Charles Pieri plac� en d�tention
Dec 19, 2003
Charles Pieri, mis en examen mercredi par le juge d'instruction parisien Philippe Courroye a �t� incarc�r� sur ordre du juge des libert�s et de la d�tention (JLD) conform�ment aux r�quisitions du parquet de Paris. Charles Pieri devrait �tre incarc�r� � la maison d'arr�t de Fresnes dans le Val-de-Marne.

Loin des enqu�tes terroristes classiques visant � d�terminer l'implication d'une personne dans la pr�paration d'un attentat ou son appartenance � un groupe terroriste, cette enqu�te ouverte en septembre et qui a men� Charles Pieri en prison est men�e sous l'angle financier et confi�e aux policiers de la brigade financi�re de Paris, une premi�re en la mati�re, et au juge d'instruction financier Philippe Courroye.

Les enqu�teurs soup�onnent Charles Pieri d'avoir per�u 265.000 euros de l'h�tel du Golfe situ� � Saint-Florent en Haute-Corse par le biais d'un ch�que, de d�tournements des recettes ou de l'utilisation de la carte bleue de la soci�t�, en qualit� de directeur du personnel de l'h�tel g�r� par sa fille.

La justice tente �galement de d�terminer que Charles Pieri dirige en sous-main plusieurs soci�t�s et ponctionne une partie de leurs ressources au d�triment de l'int�r�t �conomique de celles-ci.

De source judiciaire, on pr�cisait mercredi que l'ensemble des fonds d�tourn�s - salaires, locations de voitures, mouvements de fonds - avoisinait "un petit million d'euros". De source proche du dossier, on �valuait � la baisse ce montant, estim� � 400.000 d'euros.

Par ailleurs, la mise en examen de M. Pieri pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste n'est semble-t-il pas �trang�re au plastiquage des portes d'entr�e du domicile de fonctionnaires de police ayant particip� aux premi�res perquisitions men�es en octobre dans cette enqu�te.

Un manuel de fabrication d'explosifs retrouv� dans l'un des lieux fr�quent�s par Pieri motiverait �galement cette qualification.

La qualification de financement du terrorisme semble indiquer que les enqu�teurs disposent d'indices graves permettant d'�tablir que ces infractions financi�res pr�sum�es ont financ� des attentats ou une organisation clandestine, en l'occurrence, le FLNC-Union des combattants.

"Les infractions terroristes ne sont en rien d�montr�es dans ce dossier et reposent sur des rumeurs", a comment� mercredi en d�but de soir�e l'un des avocats de Charles Pieri, Me Eric Barbolosi.

M. Pieri est la deuxi�me personne mise en examen dans ce dossier: mardi soir, Marina Paolini, employ�e de la soci�t� Corsica Gardiennage Services (CGS), a �t� mise en examen et laiss�e libre pour "recel d'abus de biens sociaux".

Sept autres personnes, de pr�sum�s associ�s en affaires de M. Pieri, �taient toujours en garde � vue mercredi soir: d'autres cadres de CGS, les PDG de deux h�tels du Golfe et des Sablettes situ�s en Corse, un comptable du Sporting Club de Bastia ou le directeur de la soci�t� de location de voitures Holcar.

Antonia, l'�pouse de Charles Pieri, figure aussi parmi les gard�s � vue, en tant que g�rante de la soci�t� d'entretien Corsica-Nettoyages.

En Corse, la mise en examen de Charles Pieri n�a soulev� que peu d��motion. Seuls ses amis nationalistes ont �mis une protestation qui, pour ne pas �tre de pure forme, n�est gu�re agressive. En fait, la plupart des Corses et m�me des nationalistes estiment que si Charles Pieri a fait � ses affaires � il est normal qu�il en paie les cons�quences.

Ainsi plusieurs nationalistes nous ont confi� que dans le contexte actuel, la � mise � l��cart � de Charles Pieri est plut�t positive pour l�unit� des nationalistes. � N�oubliez pas que sa sortie de prison avait �t� suivie avec inqui�tude. Il avait promis de ne pas r�appara�tre. Et il est r�apparu. Un peu � cause de nous qui lui avons laiss� l�espace n�cessaire, beaucoup � cause de lui qui n�a pas pu s�en emp�cher. Et c�est d�ailleurs cela qui l�a prot�g�. �

Une question qui revient souvent dans les discussions est de savoir comment Pieri a pu ainsi se livrer � des passages financiers qui l�accablaient. La premi�re explication (si toutefois l�information donn�e par la justice est juste) et qu�il n�a jamais pens� qu�il pourrait �tre coinc� sur des probl�mes financiers. � Ici en Corse la plupart des voyous s�en foutent des signes ext�rieurs de richesse. Ils agissent au vu et au su de tous justement parce que leur argent est destin� � en jeter plein la vue. �

Ensuite, beaucoup sont ici persuad�s que pendant longtemps Pieri a b�n�fici� de la protection de certains hauts fonctionnaires.

Quels ont �t� ses torts ? Vraisemblablement de ne pas comprendre qu�avec Sarkozy, il ne se jouait plus la partie traditionnelle entre la Corse et l��tat fran�ais mais bien l�avenir d�un futur pr�sidentiable. � Dans un tel contexte analyse un membre du staff sarkozien, Pieri n��tait plus un acteur mais un fusible. Il devenait une carte � jouer pour le patron. Mais lui est rest� le m�me croyant qu�en faisant p�ter quelques charges il allait � nouveau forcer une tr�ve. Le pire c�est qu�il n�a rien compris. L�affaire de Resistanza corsa est typique. Pour ne pas se mouiller, on cr�e un faux nez qui surfe sur le climat ambiant. D�s que ce climat change, on d�truit le faux-nez. Tout le probl�me pour le FLNC UC du secteur bastiais a �t� que ce faux-nez �tait devenu incontournable � l�interne, vraisemblablement parce que les petits soldats manquent et que le caract�re des Casimiri n�a pas permis une �vaporation de Resistanza corsa. �

Le r�sultat est que Resistenza corsa, groupe raciste, � fusionne � avec le FLNC au risque de faire passer cette organisation clandestine pour une organisation raciste. Nicolas Sarkozy a alors compris que Charles Pieri devait faire des concessions � ses propres � amis �. Or tous les rapports t�moignent de la faiblesse de Pieri � l�interne, faiblesse d�abord caus�e par les accusations qui sont port�es contre lui par ses propres camarades d� � affairisme �.

Aujourd�hui qu�il est incarc�r�, il va avoir quelques difficult�s � garder la haute main sur le nationalisme corse. La dynamique d�union qui est en marche le relativise. Le PNC sait qu�il doit r�ussir tr�s vite � marginaliser de la violence.

En Corse il se trouve toujours des petits groupes pour se lancer dans la surench�re. L� se situe d�ailleurs une difficult� majeure. Pieri �tait un mod�rateur dans l�exc�s. Vieillissant il voulait profiter de son bien au soleil et pr�sentait donc des faiblesses qui le portaient � se montrer conciliant. Sans lui, cette sagesse pourrait voler en �clat et laisser la place au chaos si l�union ne fonctionnait pas.

Pieri sera-t-il candidat sur les listes de l�union des nationalistes ? Les avis sont partag�s. Ses amis le voudraient bien mais auront quelque mal � l�imposer. � moins que l��tat ne fasse du leader d�chu un martyr.

Car Nicolas Sarkozy et la justice ont pris quelques risques : s�il s�av�rait au sortir de cette affaire qu�elle n�avait �t� mont�e que pour satisfaire les ambitions d�un ministre de l�int�rieur, le r�sultat serait catastrophique. � l�inverse, si les accusations port�es contre le responsable nationaliste sont vraies, le nombre de ses relations va s�rieusement diminuer dans les mois � venir.

Quoi qu�il en soit, Nicolas Sarkozy a donn� l�impression d��tre un homme qui tient ses promesses au moins dans le domaine r�pressif. Et cela, en dehors m�me de l�affaire Pieri, est positif dans une �le habitu�e au retournement de vestes des repr�sentants de l��tat fran�ais.

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