� Couper les racines de la corsophobie �
Dec 15, 2003
Libre opinion de Jean-Fran�ois Profizi, directeur de cabinet du pr�sident du conseil g�n�ral de Corse-du-Sud, un chaud partisan du � non � au r�f�rendum.

� En ne retenant de la Corse que le pire, certains travestissent la r�alit� et accr�ditent l'id�e que la population de cette �le n'est qu'un ramassis de plastiqueurs, de voleurs, de l�ches et de profiteurs. Quand le t�l�spectateur continental ne voit sur son �cran que le nationaliste exalt�, le pilier de comptoir born�, le vieil homme au regard fuyant, comment ne pas comprendre la s�v�rit� de ses jugements sur nous ?

Cette v�ritable campagne doit �tre combattue avec vigueur parce qu'elle contribue injustement � la d�gradation de l'image des Corses qui n'ont pas � p�tir du comportement d'une minorit� d'entre eux.

Le racisme, qui n'est que la g�n�ralisation des d�fauts souvent r�els d'une fraction de la population, ne peut �tre tol�r�, quelles qu'en soient les victimes.

Pour autant, on n'inversera pas la tendance actuelle en se contentant d'une simple d�nonciation. De ce point de vue, il est vain de renvoyer � un chanteur c�l�bre, qui a la r�putation de n'�tre d�muni ni d'intelligence, ni d'humour, le qualificatif dont il nous a, � tort, gratifi�s. Car enfin on ne voit pas pourquoi nous serions ainsi gratuitement pris pour cible. Il faut sortir du d�lire parano�aque et regarder ce qui, chez nous, peut expliquer le d�veloppement de ces campagnes de d�nigrement.


Il y a d'abord, �videmment, la violence. Elle est naturellement la cause essentielle de l'int�r�t, souvent malsain, que suscite l'�le dans les m�dias. Ceux qui la commettent ou la soutiennent le savent mieux que quiconque : elle contribue � �largir le foss� entre l��le et le continent. Pour faire reculer la corsophobie, il faut donc d�abord d�noncer la violence mais aussi isoler ses auteurs comme ses supporteurs.

De ce point de vue, la complaisance empress�e de certains �lus territoriaux aupr�s de ceux-ci devrait cesser.

Mais il faut aller plus loin. Au-del� d'une minorit�, aux convictions ind�pendantistes plus ou moins clairement affirm�es, c'est une fraction plus large de la population qui alimente inconsciemment l'hostilit� par des manifestations de x�nophobie, de vanit� ou d'arrogance que rien ne justifie.

S'attribuer des vertus � sp�cifiques �, m�priser voire insulter les autres, ne peut pas am�liorer notre image. Que ce soit dans l'actualit� ou dans l'histoire, on trouve ainsi des affirmations avantageuses qui n'ont qu'une source : l'ignorance.

Ainsi, contrairement � ce qu'on a lu � sati�t�, ces derniers temps, on ne s'est pas comport� mieux en Corse qu'ailleurs pendant la derni�re guerre � l'�gard de Juifs ou pendant la canicule � l'�gard des vieux. Il n'y a pas eu de d�portation vers les camps de la mort dans les sept autres d�partements fran�ais occup�s par les Italiens. Et le taux de mortalit� estivale a �t� �gal ou m�me inf�rieur au n�tre dans six autres r�gions fran�aises.

�tre Corse ne doit susciter ni honte (sentiment d'inf�riorit�) ni fiert� (sentiment de sup�riorit�). Nous ne sommes ni pires, comme certains ailleurs le croient, ni meilleurs, comme certains ici le pensent.

Les autres nous connaissent mal et nous connaissons malles autres c'est pourquoi il est difficile, des deux c�t�s, d'�valuer les qualit�s et les d�fauts r�ciproques pour ce qu'ils sont : globalement �quivalents.

Il faut donc d�noncer le racisme anti-corse comme tous les racismes, y compris ceux que l�on pratique chez nous. Mais il faut avoir le courage et la lucidit� d�admettre que notre v�ritable adversaire, de ce point-de-vue, n�est pas ailleurs : il est dans notre miroir �.

Notre commentaire : la tribune de Jean-Fran�ois Profizi ressemble terriblement au personnage : une silhouette vo�t�e, un air triste, un �tre en souffrance permanente aux fronti�res du sado-masochisme. Car il y a quelque chose de vici� voire de pervers dans cette pens�e. Apr�s avoir reconnu l�existence d�un racisme anti-corse (l�exactitude du terme reste � discuter) voil� notre penseur qui �tablit sans rire que la cause du racisme est l�existence m�me de la victime.

Si le sexisme existe c�est � cause des femmes, si l�antis�mitisme existe c�est � cause des Juifs. Oserait-on pr�tendre que le racisme anti-noir aux �tats-Unis tient � la criminalit� des ghettos ? Qui avancerait une pareille th�orie serait lui-m�me taxer de raciste ? La violence est odieuse : c�est vrai et nous l�avons �crit maintes et maintes fois. Mais le � racisme � anti-corse ne tient pas qu�� �a. Il a aussi pour origine l�excentricit� (dans tous les sens du terme) de la Corse, sa marginalit�, le maintien d�une culture autre que celle du mod�le dominant etc.

Jean-Fran�ois Profizi incarne ce que d�aucuns d�signent comme la haine de soi. On peut �videmment mettre l�index sur les maux de la soci�t� corse et nous le faisons. On doit exiger des Corses un sens du civisme qu�ils n�ont gu�re. Mais Jean-Fran�ois Profizi tron�onne la soci�t� corse en rondelles et choisit celles qu�il jette et celle qu�il d�guste. Or celles qu�ils d�gustent, celles qui appartiennent � cette � vieille Corse � portent en elle le germe de la violence. La fraude �lectorale, le banditisme etc. ne sont pas l�apanage d�une Corse nationaliste mais bien de la soci�t� corse tout court.

On peut toujours jeter l�anath�me sur les soci�t�s dites violentes. Il risque de ne plus en rester une seule dans l�escarcelle de l�humanit�. Il y a les soci�t�s qui s�cr�tent une violence interne et celles qui l�exportent quand ce ne sont pas les deux � la fois.

Une derni�re remarque : Jean-Fran�ois Profizi se trompe lourdement sur la d�portation des Juifs. Nous lui conseillons de consulter les �tudes de Ma�tre Klarsfeld. Les Juifs des d�partements de la zone sud, une fois occup�e par les nazis en novembre 1942, ont �t� h�las d�port�s. � Marseille, ils �taient emprisonn�s au centre d�Arenc. � Nice de terribles t�moignages d�crivent des familles se d�fenestrant pour �chapper aux SS. Parfois m�me des familles ont �t� prot�g�es par des soldats Italiens. Dans le Comtat V�naissin, dans la r�gion de Carpentras, les d�portations ont touch� la population juive au c�ur. La d�portation de Juifs de la zone sud est dirig�e par Alo�s Brunner vivement encourag� par Adolf Eichmann qui trouve que tout va trop lentement.


Le 11 novembre 1942, � la suite du d�barquement alli� en Afrique du Nord, les nazis envahissent la Zone Sud. Comment les mesures antijuives se sont-elles �tendues dans le Sud de la France ?

Dans un premier temps, l'application de la l�gislation antijuive se fait par une loi du 11 d�cembre 1942 qui oblige les Juifs � faire apposer sur leur carte d'identit� la mention "JUIF". Mais cette mesure se heurte � l'opposition des autorit�s civiles et militaires italiennes qui occupaient une partie importante du Sud-Est de la France (Nice, la Savoie...) (Intervention de M. Calisse, Consul G�n�ral d'Italie).

De grandes rafles sont organis�es en zone Sud (Rafle de Marseille en janvier 1943) hors de la zone italienne, avec la complicit� de Bousquet, mais sans que le port de l'�toile ait �t� �tabli.

Darquier de Pellepoix, commissaire aux questions juives du gouvernement de Vichy depuis le 6 mai, pr�pare en d�cembre 1942 un 3�me Statut des Juifs qui ne verra pas le jour. En F�vrier 1943, le "Petit Parisien" l'interviewe et il �voque ses projets. Parmi ceux-ci, il y a le "port de l'�toile jaune en zone non occup�e".
Dans un rapport du 12 f�vrier 1943, Knochen �voque l'opposition de P�tain et du gouvernement de Vichy � l'introduction de l'�toile jaune en France, ainsi qu'� l'extension des mesures antijuives aux Juifs fran�ais. Ce qui n'emp�che pas les arrestations et d�portations de Juifs �trangers. Seuls s'y opposent v�ritablement les Italiens, ce qui irrite Vichy et la Gestapo. Un entretien officiel du Ministre des Affaires �trang�res du Reich Ribbentrop avec Mussolini, le 25 f�vrier 1943, n'y change rien.

Laval promet d�s ao�t 1942 la d�naturalisation des Juifs fran�ais naturalis�s apr�s 1933, puis apr�s le 1er janvier 1932, puis apr�s le 10 ao�t 1927, mais la pression de l'opinion (rapports des pr�fets et attitude de certains �v�ques) fait que la loi est retard�e. Un projet est �labor� en avril 1943, mais c'est seulement en juin 1943 que la loi est sign�e. En juillet, Laval d�cide de stopper la promulgation de cette loi.

Les convois de d�portations ont commenc� avant m�me l�occupation � partir des Milles. Les malheureux ont �t� rafl�s � Marseille. Les 16 et 17 juillet ont eu lieu � Paris les grandes rafles du Vel d�Hiv�.
11 ao�t 1942 262 hommes et femmes
13 ao�t 1942 546 hommes et femmes
23 ao�t 1942 123 hommes des GTE
2 septembre 1942 693 hommes, femmes et enfants
10 et 11 septembre 1942 131 (au minimum) hommes, femmes et enfants

Faut-il rappeler que le camp de Brens dans le Tarn avait le statut officiel de � camp de concentration � et que nombre de ses pensionnaires furent envoy�s aux chambres � gaz.

Bref Jean-Fran�ois Profizi, pour �tayer sa th�orie, r�vise l�histoire. Qu�il le veuille ou non et pour des raisons historiques que nous avons d�j� �voqu�es (chute de Mussolini, soul�vement de la r�sistance en septembre 43, faible nombre de Juifs mais aussi courage de la population), il n�y eut que tr�s peu de Juifs d�port�s depuis la Corse. Et ceux qui le furent le furent gr�ce aux services des collabos corses.


LEGENDE PHOTOS : La premi�re photo montre Bousquet, l'ami de Mitterrand, dirigeant la d�portation des Juifs de Marseille avec derri�re lui Darquier de Pellepoix, le responsable
vichyssois aux affaires juives. Ils �taient directement envoy� par le SS Alo�s Brunner. Les deux autres photos montrent des Juifs de Marseille en partance pour Drancy puis pour Auschwitz.







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