Je sais le sentiment d'incompr�hension, de d�sarroi et parfois m�me de r�volte de ces jeunes Fran�ais issus de l'immigration dont les demandes d'emplois passent � la corbeille en raison de la consonance de leur nom et qui sont, trop souvent, confront�s aux discriminations pour l'acc�s au logement ou m�me simplement pour l'entr�e dans un lieu de loisir.

Il faut une prise de conscience et une r�action �nergique. Ce sera la mission de l'autorit� ind�pendante charg�e de lutter contre toutes les formes de discriminations qui sera install�e l'ann�e prochaine.

Tous les enfants de France, quelle que soit leur histoire, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur croyance, sont les filles et les fils de la R�publique. Ils doivent �tre reconnus comme tels, dans le droit mais surtout dans les faits. C'est en veillant au respect de cette exigence, c'est par la refondation de notre politique d'int�gration, c'est par notre capacit� � faire vivre l'�galit� des chances que nous redonnerons toute sa vitalit� � notre coh�sion nationale.

*

Nous le ferons aussi en faisant vivre le principe de la�cit�, pilier de notre Constitution. Il exprime notre volont� de vivre ensemble dans le respect, le dialogue et la tol�rance.

C'est la neutralit� de l'espace public qui permet la coexistence harmonieuse des diff�rentes religions. La la�cit� garantit la libert� de conscience. Elle prot�ge la libert� de croire ou de ne pas croire. Elle assure � chacun la possibilit� d'exprimer et de pratiquer sa foi, paisiblement, librement, sans la menace de se voir imposer d'autres convictions, d'autres croyances. Elle permet � des femmes et � des hommes venus de tous les horizons, de toutes les cultures, d'�tre prot�g�s dans leurs croyances par la R�publique et ses institutions. Ouverte et g�n�reuse, elle est le lieu privil�gi� de la rencontre et de l'�change o� chacun se retrouve pour apporter le meilleur � la communaut� nationale. C'est la neutralit� de l'espace public qui permet la coexistence harmonieuse des diff�rentes religions.

La libert� religieuse ne saurait remettre en cause la r�gle commune. Comme toutes les libert�s, la libert� d'expression des croyances ne peut trouver de limites que dans la libert� d'autrui et dans l'observation des r�gles de la vie en soci�t�. La libert� religieuse, que notre pays respecte et prot�ge, ne saurait �tre d�tourn�e. Elle ne saurait remettre en cause la r�gle commune. Elle ne saurait porter atteinte � la libert� de conviction des autres. C'est cet �quilibre subtil, pr�cieux et fragile, construit patiemment depuis des d�cennies, qu'assure le respect du principe de la�cit�. Ce principe est une chance pour la France. C'est pourquoi il est inscrit � l'article premier de notre Constitution. C'est pourquoi il n'est pas n�gociable !

Apr�s avoir d�chir� la France lors de l'adoption de la grande loi r�publicaine de s�paration des �glises et de l'�tat en 1905, une la�cit� apais�e a permis de rassembler tous les Fran�ais. A l'�preuve de bient�t un si�cle d'existence, elle a montr� sa sagesse et recueille l'adh�sion de toutes les confessions et de tous les courants de pens�e.

Pourtant, malgr� la force de cet acquis r�publicain, et comme l'ont notamment montr� les travaux de la Commission pr�sid�e par Monsieur Bernard Stasi, � laquelle je veux � nouveau rendre un hommage tout particulier, l'application du principe de la�cit� dans notre soci�t� est aujourd'hui en d�bat. Certes, il est rarement contest�. Beaucoup m�me s'en r�clament. Mais sa mise en �uvre concr�te se heurte, dans le monde du travail, dans les services publics, en particulier � l'�cole ou � l'h�pital, � des difficult�s nouvelles et grandissantes.

La la�cit� est l'une des grandes conqu�tes de la R�publique. Nous devons travailler � la consolider. On ne saurait tol�rer que, sous couvert de libert� religieuse, on conteste les lois et les principes de la R�publique. La la�cit� est l'une des grandes conqu�tes de la R�publique. Elle est un �l�ment crucial de la paix sociale et de la coh�sion nationale. Nous ne pouvons la laisser s'affaiblir. Nous devons travailler � la consolider.

Un nouveau pas sera �galement franchi quand la formation d'Imams fran�ais sera assur�e et permettra d'affirmer la personnalit� d'un Islam de culture fran�aise. Pour cela, nous devons assurer effectivement le m�me respect, la m�me consid�ration � toutes les grandes familles spirituelles. � cet �gard, l'Islam, religion plus r�cente sur notre territoire, a toute sa place parmi les grandes religions pr�sentes sur notre sol. La cr�ation du Conseil Fran�ais du Culte Musulman permet d�sormais d'organiser les relations entre l'�tat et l'Islam de France. Les musulmans doivent avoir en France la possibilit� de disposer de lieux de culte leur permettant de pratiquer leur religion dans la dignit� et la tranquillit�. Malgr� les progr�s r�cents, il reste encore beaucoup � faire dans ce domaine. Un nouveau pas sera �galement franchi quand la formation d'Imams fran�ais sera assur�e et permettra d'affirmer la personnalit� d'un Islam de culture fran�aise.

D�velopper l'enseignement du fait religieux � l'�cole

Le respect, la tol�rance, l'esprit de dialogue s'enracineront aussi avec la connaissance et la compr�hension de l'autre auxquelles j'attache la plus grande importance. C'est pourquoi il me para�t aujourd'hui primordial de d�velopper l'enseignement du fait religieux � l'�cole.

Il faut, aussi, mener avec vigilance et fermet�, un combat sans merci contre la x�nophobie, le racisme et contre l'antis�mitisme. Ne tol�rons pas la banalisation de l'insulte ! Ne minimisons aucun geste, aucune attitude, aucun propos ! Ne laissons rien passer !

Nous devons r�affirmer avec force la neutralit� et la la�cit� du service public. Celle de chaque agent public, au service de tous et de l'int�r�t g�n�ral, � qui s'impose l'interdiction d'afficher ses propres croyances ou opinions. C'est une r�gle de notre droit, car aucun Fran�ais ne doit pouvoir suspecter un repr�sentant de l'autorit� publique de le privil�gier ou de le d�favoriser en fonction de convictions personnelles. De la m�me mani�re, les convictions du citoyen ne sauraient l'autoriser � r�cuser un agent public.

Il faut aussi r�affirmer la la�cit� � l'�cole car l'�cole doit �tre absolument pr�serv�e.

L'�cole est au premier chef le lieu d'acquisition et de transmission des valeurs que nous avons en partage. L'instrument par excellence d'enracinement de l'id�e r�publicaine. L'espace o� l'on forme les citoyens de demain � la critique, au dialogue et � la libert�. O� on leur donne les cl�s pour s'�panouir et ma�triser leur destin. O� chacun se voit ouvrir l'horizon le plus large.

L'�cole est un sanctuaire r�publicain que nous devons d�fendre, pour pr�server l'�galit� devant l'acquisition des valeurs et du savoir, l'�galit� entre les filles et les gar�ons, la mixit� de tous les enseignements, et notamment le sport. Pour prot�ger nos enfants. Pour que notre jeunesse ne soit pas expos�e aux vents mauvais qui divisent, qui s�parent, qui dressent les uns contre les autres.

Il n'est pas question, bien s�r, de faire de l'�cole un lieu d'uniformit�, d'anonymat, o� seraient proscrits le fait ou l'appartenance religieuse. Il s'agit de permettre aux professeurs et aux chefs d'�tablissements, aujourd'hui en premi�re ligne et confront�s � de v�ritables difficult�s, d'exercer sereinement leur mission avec l'affirmation d'une r�gle claire.

Jusqu'� r�cemment, en vertu d'usages raisonnables et spontan�ment respect�s, il n'avait jamais fait de doute pour personne que les �l�ves, naturellement libres de vivre leur foi, ne devaient pas pour autant venir � l'�cole, au coll�ge ou au lyc�e en habit de religion.

Il ne s'agit pas d'inventer de nouvelles r�gles ni de d�placer les fronti�res de la la�cit�. Il s'agit d'�noncer avec respect mais clairement et fermement une r�gle qui est dans nos usages et nos pratiques depuis longtemps.

J'ai consult�. J'ai �tudi� le rapport de la Commission Stasi. J'ai examin� les arguments de la Mission de l'Assembl�e Nationale, des partis politiques, des autorit�s religieuses, des repr�sentants des grands courants de pens�e.

En conscience, j'estime que le port de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l'appartenance religieuse doit �tre proscrit dans les �coles, les coll�ges et les lyc�es publics.

Les signes ostensibles, c'est-�-dire ceux dont le port conduit � se faire remarquer et reconna�tre imm�diatement � travers son appartenance religieuse, ne seront pas admis � l'�cole. Les signes discrets, par exemple une croix, une �toile de David, ou une main de Fatima, resteront naturellement possibles. En revanche les signes ostensibles, c'est-�-dire ceux dont le port conduit � se faire remarquer et reconna�tre imm�diatement � travers son appartenance religieuse, ne seront pas admis. Ceux-l� � le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la Kippa ou une croix de dimension manifestement excessive � n'ont pas leur place dans les enceintes des �coles publiques. L'�cole publique restera la�que.

Pour cela une loi est n�cessaire. Je souhaite qu'elle soit adopt�e par le Parlement et qu'elle soit pleinement mise en �uvre d�s la rentr�e prochaine. D�s maintenant je demande au Gouvernement de poursuivre son dialogue, notamment avec les autorit�s religieuses, et d'engager une d�marche d'explication, de m�diation, de p�dagogie.

Notre objectif, c'est d'ouvrir les esprits et les c�urs. C'est de faire comprendre aux jeunes concern�s les enjeux de la situation et de les prot�ger contre les influences et les passions qui, loin de les lib�rer ou de leur permettre d'affirmer leur libre arbitre, les contraignent ou les menacent.

Dans l'application de cette loi, le dialogue et la concertation devront �tre syst�matiquement recherch�s, avant toute d�cision.

En revanche, je ne crois pas qu'il faille ajouter de nouveaux jours f�ri�s au calendrier scolaire, qui en compte d�j� beaucoup. De plus, cela cr�erait de lourdes difficult�s pour les parents qui travaillent ces jours-l�. Pour autant, et comme c'est d�j� largement l'usage, je souhaite qu'aucun �l�ve n'ait � s'excuser d'une absence justifi�e par une grande f�te religieuse comme celle de Kippour ou de l'A�t-El-Kebir, � condition que l'�tablissement en ait �t� pr�alablement inform�. Il va de soi aussi que des �preuves importantes ou des examens ne doivent pas �tre organis�s ces jours- l�. Des instructions en ce sens seront donn�es aux recteurs par le ministre de l'�ducation nationale.

Il faut aussi rappeler les r�gles �l�mentaires du vivre ensemble. Je pense � l'h�pital o� rien ne saurait justifier qu'un patient refuse, par principe, de se faire soigner par un m�decin de l'autre sexe. Il faudra que la loi vienne consacrer cette r�gle pour tous les malades qui s'adressent au service public.

De la m�me mani�re, le ministre du travail devra engager les concertations n�cessaires et, si besoin, soumettre au Parlement une disposition permettant au chef d'entreprise de r�glementer le port de signes religieux, pour des imp�ratifs tenant � la s�curit� ou aux contacts avec la client�le.

D'une mani�re g�n�rale, je crois souhaitable qu'un � Code de la la�cit� � r�unisse tous les principes et les r�gles relatifs � la la�cit�. Ce code sera remis notamment � tous les fonctionnaires et agents publics le jour de leur entr�e en fonction.

Par ailleurs, le Premier ministre installera aupr�s de lui un Observatoire de la la�cit� charg� d'alerter les Fran�ais et les pouvoirs publics sur les risques de d�rive ou d'atteinte � ce principe essentiel.

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Enfin, notre combat pour les valeurs de la R�publique doit nous conduire � nous engager r�solument en faveur des droits des femmes et de leur �galit� v�ritable avec les hommes. Ce combat est de ceux qui vontdessinerle visage de la France de demain. Le degr� de civilisation d'une soci�t� se mesure d'abord � la place qu'y occupent les femmes.

Il faut �tre vigilant et intransigeant face aux menaces d'un retour en arri�re.

Nous ne pouvons pas accepter que certains, s'abritant derri�re une conception tendancieuse du principe de la�cit�, cherchent � saper ces acquis de notre R�publique que sont l'�galit� des sexes et la dignit� des femmes. Je le proclame solennellement : la R�publique s'opposera � tout ce qui s�pare, tout ce qui retranche, tout ce qui exclut ! La r�gle, c'est la mixit� parce qu'elle rassemble, parce qu'elle met tous les individus sur un pied d'�galit�, parce qu'elle se refuse � distinguer selon le sexe, l'origine, la couleur, la religion.

En mati�re de droit des femmes, notre soci�t� a encore beaucoup de progr�s � faire. La nouvelle fronti�re de la parit�, c'est d�sormais l'�galit� professionnelle entre les femmes et les hommes. Chacun doit en prendre conscience et agir en ce sens. Je compte m'y engager personnellement dans les prochaines semaines.

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Mesdames et Messieurs,

Les d�bats sur la la�cit�, l'int�gration, l'�galit� des chances, le droit des femmes, nous posent une m�me question : quelle France voulons-nous, pour nous et pour nos enfants ?

Nous avons re�u en h�ritage un pays riche de son histoire, de sa langue et de sa culture, une Nation forte de ses valeurs et de ses id�aux.

Notre pays, la France, chacun doit en �tre fier. Chacun doit se sentir d�positaire de son h�ritage. Chacun doit se sentir responsable de son avenir.
Sachons transformer les interrogations d'aujourd'hui en atouts pour demain. En recherchant r�solument l'unit� des Fran�ais. En confirmant notre attachement � une la�cit� ouverte et g�n�reuse telle que nous avons su l'inventer ann�e apr�s ann�e. En faisant mieux vivre l'�galit� des chances, l'esprit de tol�rance, la solidarit�. En menant r�solument le combat pour les droits des femmes. En nous rassemblant autour des valeurs qui ont fait et qui font la France.

C'est ainsi que nous resterons une Nation confiante, s�re et forte de sa coh�sion. C'est ainsi que nous pourrons r�affirmer l'ambition qui nous rassemble de b�tir, pour notre pays et pour nos enfants, un avenir de progr�s et de justice.

C'est l'un des grands d�fis lanc� � nos g�n�rations. Ce d�fi, nous pouvons, nous devons, nous allons le relever ensemble.

Tous ensemble.

Je vous remercie.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s