Pr�s de trois cents tableaux vol�s retrouv�s � Paris. L�un des organisateurs est membre de la famille H, les patrons du milieu parisien.
Dans la nuit du 8 au 9 mai 2002, plusieurs membres de la famille d'un riche collectionneur install�s dans l'Aube avaient �t� s�questr�s par un commando d'hommes arm�s dans leur propri�t� de Br�viandes, pr�s de Troyes. Les victimes avaient �t� frapp�es et menac�es de mort par leurs agresseurs. Bien renseign�s, ces derniers n'�taient repartis qu'apr�s avoir acquis la certitude qu'ils avaient fait main basse sur la totalit� du butin qu'ils �taient venus chercher : une collection priv�e compos�e de dizaines de toiles de ma�tres.
Un an et demi apr�s le � saucissonnage � de Br�viandes, la police judiciaire et la gendarmerie viennent de retrouver la totalit� du butin � Paris. Apr�s plusieurs mois de surveillance, les enqu�teurs de l'Office central pour la r�pression du banditisme (OCRB) et de l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), ont interpell� trois hommes qui s'appr�taient � � d�m�nager � le butin de ce vol. �Nous �tions sur leurs traces depuis des semaines, raconte le commissaire divisionnaire Herv� Lafranque, patron de l'OCRB. Ils �taient les derniers rescap�s encore en cavale d'une �quipe de malfaiteurs ultra-violents que nous voulions mettre hors d'�tat de nuire.�
Dans une camionnette gar�e avenue George-V, dans le VIII e arrondissement, les policiers ont d�couvert 258 �uvres provenant pour l'essentiel du braquage de mai 2002.
Cette saisie record, comporte entre autres deux toiles de Dufy et une de Picasso. Ces interpellations sont la cons�quence d'un autre coup de filet, r�alis� le 24 septembre 2002. Une douzaine de suspects avaient alors �t� interpell�s lors d'une op�ration coup-de-poing de l'OCRB et de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI, antigang), avec le soutien des gendarmes de la Cellule interminist�rielle de liaison sur la d�linquance itin�rante (Cildi). Fabrice, un neveu du clan �H�, et Jacques Hornec, deux �figures� montantes du banditisme, �taient tomb�s lors du coup de filet et �crou�es. Mais pas de trace du butin.
�On avait d�cid� de ne laisser aucun r�pit aux complices en cavale, en multipliant les �coutes et les filatures�, explique-t-on � l'OCRB. Fabrice Hornec, 34 ans, avait alors �t� �crou� avec plusieurs complices. Pourtant aucune �uvre d'art n'avait �t� retrouv�e lors de cette premi�re op�ration.
Or, c�est un de ses cousins de la famille H, Thierry Hornec, �g� de 40 ans, qui vient d��tre arr�t� aux c�t�s de Maurice N. truand chevronn� de 46 ans, figure parmi les personnes interpell�es et mises en garde � vue au si�ge de l'OCRB, � Nanterre (Hauts-de-Seine). Ils devaient �tre d�f�r�s d�s ce matin au tribunal de grande instance de Troyes.. Deux kilos de coca�ne et des armes de poing ont �t� �galement saisis lors des interpellations.
La bande est aussi soup�onn�e de vols de voitures de luxe sur les autoroutes ainsi que d'autres �saucissonnages� dont celui de Br�viandes. Un mois plus tard, avait lieu un hold-up � l'h�tel des ventes de Fontainebleau (Seine-et-Marne). Quelque 800 000 euros de joyaux avaient �t� d�rob�s avant que des coups de feu ne soient tir�s sur la police pour couvrir la fuite des braqueurs. L� encore, c�est cette bande qui est soup�onn�e. Un beau coup de filet donc pour les enqu�teurs.
Les Hornec ne sont pas des inconnus pour les lecteurs de notre site. Peu apr�s l��vasion de Nino Ferrara, repris depuis nous �crivions :
O� se cache Ferrara ?
La piste des manouches de Montreuil
Hier les policiers de l'OCRB ont commenc� � �tudier les fili�res. Tous s'accordent � reconna�tre que plus encore que l'�vasion, la cavale de Ferrara va exiger des moyens peu ordinaires. Il va falloir organiser des circuits de planques, s'adresser � des gens discrets, couper les ponts avec les anciens amis qui risquent d'�tre surveill�s. Bref peu d'�quipes sont capables de soutenir un rythme pareil. L'une d'entre elle, susceptible de tenir la route, est dirig�e par trois fr�res d'origine manouche, les Hornec.
Les manouches de Montreuil
Ces manouches de Montreuil ont la r�putation de tenir le haut du pav� parisien. Les sp�cialistes les ont m�me soup�onn�s d'avoir fait liquider Francis le Belge qui commen�ait � prendre trop d'importance dans la capitale. Le 27 septembre 2000, Francis Vanverberghe, 54 ans, �tait abattu dans un PMU du 8�me arrondissement de Paris de 9 balles de 11,43 dont deux dans la t�te � bout touchant. Condamn� � plusieurs reprises pour prox�n�tisme et trafic de drogue, il avait �t� interpell� le 22 mars 2000 pour une affaire de prox�n�tisme � Paris.
Plusieurs pistes �taient alors envisag�es dont celle des fr�res Hornec associ�s aux truands d'origine maghr�bine Ihmed Mohieddine et Nordine Mansouri. Il se serait agi d'une rivalit� pour le contr�le du quartier des Champs-�lys�es (racket, prostitution et machines � sous). L'autre hypoth�se �tait celle de Hanna Elias, dit Jo�l le Turc, coll�gue de Philippe Ottman, surnomm� le Blond, qui aurait fait descendre le Belge pour des affaires strictement marseillaises. Mais dans les deux cas, le nom des Hornec avait �t� prononc�.
Le 21 d�cembre 2002, l'un des fr�res Marc Hornec. tombait pour hold-up pour le plus grand bonheur des policiers qui cherchaient � le faire tomber depuis belle lurette.
Ainsi la justice mettait la main sur l'un des rois des machines � sous clandestines d'Ile-de-France et des bars � h�tesses des quartiers chics de la capitale. Et voil� que le magistrat en charge de l'affaire estime que l'incarc�ration de Marc Hornec ne se justifiait pas et le faisait lib�rer le jeudi 31 janvier de la prison de la Sant�. Une �vasion en beaut� puisque l�gale.
Le parquet d�cidait de faire appel mais sans trop d'illusions d'autant que Marc Hornec �tait dehors. Le nouveau juge d'instruction du tribunal de Paris, Mich�le Colin, allait devoir reprendre l'affaire depuis le d�but.
Aujourd'hui les Hornec des manouches s�dentaris�s de Montreuil sont affaiblis par cette offensive polici�re. Avoir des atouts comme Ferrara et Menconi dans leur manche peut �tre d�terminant pour faire face � la concurrence maghr�bine qui fait preuve d'une sauvagerie inou�e. Tout cela n'�tait �videmment que des suppositions.
"La guerre de Paris"
Certains policiers se r�pandent aujourd'hui dans la presse pour estimer que Ferrara a �t� lib�r� � cause de ses connaissances en explosif. " Il se pr�parerait un gros coup " assurent-ils. Dans le milieu on fait remarquer que ceux qui ont fait sauter la porte de Fresnes s'y connaissaient eux aussi en pyrotechnie et qu'ils n'avaient pas besoin de Ferrara.
La bataille de Paris ne ferait alors que commencer. Il ne faut pas oublier que les Hornec ont pris la place de Claude Genova dit "le Gros", opportun�ment assassin� sur un trottoir, Porte Maillot, en 1994, d'un coup de fusil dans le dos.
Les trois fr�res Hornec ont une r�putation impitoyable. Les policiers les soup�onnent d'avoir particip� aux plus gros braquages de ces derni�res ann�es, et d'�tre derri�re plusieurs r�glements de comptes � Paris ou en banlieue : Farid Sanaa, place des Ternes, le 19 octobre 1999, Francis le Belge le 27 septembre 2000, Antonio Lag�s peu de temps apr�s, abattu de deux d�charges de fusil de chasse avenue George-V, pour ne citer qu'eux. Or dans le petit milieu de beaux bracos tout le monde se conna�t et les Hornec avaient fr�quent� Ferrara. De l� � penser que� Mais tout cela n'est qu'invention de journalistes. Les Hornec sont comme leur casier judiciaire : vierges ou presque et ceux qui les soup�onnent d'�tre des voyous ne sont que des diffamateurs.
Valeurs Actuelles avait consacr� dans son num�ro 3403 paru le 15 F�vrier 2002 un article intitul� : � Grand banditisme : Une surprenante lib�ration �
Justice : Les fr�res H., les �manouches� de Montreuil, r�gnent depuis une dizaine d�ann�es sur le milieu parisien. Leur casier judiciaire reste pourtant bien l�ger. Fin d�cembre, Marc H., l�un des chefs du clan, est tomb� pour un braquage� avant d��tre li
C��tait le 21 d�cembre dernier. La nouvelle s��tait propag�e � la vitesse de la lumi�re dans tous les services de la PJ parisienne. Pensez, Marc H. en prison ! L�un des fr�res de la bande de Montreuil, roi des machines � sous clandestines d�Ile-de-France et des bars � h�tesses des quartiers chics de la capitale, derri�re les barreaux pour avoir particip� � un braquage minable ! Depuis des ann�es les policiers sp�cialistes du grand banditisme r�vaient de faire tomber cette figure du milieu. L�un d�eux l�a fait, apr�s deux ans d�enqu�te.
Les avocats du ca�d ont vite r�agi. Durant un mois, ils n�ont cess� de d�poser des demandes de mise en libert�. Une par jour, ou presque. C�t� policiers on ne s�est pas inqui�t� ; c�est la r�gle du jeu. Et puis le dossier est bien ficel�. Ils en sont persuad�s, d�o� leur stup�faction quand est tomb�e la d�cision du juge de la d�tention et des libert�s. Ce dossier, le magistrat l�a estim�, au contraire, insuffisant. Pas assez de charges� L�incarc�ration de Marc H. ne se justifiait pas. Il a quitt� sa cellule de la prison de la Sant� le jeudi 31 janvier.
Incr�dules, convaincus d�avoir r�alis� une enqu�te solide, les policiers sont mont�s au cr�neau, craignant de voir r�duits � n�ant deux ans de travail ! Le procureur les a entendus et le parquet a d�cid� de faire appel. Cet appel devrait �tre examin� dans quelques jours.
En attendant Marc H. est dehors, et le dossier est au point mort, d�autant qu�il a chang� de mains au d�but de l�ann�e, et le nouveau juge d�instruction du tribunal de Paris, Mich�le Colin, va devoir se familiariser avec l�affaire. Il faudra plusieurs semaines avant que les investigations ne reprennent.
Un braquage presque en direct.
Tout commence il y a donc deux ans, en juin 1999. � l��poque, la brigade financi�re surveille un certain St�phane G., changeur dans le quartier de la Bourse. Il est soup�onn� de tremper dans une affaire de blanchiment. Son portable est �branch� vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pas une seule communication n��chappe aux enqu�teurs. C�est ainsi qu�ils d�couvrent la pr�paration d�un braquage : mieux, ils le suivent pratiquement en direct. Il est question d�intercepter une Opel grise dans laquelle se trouvent quatre hommes, des Alg�riens qui ont troqu� leur argent contre des lingots d�or qu�ils veulent ramener au pays. C�est St�phane G. qui a mont� le coup. Un coup sans risque ; les victimes n�oseront pas porter plainte. Mais si les conversations permettent de reconstituer l�op�ration dans le d�tail, elles ne donnent en revanche aucune indication sur le lieu et la date.
Un autre service, la 1re division de police judiciaire (DPJ), reprend alors l�enqu�te. Premier objectif : reconstituer l�itin�raire du t�l�phone portable, autrement dit l�itin�raire m�me des braqueurs gr�ce aux �fadettes�, ces documents o� appara�t l�emplacement des bornes de relais des appels. Les braqueurs ont suivi les victimes depuis leur d�part de la rue Vivienne, pr�s de la Bourse, puis ils se sont dirig�s vers l�Op�ra, avant de remonter la rue de Rivoli et de prendre la direction de la D�fense.
Le braquage aura lieu en banlieue, dans une rue tranquille de Nanterre (Haut-de-Seine). St�phane G. et ses complices se font passer pour des policiers. Ils sont � bord d�une 406 bleu marine, gyrophares, plaque de police lumineuse, brassards� tout y est ! Les quatre Alg�riens n�opposent aucune r�sistance. Mais le butin est maigre : quatre lingots au lieu de la quinzaine esp�r�e par St�phane G.
Le plus int�ressant reste � venir. L�utilisateur du num�ro 06-10-97�, St�phane G., est bavard. Des pr�noms reviennent dans ses propos. Marc� Mario� Il est fier d�avoir �travaill� avec eux : � Ils ont un palmar�s impressionnant, dit-il prudemment, trois Coupes du monde� deux Coupes d�Europe� C�est les deux cousins� Tu sais� Ceux-l�, on en parle beaucoup� �
Marc, Mario : s�agit-il des fr�res H. ? Les policiers en sont convaincus, d�autant que le parcours du portable r�v�le de nouveaux �l�ments. Toujours gr�ce aux fadettes, les enqu�teurs d�couvrent que l�appareil est allum� le matin avenue du Huit-Mai-1945 au Perreux-sur-Marne (94), qu�il y est �teint le soir et qu�il fait des allers et retours � Montreuil, le fief des fr�res H. Ce n�est pas tout. Le portable est rep�r� � Roissy, puis r�appara�t � Nice. Ce n�est peut-�tre qu�une co�ncidence, mais les enqu�teurs font le rapprochement avec la r�sidence de Cagnes-sur-Mer qui appartient � Mario H. Mieux, les hommes de la 1re DPJ �pluchent les listes des passagers du vol Paris-Nice sur la compagnie Air Lib. Le voyage du portable correspond � un d�placement de la famille H., fr�res, s�urs et enfants. Nouvelle co�ncidence ? Ce ne sera pas la derni�re.
La chance sourit aux policiers de la 1re DPJ : le SRPJ de Reims leur demande de se renseigner sur une voiture vol�e, une 206 noire, achet�e dans un garage parisien du XVIIe arrondissement. C�est un certain �M. Bouglione� qui a r�gl� la note : 106 500 francs, en liquide. Mais le plus int�ressant, c�est le num�ro de t�l�phone indiqu� par l�acqu�reur sur la facture : le 06-10-97� le fameux portable. Interrog�s, deux des vendeurs donnent une description pr�cise de M. Bouglione : trente-cinq � quarante ans, cheveux clairs, forte corpulence, portant un costume vert clair.
Il pourrait s�agir de Marc H. Les enqu�teurs en auront la confirmation un peu plus tard. En effet, lors de sa garde � vue, Marc H. reconna�tra sans difficult� avoir achet� cette voiture sous un faux nom, et avoir donn� ce num�ro de t�l�phone, qui d�cid�ment ne quitte pas la famille H. Pour sa d�fense, Marc d�clare que tout le monde se servait de ce portable�
Entre-temps, les enqu�teurs ont retrouv� un des Alg�riens agress�s en juin 1999 � Nanterre. Lui aussi donne une description pr�cise de l�un des braqueurs : l� encore elle correspond � celle de Marc H�
On ne plaisante pas avec les fr�res H.
Voil� les �l�ments contenus dans le dossier. Un dossier trop l�ger, estiment les avocats, qui mettent en cause l��coute t�l�phonique. � Cette �coute, expliquent Mes Giraud et Li�nard, ne prouve pas que notre client �tait au bout du fil le jour du braquage. C�est d�ailleurs un �l�ment qui �tait dans le dossier depuis longtemps, et on ne voit pas pourquoi il est soudain devenu d�terminant. �
L�incarc�ration de Marc H. aurait sans doute permis de d�lier les langues. Les enqu�teurs en sont convaincus. � Avec sa lib�ration, c�est toute l�enqu�te qui est menac�e, se plaint un policier. On avait enfin la possibilit� de tirer un fil, on tenait une piste s�rieuse sur les fr�res H. Maintenant il y a un risque de pression sur les t�moins. Certains �taient sur le point de �balancer� mais maintenant que Marc H. est en libert�, c�est peu probable ! �
Cela fait une dizaine d�ann�es que Marc et ses fr�res, Mario et Jean-Claude, sont pr�sent�s comme les rois de la p�gre de la r�gion parisienne. Les �manouches de Montreuil�, comme les surnomment les policiers, sont soup�onn�s de r�gner sur le march� juteux des machines � sous clandestines d�Ile-de-France, et les bars � h�tesses du quartier de l��toile et des Champs-�lys�es, quartier que les sp�cialistes appellent le �triangle d�or�. C�est au d�but des ann�es quatre-vingt-dix que la bande de Montreuil a pris la suite du clan Genova, d�cim� � coups de fusil de chasse, et dont le chef, Claude, dit �le gros�, a �t� assassin� par des inconnus sur un trottoir, Porte Maillot, en 1994, d�un coup de fusil dans le dos.
Il ne faut pas plaisanter avec les fr�res H., r�put�s pour leur violence. On leur pr�te les plus gros braquages de ces derni�res ann�es, et les policiers les soup�onnent d��tre derri�re plusieurs r�glements de comptes � Paris ou en banlieue. De Farid Sanaa, place des Ternes, le 19 octobre 1999, � Francis le Belge le 27 septembre 2000, en passant par Antonio Lag�s quelques semaines plus tard, abattu de deux d�charges de fusil de chasse avenue George-V, pour ne citer que les plus importants.
Mais la justice n�a jamais rien pu prouver contre les �manouches� de Montreuil, et leur casier judiciaire demeure �tonnamment l�ger� Il ne reste plus qu�� attendre la d�cision de la chambre d�accusation, qui doit statuer sur le sort de Marc H.
Le 16 octobre 2003, �ric Pelletier �crivait dans l�Express
Les nouveaux ca�ds
Autrefois, les parrains dirigeaient des gangs homog�nes, souvent form�s selon des origines ethniques ou g�ographiques. Aujourd'hui, des individus incontr�lables s'unissent au gr� des �affaires�. Portrait de famille
Le monde du grand banditisme fran�ais est orphelin de ses parrains, figures tut�laires qui tentaient, tant bien que mal, de r�guler le milieu. Vanverberghe, dit �le Belge�, en avait l'image. Sa mort marque de ce point de vue un passage de t�moin. Dans sa jeunesse, les �quipes se constituaient selon les origines ethniques ou g�ographiques de chacun. La composition de ces gangs restait quasi immuable, ce qui ne les mettait pas � l'abri de soubresauts internes. La disparition de Vanverberghe signe la fin de ce monde ancien. Depuis quelques ann�es, un vent d'individualisme souffle en effet sur le milieu. Les policiers parlent d'�quipes � tiroirs, dont les pi�ces, comme dans un Meccano, s'assemblent diff�remment en fonction des occasions. Comme si les ca�ds avaient d�finitivement pris le pas sur les parrains. Revue de d�tail.
Le choc des cultures
L'attaque d'un fourgon blind�, � Gentilly, le 26 d�cembre 2000, a failli tourner au carnage. En plein apr�s-midi, en bordure du p�riph�rique, une dizaine de braqueurs stoppent le camion de la Brink's, l'�ventrent � coups d'explosif et tirent au fusil d'assaut sur une patrouille de police. Les assaillants s'enfuient avec 40 millions de francs (plus de 6 millions d'euros). L'instruction de ce dossier n'est pas termin�e, mais l'enqu�te a d�j� r�v�l� quelques surprises. L'op�ration de Gentilly a en effet r�uni des membres de milieux jusqu'ici tr�s cloisonn�s. Ce fut pour ainsi dire un choc des g�n�rations et des cultures. Le noyau dur du commando �tait constitu� de quadrag�naires, formant une �quipe soud�e et identifi�e, tr�s active en France et en Espagne. Ils pourraient �tre les �apporteurs d'affaires�. Mais, pour l'occasion, ce gang, surnomm� la �Dream Team� en raison de son efficacit�, se serait offert les services de Nino Ferrara, jeune braqueur de cit�, en raison de ses comp�tences en explosifs. Enfin, Joseph Menconi les aurait rejoints. Ce Corse a, lui, �t� form� � l'�cole bastiaise du fameux gang de la Brise de mer.
�Nino� Ferrara, le desperado
�Champagne!� Le 10 juillet dernier, apr�s son arrestation muscl�e, Antonio Ferrara, chemise ouverte sur un torse bronz�, la joue bravache. �Nino� aime quand la vie p�tille. La police a d� d�ployer les grands moyens pour stopper la cavale de ce jeune homme devenu, � 30 ans, le braqueur le plus recherch� de France. Une sorte de Pierrot le Fou de banlieue de 1,63 m�tre.
Lors de la garde � vue, dans les locaux de l'Office central pour la r�pression du banditisme, les flics sont sur les dents. La rue des Trois-Fontanot, � Nanterre, est boucl�e en urgence. Les proches de Nino ont, dans le pass�, envisag� de prendre d'assaut l'immeuble, si�ge de la police judiciaire... Ils ont surtout lib�r� leur ami en attaquant la prison de Fresnes comme on enl�ve un fortin, � l'aube du 12 mars dernier. L'un des assaillants a �t� gri�vement bless� � l'�il par le souffle de l'explosif.
Nino Ferrara est devenu, en quelques ann�es, une valeur montante du grand banditisme. Le milieu se l'arrache. On le dit d�termin�, g�n�reux avec ses amis et pr�t � tuer ceux qui, transporteurs de fonds ou simples passants, se trouvent sur son chemin. Sp�cialiste des explosifs, il a ainsi imagin� une m�thode consistant � placer des antennes paraboliques contre les parois des fourgons afin de concentrer l'effet de souffle et percer le blindage plus facilement. Il est soup�onn� d'avoir particip� � quelques-uns des plus gros braquages commis ces derni�res ann�es, comme � Gentilly, en d�cembre 2000. � l��poque, l'ADN de Ferrara avait �t� relev� sur une bouteille d'Heineken, sa bi�re pr�f�r�e.
La justice n'a pas vu grandir ce fils d'immigr�s italiens (sa famille est originaire de Cassino, pr�s de Naples), qui a d�barqu� � 10 ans en banlieue parisienne. Il balbutiait quelques mots de fran�ais, mais s'est rapidement impos� aupr�s de petits ca�ds blacks, blancs, beurs de Choisy-le-Roi. Ferrara n'�tait pourtant connu que pour un vol d'autoradio avant d'�tre recherch� pour une affaire de tentative de meurtre. Ses premiers ennuis s�rieux remontent au 1er mai 1997. Ce jour-l�, il attend sa copine, un brin de muguet � la main, place d'Italie, � Paris. Les policiers, qui passent l� par hasard, le cueillent en douceur. Antonio Ferrara a jur� qu'on ne l'y reprendrait plus. Accul� au fond du bar le Peanut's, le 10 juillet 2003, il tente de d�gainer l'arme qu'il cache dans sa banane. Le pistolet, un ant�diluvien Tokarev de fabrication sovi�tique, dispose d'une puissance de feu consid�rable: � courte distance, il rend un gilet pare-balles � peu pr�s aussi efficace qu'une motte de beurre. �Qu'aimeriez-vous faire?� demandait r�cemment un pr�sident de cour d'assises � Ferrara, pensant � une reconversion. �Partir en courant�, r�pondit avec franchise Nino.
Les Perletto, ou les m�saventures de �Lucky Luke� et �Petit V�lo�
Les Perletto, issus d'une lign�e de fonctionnaires territoriaux, ont d�pens� beaucoup d'�nergie pour la d�mocratie locale toulonnaise: ils collaient des affiches pour Maurice Arreckx, parrain politique du Var, aujourd'hui d�c�d�. Le p�re, Max Perletto, modeste employ� au conseil g�n�ral, fut l'un de ses proches. Le fils a�n�, Pascal, 42 ans, surnomm� �Petit V�lo�, aurait pu devenir dessinateur industriel, mais il opta pour un poste au service des espaces verts de la mairie. Quant au cadet, Franck, qui vient de f�ter ses 41 ans, il fut, en tant qu' �agent de salubrit� qualifi�, charg� du nettoyage. Balafre sous l'�il gauche, cheveux ras, BEP de ma�on en poche, il appara�t sec et nerveux, tout le contraire de Pascal, qui travaille ses airs bonasses. Franck a h�rit� d'un surnom, qui lui colle � la peau et l'irrite particuli�rement: �Lucky Luke�, l'homme qui tire plus vite que son ombre.
Le label grand banditisme
Pendant longtemps, l'inscription au fichier du grand banditisme a marqu� une forme de reconnaissance sociale dans le milieu. Jusqu'en 1992, la Direction centrale de la police judiciaire �ditait une publication annuelle interne, comprenant une notice biographique, des renseignements op�rationnels sur les principaux malfaiteurs fran�ais, ainsi que la photo de chacun d'eux. Mais ce Bottin mondain d'un genre un peu particulier, riche de plusieurs centaines de noms, a montr� ses limites. Il n'�tait pas suffisamment r�actualis� et, surtout, trop largement diffus�, y compris dans le milieu. Cette synth�se �tait finalement d'une confidentialit� toute relative. Aujourd'hui, le fichier du grand banditisme a officiellement disparu. Mais des circulaires sp�ciales de recherche, nominatives et tr�s cibl�es, sont r�guli�rement diffus�es aupr�s des services d'enqu�te judiciaire. Elles concernent moins de 200 personnes en France.
Leurs amis du quartier du Mourillon, o� ils ont grandi, louent l'implication des Perletto dans le Rugby Club toulonnais et la g�n�rosit� dont ils font preuve, notamment aupr�s des Restos du c�ur. Les policiers s'inqui�tent pourtant de leur perc�e dans le grand banditisme: les Perletto seraient encore plus nocifs pour le Var que les feux de for�t de cet �t�. �De la perlettophobie, selon l'avocat Jean-Claude Guidicelli, qui d�fend les deux fr�res au c�t� de Thierry Fradet. Apr�s l'assassinat de Yann Piat, il fallait faire un exemple dans ce d�partement. Mes clients continuent d'en faire les frais.�
L'entregent des Perletto aurait servi � alimenter deux importants trafics de drogue, entre 1994 et 1998: le d�barquement de plus de 5 tonnes de r�sine de cannabis sur la presqu'�le de Giens, dans le golfe de Saint-Tropez, et la livraison de 500 kilos de coca�ne br�silienne (jamais retrouv�s) dans des bo�tes de c�urs de palmier. Passionn� de foot, proche de Rolland Courbis, l'ex-entra�neur de l'Olympique de Marseille, Pascal Perletto justifie ses d�placements en Am�rique du Sud par une tentative d'achat de joueurs. Il voulait aussi importer du caf�, via la Roumanie, o� il poss�de deux soci�t�s. C'est ce qu'il a expliqu�, en mai dernier, devant la cour d'assises sp�ciale des Bouches-du-Rh�ne. Franck �Lucky Luke�, lui, n'a pas r�pondu � l'invitation. Le 14 avril, il s'est fait la belle de la prison de Luynes, en grimpant � bord d'un h�licopt�re. Il a en fait profit� de l'�vasion pr�par�e par un cod�tenu, �ric Alboreo (voir ci-dessous).
Repris, Franck Perletto vient d'�coper de quinze ans d'emprisonnement. Pascal a �galement �t� lourdement condamn�, dans deux proc�s, � vingt et quinze ans de prison. Les deux fr�res ont fait appel, estimant qu'ils n'ont pas eu droit � un jugement �quitable.
Alboreo et Payet, les �Roux et Combaluzier� du braquage
Le corps z�br� de cicatrices, le Marseillais �ric Alboreo, 40 ans, est un dur qui desserre rarement les dents. Un tatouage sur un bras c�l�bre une femme mythifi�e: �A celle que j'aime.� En amiti� aussi, Alboreo s'est toujours montr� fid�le. Avec son ins�parable complice, un Lyonnais d'origine, Pascal Payet, il a mis au point une sp�cialit�: le �comit� d'accueil�. En voici la recette. Prenez une banque. Attendez la nuit. Sciez les barreaux. Introduisez-vous dans la place et neutralisez l'alarme. Remettez les barreaux en place, en les repeignant si besoin afin de ne pas �veiller les soup�ons. Bourrez le distributeur de billets de colle forte. Laissez reposer en attendant le matin et l'arriv�e des premiers employ�s. Passez � l'action. La recette Alboreo-Payet fut longtemps au banditisme ce qu'est Roux et Combaluzier aux ascenseurs: une r�f�rence.
Si l'on excepte quelques ann�es pass�es en prison, l'affaire tournait plut�t bien pour eux jusqu'� cette sanglante bavure. Le 20 novembre 1997, trois hommes encagoul�s devancent les convoyeurs qui posent le pied sur le perron de la Banque de France, � Salon-de-Provence. L'un des braqueurs l�che une rafale de kalachnikov. Un convoyeur, atteint de 14 balles, meurt sur le coup. La rafale blesse aussi l'un des voyous. Le braquage sanglant de Salon a valu � �ric Alboreo, l'ann�e derni�re, une condamnation � vingt ans de r�clusion criminelle.
� l��poque, Payet est encore en fuite. Il n'oublie pas pour autant Alboreo. C'est lui qui aurait organis� la belle de son ami de la prison de Luynes, le 14 avril dernier, accroch� aux patins d'un h�licopt�re pour d�couper les filins de protection � la meule �lectrique. Mais les fugitifs ont finalement �t� rattrap�s en compagnie de Franck Perletto. Payet n'avait pas rep�r�, dans le r�troviseur de sa Subaru, les policiers lyonnais et marseillais qui le pistaient de Suisse, apr�s le braquage manqu� d'une cargaison d'or. Il les a involontairement conduits � l'endroit o� les �vad�s s'�taient mis au vert. Ils dormaient, � Richerenches (Vaucluse), dans un petit chalet lou� � un g�te rural. Ils se pr�sentaient comme des �sportifs pr�parant un biathlon�...
Ahmed Otmane, l'�ternel �vad�
De lui il reste cette photo fan�e, vieille de dix ans. Ahmed Otmane affiche un �trange sourire. Il a l'air d'un adolescent et pourtant le parcours criminel de cet homme, aujourd'hui �g� de 41 ans, est, selon la police, jalonn� de cadavres et de braquages. Otmane d�teste l'uniforme. Entre 1985 et 1987, il est soup�onn� d'avoir supprim� deux vigiles, un gendarme, tir� contre des policiers qui voulaient verbaliser sa voiture gar�e face au poste de police de Bandol (Var). La piste de ce truand sans fronti�res commence � Gardanne, d'o� il est originaire. Elle passe par Amsterdam, Lisbonne et Madrid. Sa trace se perd un jour de d�cembre 1993, lors d'un �ni�me transfert entre deux prisons. Personne ne peut contester � Otmane sa couronne de roi de l'�vasion. Pour recouvrer � sept reprises la libert�, il aura tout utilis�, la ruse ou la violence, selon les occasions.
La premi�re �vasion ressemble � une mise en jambes: en 1984, il ne r�int�gre pas sa cellule � Loos, dans le Nord. Repris apr�s neuf braquages, en 1985, il fausse compagnie � son escorte alors qu'il va �tre pr�sent� au juge d'instruction, au palais de justice de Marseille. Otmane est de nouveau arr�t�. En d�cembre 1987, il tente de s'�vader des Baumettes � l'ancienne, en sciant les barreaux de sa cellule et en nouant les draps. Les matons le ceinturent finalement dans la cour, quatre �tages plus bas. Mais Ahmed Otmane a de la suite dans les id�es. En juillet 1989, il utilise les m�mes m�thodes et il se retrouve cette fois dehors. Il est arr�t� de nouveau dix jours plus tard, alors qu'il se rend sur une plage de Fr�jus pour prendre une le�on de planche � voile. Otmane n'a pas fini de mettre les voiles. En d�cembre 1989, en compagnie de trois autres d�tenus, il menace les surveillants de la prison de Mende (Loz�re) avec un pistolet en carton et prend la fuite. Otmane est interpell� � Barcelone l'ann�e suivante. Alors qu'il est incarc�r� � Madrid, un espalier de gymnastique lui permet de sauter le mur le s�parant de la rue. On le retrouve � Amsterdam, en 1992, o� il se fait prendre lors d'un braquage. Quelques mois plus tard, un h�licopt�re l'exfiltre de la prison de Horn, aux Pays-Bas. Il est arr�t� en Espagne. Mais, en d�cembre 1993, il s'�vade au cours de son transfert vers Alicante. On ne le reverra plus. Otmane a souvent jou� de sa ressemblance avec son fr�re jumeau. Seule une fleur (une pens�e) tatou�e sur le bras d'Ahmed permet, dit-on, de les distinguer.
Le dernier parrain
Dans la vie, il tenait un r�le de cin�ma. Francis Vanverberghe, dit �le Belge�, incarnait le dernier parrain fran�ais. Il avait ce suppl�ment d'�me (ou de m�diatisation) qui le diff�renciait d'un simple ca�d. Mais le film s'est termin� brutalement. Le 27 septembre 2000, dans un bar proche des Champs-�lys�es, le Belge �tait assassin� au 11.43. Il est mort, � 54 ans, un ticket gagnant de PMU dans la poche. Les raisons de ce meurtre restent encore myst�rieuses, mais la brigade criminelle dispose d'un s�rieux indice: une infime trace d'ADN inconnu sur une douille. Probablement l'empreinte g�n�tique du tueur... Certains renseignements obtenus dans le milieu d�signaient Djilali Zitouni, un voyou sp�cialiste des machines � sous, comme le commanditaire de l'assassinat. Or, en juillet 2001, Zitouni tombait � son tour sous les balles. Le clan Vanverberghe a-t-il cherch� � venger le parrain? Cette hypoth�se s'est renforc�e apr�s la d�couverte d'un arsenal utilis�, notamment, par le neveu de Vanverberghe. L'expertise balistique a prouv� que l'un des pistolets saisis avait �t� utilis� pour supprimer Zitouni...
Les fr�res H., le temps des Gitans
Mon premier se remet tout juste d'une grave d�pression, comme le h�ros de Mafia Blues. Mon deuxi�me peut l�gitimement revendiquer le droit � la pr�somption d'innocence. On fera cr�dit de la prescription � mon troisi�me. Mon tout fait pourtant l'objet d'une attention tr�s soutenue des services sp�cialis�s. Les renseignements recueillis par la Brigade de r�pression du banditisme et la Brigade de recherche et d'intervention d�signent avec insistance Marc, Jean-Claude et Mario H. comme les patrons incontest�s de la principale �quipe s�vissant en r�gion parisienne. L'av�nement des trois fr�res H., surnomm�s �Marc le Forain�, �Loune� et �Eddy Mitchell�, a co�ncid� avec la chute de l'empereur Claude Genova, un ca�d � l'ancienne, qui avait de plus en plus de difficult�s � tenir Paris. Il a d'ailleurs �t� abattu, en ao�t 1994. C'est alors que la police a commenc� � s'int�resser aux trois fr�res. Leurs proches en ont �t� passablement irrit�s: il y a quelques ann�es, ils ont m�me pris en filature des policiers en civil, qui ont �t� oblig�s de se r�fugier en urgence au 36, quai des Orf�vres avant que la situation ne d�g�n�re. Rep�r� � Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), en 1995, Marc s'est enfui en for�ant un barrage. Les policiers se sont ent�t�s. Ils l'ont arr�t� tranquillement � Eurodisney, en mars 1996: Marc avait invit� un de ses jeunes neveux au parc d'attractions... Les H., issus d'une lign�e de gens du voyage s�dentaris�s, ont en effet toujours cultiv� le sens de la famille. Difficile de les imaginer � l'�tranger, loin du Val-de-Marne, o� ils ont fait construire une magnifique r�sidence. Ils consentent seulement � passer l'�t� sur la C�te d'Azur, dans des villas d'un luxe tapageur.
Les trois fr�res ont apparemment le bras long. Ils semblent en tout cas tr�s au fait de l'avanc�e des enqu�tes qui les visent et ne cessent de se plaindre de cet �acharnement�. �J'ai la chance d'�tre le parrain de beaucoup d'enfants et je vous assure que j'ai bien assez � faire avec mes filleuls. Alors, quant � �tre le parrain de la capitale...�, plaidait Jean-Claude H. dans la seule interview accord�e, � ce jour, au Figaro.
Raymond Mihi�re, le �Chinois� philosophe
Raymond Mihi�re n'est pas un po�te, mais il aime la philosophie. Le ca�d, qui trouve le temps long en prison, d�vore en ce moment L'Homme r�volt�, de Camus. Et fait profiter ses cod�tenus de ses lectures.
Lors de son passage �clair � la prison de Seysses, pr�s de Toulouse, en mai et juin dernier, il est plac� � l'isolement. Fort civil, il se pr�sente � son voisin en lui parlant � travers le mur. Les deux hommes sympathisent. C'est ainsi que Mihi�re fait la connaissance du tueur en s�rie Patrice Al�gre. Mihi�re, 52 ans, se propose alors de devenir b�n�volement son conseiller juridique et m�diatique. Le ca�d souffle ainsi � Al�gre une citation de Camus sur l'innocence. L'assassin, �bahi, la recopie d'une traite (il n'a jamais su placer les ponctuations) dans une lettre qu'il adresse au procureur g�n�ral de Toulouse. Mihi�re aurait m�me �tudi� certaines pi�ces du dossier Al�gre pour le conseiller. Il faut reconna�tre que le Chinois conna�t la proc�dure sur le bout des doigts: tout au long de sa carri�re judiciaire, il a d�j� b�n�fici� de quatre relaxes.
Depuis la mort de Francis le Belge, Raymond Mihi�re reste la figure embl�matique du milieu marseillais. Cet Eurasien surnomm� �le Chinois� (il est en r�alit� n� � Marseille, de p�re corse et de m�re indochinoise) joue de ses allures de truculent homme d'affaires. Il fut un temps tr�s actif au Cameroun, mais fut surtout soup�onn� de truffer le secteur de l'�tang de Berre de machines � sous clandestines. De plus en plus isol�, le Chinois s'�tait officiellement reconverti dans les antiquit�s lorsqu'il est tomb� pour trafic de drogue en avril 2001. Ce qui laisse le temps � cet homme r�volt� d'�tudier la philo en prison.
Parole d'expert
Le commissaire divisionnaire Herv� Lafranque dirige l'Office central pour la r�pression du banditisme depuis 1999. C�est lui qui vient de proc�der au coup de flet contre les � saucissonneurs �.
Quel est le profil des figures actuelles du grand banditisme?
On peut les assimiler � des chefs d'entreprise sans �tats d'�me qui ont r�ussi dans un secteur tr�s concurrentiel. Pragmatiques, ils n'ont jamais une activit� unique. Ils s'attachent surtout � amasser le maximum de valeurs en un minimum de temps, s'int�ressant, en fonction des occasions, aux machines � sous, au transport de fret, aux vols � main arm�e ou encore au trafic de drogue.
Comment se constituent les �quipes?
Elles se forment toujours en fonction de la confiance et des affinit�s qui se tissent au fil des op�rations. Mais, aujourd'hui, les truands ont de plus en plus tendance � se regrouper pour un �coup� en fonction des comp�tences ou de la r�putation des uns et des autres.
Ont-ils r�ussi � nouer des liens de type mafieux?
En France, les dossiers que nous avons eu � traiter ne mettent en �vidence des contacts politiques que de mani�re tr�s exceptionnelle. Lorsque ces liens existent, ils s'expliquent souvent par le hasard des rencontres. Beaucoup de voyous fr�quentent le milieu du football ou du show-business. Tr�s admiratifs de la r�ussite sociale, ils aiment s'afficher au c�t� des gens qui brillent.
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