L'Express du 06/11/2003 consacre sa premi�re page � Charles Pieri sous le titre � Charles Pieri : L'�Al Capone� de Sarkozy �. Cette pr�sentation de l�article d��ric Pelletier a suscit� la col�re des proches de Charles Pieri qui ont ripost� par une conf�rence de presse. Voici l�article et nos commentaires.
L'enqu�te financi�re visant Charles Pieri va-t-elle faire tomber celui que le ministre de l'Int�rieur soup�onne d'�tre le parrain de l'�le? Itin�raire d'un chef nationaliste devenu un entrepreneur omnipr�sent
� Bastia, on le surnomme �le Vieux�. La cinquantaine est arriv�e par surprise. Barbe et cheveux ont l�g�rement blanchi, mais Charles Pieri n'a sans doute jamais �t� si craint. Il est aujourd'hui l'�il du cyclone qui secoue la Corse. Pendant que des perquisitions en s�rie visent les biens de ses proches, que des policiers investissent appartements et h�tels, alors qu'on �pluche son compte en banque � la recherche de versements occultes, qu'on �coute ses lignes t�l�phoniques, que les clandestins ripostent par des attentats, cet ancien chef du FLNC, aujourd'hui tr�s pr�sent dans l'�conomie locale, ne dit mot. Charles Pieri n'a en rien chang� ses habitudes. Un jour, il d�plie sa longue silhouette hors de sa puissante voiture de sport, une Subaru, pour prendre un petit noir, � la terrasse ombrag�e du caf� du Centre, � Bastia. Un autre, il rejoint des amis, � Ersa, dans le cap Corse. Charles Pieri, qui a surv�cu � bien des vendettas, sait que Nicolas Sarkozy fait de son cas une affaire personnelle. Le ministre de l'Int�rieur, mis en �chec sur la Corse, veut maintenant un r�sultat spectaculaire qui effacerait ses revers. Apr�s avoir pr�n� le dialogue, il entend �s'attaquer prioritairement � l'argent du crime�. Sarkozy s'est promis de faire tomber Pieri �comme Al Capone�, en le visant au portefeuille.
Redevenu �simple militant� d'Indipendenza, il d�file lors d'une manifestation nationaliste, � Ajaccio, le 26 avril dernier.
Depuis, une quinzaine de perquisitions, souvent tr�s m�diatis�es, ont eu lieu � Bastia, dans le cap Corse ou encore en Balagne. Les premi�res analyses comptables auraient r�v�l� des jeux d'�critures troublants Il est encore trop t�t cependant pour dire si tous les soup�ons sont fond�s. Mais une chose est certaine: le bras de fer avec l'Etat est engag�. D'ailleurs, aux investigations de la justice ont d�j� r�pondu plusieurs attentats, dont deux soigneusement cibl�s. La nuit qui a suivi plusieurs descentes de police, des charges ont �t� d�pos�es contre la porte de l'appartement du patron de la division financi�re d'Ajaccio et contre la voiture d'une capitaine de police, dans un village des environs. Ils avaient tous deux particip� � l'�enqu�te Pieri�.
Cette riposte explosive a �t� imm�diatement revendiqu�e par le plus puissant mouvement clandestin, le FLNC-Union des combattants. Le monde nationaliste, pourtant min� par les divisions, fait bloc. On ne touche pas impun�ment une ic�ne de la �lutte de lib�ration nationale�, m�me si la statue du commandeur est d�j� �br�ch�e. Qui est vraiment ce �terrible monsieur Pieri�, d�cr�t� ennemi public corse n� 1 par Sarkozy? En fait, l'homme a eu deux vies, �trangement sym�triques. La premi�re, clandestine, renvoie l'image d'un nationaliste soucieux de ses affaires. La seconde, publique, �voque l'itin�raire d'un homme d'affaires tr�s impliqu� dans le nationalisme.
Nettoyage, h�tellerie, voitures...
Pour la premi�re fois, une enqu�te financi�re d'envergure vise implicitement le patrimoine d'un ancien chef du FLNC. Ouverte contre X, elle est en r�alit� centr�e sur les nombreux investissements r�alis�s depuis un an et demi en Haute-Corse par Charles Pieri ou par ses proches. Depuis le mois de septembre, le juge Philippe Courroye, �paul� par la brigade financi�re parisienne, est ainsi charg� de faire la lumi�re sur des soup�ons d'�abus de biens sociaux� et d'�escroqueries � la TVA�, d�nonc�s par le fisc avant l'�t�. L'ensemble est qualifi� d'�association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste�.
Les 22 et 23 octobre, le magistrat et les policiers ont donc men� des perquisitions � l'h�tel du Golfe, un trois-�toiles de Saint-Florent, ainsi qu'� l'h�tel des Sablettes, situ� pr�s de Bastia, dans le cap Corse. Ils s'int�ressent aux comptes de la soci�t� Corsica H�tels and resorts, g�r�e par Elodie Pieri, la fille du leader nationaliste, et � ceux d'une entreprise de nettoyage, la CNE, g�r�e, elle, par son �pouse. Les enqu�teurs se sont aussi rendus � Bastia, au si�ge de la soci�t� de s�curit� Corsica gardiennage services (CGS) et dans les locaux d'U Ribombu, o� ils ont saisi, notamment, des factures de publicit�. Ils cherchent � d�terminer si des lignes t�l�phoniques de l'hebdomadaire nationaliste ont �t� mises � disposition de proches de Charles Pieri pour faciliter leurs activit�s commerciales. Contact� par L'Express, Iviu Bourdiec, r�dacteur en chef d'U Ribombu, le d�ment formellement. La justice se penche par ailleurs sur le financement de la c�r�monie organis�e � l'occasion du mariage du leader nationaliste, en ao�t 2002, dans un restaurant de Moriani et sur les conditions de location de voitures � l'a�roport de Bastia-Poretta. La brigade financi�re dispose d�sormais d'une masse impressionnante de documents. � la justice de faire le tri.
Au d�but des ann�es 1980, Charles Pieri porte encore une barbe noire et fournie, une chevelure hirsute et boucl�e. Ce trentenaire ombrageux, ex-militant de la CFDT, sait d�j� qu'il ne se contentera pas d'une carri�re de fonctionnaire municipal � l'office HLM de Bastia. � l��poque, le FLNC, encore influenc� par l'extr�me gauche, p�se au gramme de plastic pr�s sur les conflits sociaux. Le syndicaliste Pieri s'offre une cagoule et part �au front�, avec des id�es de r�volution: clandestin la nuit et politique le jour (il sera candidat nationaliste aux �lections municipales � Bastia en 1983 et 1995).
Cette �premi�re vie� lui vaut de prendre des coups qui le marqueront dans sa chair, � commencer par une garde � vue muscl�e. Il est alors soup�onn� d'avoir particip� � l'assassinat d'un l�gionnaire, tu� � Sorbo-Ocagnano, le 11 f�vrier 1982. Incarc�r�, �vad�, repris, puis de nouveau �crou�, il est finalement acquitt� par la cour d'assises de Bordeaux, six ans apr�s les faits. Entre-temps, Pieri s'est forg� une l�gende: il figure sur l'affiche des six militants les plus recherch�s par la police. Le ministre de l'Int�rieur de l'�poque, Charles Pasqua, veut le faire tomber. D�j�.
Pourtant, les menaces les plus s�rieuses ne sont pas venues de la justice, mais du camp nationaliste. Fran�ois Santoni, son ancien alli�, assassin� en ao�t 2001 pour des raisons rest�es myst�rieuses, lui vouait, ces derni�res ann�es, une haine f�roce. Une rivalit� amoureuse les avait s�par�s: les deux hommes ont, un temps, aim� la m�me femme, une �passionaria� du mouvement. Plus encore que sa r�putation de s�ducteur, l'attirance suppos�e de Charles Pieri pour l'argent a suscit� de s�rieuses r�serves chez les nationalistes.
Certains, comme Pantal�on Alessandri, l'un des fondateurs du FLNC, se demandent m�me s'il n'a pas embrass� la �r�volution� comme d'autres une carri�re dans la finance. Alessandri d�crit un �personnage assez falot, fascin� par les armes dont il faisait le trafic� (1). Au milieu des ann�es 1990, certains proches de Pieri auraient vendu des pistolets automatiques � de jeunes militants, empochant une commission au passage. Le Glock, pistolet autrichien, l�ger et efficace, �tait alors � la mode dans le maquis. �Il y avait deux tarifs, se souvient un nationaliste. Les amis touchaient leur arme pour 10 000 francs (environ 1 500 ?), le deuxi�me cercle pour 15 000 francs (environ 2 285 ?)�. Les intimes re�urent, eux, un Glock gratuitement, comme une L�gion d'honneur � porter � la ceinture.
Mieux vaut sortir arm� � cette �poque. En 1995, le FLNC a d�finitivement implos�: Canal historique et Canal �habituel� se disputent le tr�sor de guerre du mouvement. Pieri s'engage r�solument au sein du Canal historique, dont le consigliu (conseil) fonctionne comme une sorte de �comit� de salut public�, votant excommunications sanglantes ou �pargnant des vies. Pieri n'est pas un belliciste. Il tente d'�viter l'affrontement. Il sait que les lignes de fracture, qui ont depuis longtemps l�zard� les amiti�s, minent d�sormais les familles et les endeuillent. Il faudra attendre que ses alli�s d'Ajaccio et de Propriano menacent de �faire le m�nage� dans son fief bastiais pour que Pieri s'impose comme le vrai patron du FLNC-Canal historique en Haute-Corse. Cette implication lui vaut d'ailleurs d'�tre la cible d'un spectaculaire attentat pr�par� par le Canal habituel. Pas un petit traquenard � la bastiaise, dans une ruelle obscure. Non. Un attentat � l'irlandaise, � la voiture pi�g�e, le plus dur que la Corse ait jamais connu. Le 1er juillet 1996, en milieu d'apr�s-midi, un panache de fum�e envahit le vieux port de Bastia, noircit les fa�ades et voile l'horizon. Charles Pieri perd un ami, tu� dans l'explosion. Il ne recouvrera jamais l'usage de son �il droit et reste handicap� par une surdit� partielle. Tr�s pr�occup� de son allure, Charles Pieri refuse pourtant de porter un appareil auditif. Et, pour masquer une paupi�re tombante, il habille son regard de lunettes, aux fines montures d'acier et aux verres fum�s.
R�actions nationalistes
Union sacr�e ou dr�le de guerre? Le mouvement nationaliste, de la frange la plus mod�r�e � la plus extr�miste, affiche une unit� de fa�ade lorsqu'il s'agit de fustiger �l'action r�pressive que conna�t la Corse depuis quelques mois [...] sur fond de corsophobie et de d�cha�nement m�diatique�. De conf�rences de presse en manifestations, les nationalistes d�noncent l'enqu�te visant Charles Pieri. Ils assimilent ces investigations � une tentative de �d�stabilisation� et de �criminalisation� de l'ensemble du mouvement. Un coup tordu, selon eux, instrumentalis� par le minist�re de l'Int�rieur, qui aurait pour but d'�viter la constitution d'une liste nationaliste unique aux �lections territoriales dans cinq mois. Pourtant, ce front commun n'est pas aussi solide qu'il y para�t. Charles Pieri incarne, en effet, la ligne dure, hostile � l'abandon de la lutte arm�e. Et ses ennuis judiciaires, s'ils d�bouchaient sur une mise en examen, constitueraient une difficult� suppl�mentaire pour des mouvements � la recherche d'une introuvable cr�dibilit�.
Deux ans apr�s l'attentat du vieux port, en ao�t 1998, les plaies du pass� s'ouvrent de nouveau. Un jeune militant du clan oppos� est assassin� lors d'un bal, � Lucciana, fief des �historiques�: il est tu� d'une dizaine de balles dans le dos et dans le bas-ventre. Invit� � la f�te, Charles Pieri a assist� � l'altercation qui a pr�c�d� le drame. Il est venu. Il a vu. Il s'est tu. Quand son fils, Christophe Pieri, et son fils adoptif, St�phane Sbraggia, sont renvoy�s devant les assises de Haute-Corse, � Bastia, pour ce meurtre, en d�cembre 2002, le Vieux p�se sur les d�bats par son silence, figure de patriarche assis au milieu d'un public acquis � la cause des accus�s. Christophe Pieri et St�phane Sbraggia sont acquitt�s, devant le manque d'�l�ments mat�riels et de t�moignages directs les mettant en cause. Le parquet a fait appel, si bien qu'ils devraient �tre rejug�s � Lyon au premier semestre 2004.
Une efficace garde rapproch�e
L' �affaire de Lucciana� marque en fait la fin de la premi�re existence de Charles Pieri, celle du chef de guerre clandestin. Le 30 septembre 1998, les policiers du SRPJ et du Raid, qui enqu�tent sur le meurtre, l'arr�tent. Ils investissent la r�sidence de Furiani o� Charles Pieri passe la nuit avec son fils, Christophe, et St�phane Sbraggia. Et tombent sur un v�ritable arsenal: 15 Glock jet�s dans un sac � dos, des explosifs et des plans de rep�rage pour de futurs attentats sur le continent... Les fils veulent en d�coudre. Mais, par peur ou par sagesse, le Vieux �vite l'affrontement et se rend. Calcul payant: Charles Pieri ne sera condamn� en appel qu'� quatre ans de prison ferme, lui qui en risquait dix...
La parenth�se carc�rale se referme en mai 2002 et �Charles�, cheveux poivre et sel, retrouve la Corse. Sa seconde vie, celle d'homme d'affaires nationaliste, peut commencer. Elle d�bute dans l'all�gresse par un mariage, avec Antonia, une jeune femme de vingt-trois ans sa cadette. Les Pieri invitent du beau monde, � commencer par ceux qui ont cherch� � s'�manciper pendant son s�jour en prison. Cette c�r�monie du grand pardon se d�roule dans un restaurant, sur la plage, � Moriani (sud de Bastia). Une affaire d'importance: on envisage m�me un instant de reporter, pour l'occasion, les Journ�es internationales de Corte, le grand rendez-vous annuel des nationalistes corses. Le Vieux y fait une apparition remarqu�e avec son cort�ge de 607 et ses gardes du corps. Il conserve en effet une efficace garde rapproch�e. Jacques Mosconi et Philippe Paoli, qui ont partag� le pain noir pendant la �guerre� entre nationalistes, forment le premier cercle. Ils ont retrouv� leurs r�flexes anciens, �vitant de dormir deux nuits au m�me endroit. Sur l'�le, ils ont un surnom: la �Delta Force�, en r�f�rence aux commandos d'�lite am�ricains.
Quant � la famille, elle est omnipr�sente dans la deuxi�me vie de Charles. S'il dispose de peu de biens en nom propre, sa fille, sa nouvelle femme et certains militants tr�s proches de lui investissent dans l'h�tellerie, le BTP, le nettoyage, la s�curit�, le jardinage, etc. Pieri s'int�resse, dit-on, � un magasin de sport et � une bo�te de nuit. Ses amis d�noncent la �diabolisation� dont serait victime l'entrepreneur nationaliste. � 53 ans, disent-ils, il est l�gitime de vouloir l�guer un h�ritage � sa femme, ainsi qu'� ses trois enfants.
Qui m�ne l'enqu�te?
L'enqu�te visant Charles Pieri a connu des d�buts plut�t chaotiques. Au-del� des traditionnelles divergences d'appr�ciation, elle a une nouvelle fois r�v�l� des tiraillements au sein de la justice et de la police. Les premiers soup�ons d'abus de biens sociaux et d'escroquerie � la TVA sont venus des services du fisc de Haute-Corse au printemps dernier. Dans un premier temps, les investigations, strictement �conomiques, ont donc �t� men�es � Bastia. Mais le procureur de Paris, Yves Bot, qui veut s'attaquer au financement du terrorisme, a obtenu le rapatriement du dossier dans la capitale. Les juges antiterroristes n'ont pas �t� co-saisis des investigations pour autant. L'int�gralit� de l'enqu�te a �t� confi�e au juge Philippe Courroye, sp�cialiste des affaires financi�res. Le magistrat a choisi de saisir les policiers de la brigade financi�re de Paris, avec lesquels il travaille en confiance depuis longtemps, plut�t que ceux de la direction centrale de la police judiciaire.
Charles Pieri peut compter sur un carnet d'adresses �toff� qui d�borde bien au-del� des cercles nationalistes. Est-il, comme on le pr�tend en Corse, une �relation� de Charles Capia, pr�sident du principal groupe de grande distribution sur l'�le et ancien responsable r�gional du Medef? Contact� par L'Express, l'entrepreneur s'attache � lever toute ambigu�t�: �Charles Pieri ne fait pas partie de mes relations, puisque vous employez ce terme. Je le connais, bien s�r, comme des centaines d'autres Corses. Il m'est arriv� de le rencontrer de temps en temps dans les couloirs du Sporting Club de Bastia. Mais nous n'avons strictement aucune affaire en commun. Et, si le groupe de grande distribution que je dirige passe des publicit�s dans U Ribombu, comme dans bien d'autres publications, c'est que nous nous devons de nous adresser � tous les publics. J'ai toujours fait attention � ce que les tarifs restent des tarifs strictement commerciaux.�
La suractivit� de Pieri ne passe pas inaper�ue. Fait-il seulement des affaires ou s'est-il lanc� dans l'affairisme? Ses adversaires au sein du mouvement nationaliste glosent sur les liens qu'il entretient avec le milieu bastiais. Pieri n'a jamais cherch� � masquer ces amiti�s sulfureuses. Comme souvent en Corse, elles s'expliquent par la g�ographie: les lignes de fracture entre clans �pousent �troitement les lignes de cr�te qui d�limitent les r�gions. Le �village� de Pieri se limite au b�ton des HLM du quartier populaire de Lupino, au sud de Bastia. Il a d'ailleurs toujours �t� consid�r� comme un �homme du Nord�. C'est dans ce secteur, le plus industrieux de la Corse, qu'il a grandi, avec certains barons du banditisme, comme Paul Grimaldi, lieutenant du ca�d varois Fargette, supprim� � la chevrotine, en Corse, un soir de juin 2000. Quant � l'amiti� avec Francis Mariani, pr�sent� par la police comme l'h�ritier du gang de la Brise de mer, elle r�siste � vingt ans de tourmente. Elle a d�but� tr�s exactement le 22 janvier 1984, lorsque les deux hommes se sont balanc�s au bout de la m�me corde pour s'�vader ensemble de la prison Sainte-Claire, � Bastia. Ce jour-l�, Francis Mariani a offert trois ans de libert� � Pieri, qui ne l'a jamais oubli�. Les assassinats r�cents de nationalistes oppos�s � Pieri par le milieu ont renforc� les soup�ons de collusion. Mais aucune enqu�te judiciaire ne les a encore �tay�s.
En tout cas, depuis sa sortie de prison, Pieri ignore ces rumeurs tenaces. Il prend le temps de vivre et s'adonne � ses deux passions: l'�levage de chiens de chasse et le football. Pieri se montre omnipr�sent au Sporting Club de Bastia, actuel dixi�me du championnat de Ligue 1. S'il n'occupe pas de fonctions officielles, il participe r�guli�rement aux d�placements. Plus encore: il a �t� aper�u accompagnant les joueurs lors de certaines n�gociations en vue de transferts (2). Et il faciliterait m�me leur recherche de logement.
Quand il ne veille pas aux affaires des siens, qu'il n'inscrit pas ses chiens � des concours, qu'il n'assiste pas aux matchs de Bastia, Charles Pieri garde l'�il qui lui reste sur le mouvement. �Il a une connaissance parfaite de la Corse et des lignes de fracture au sein du FLNC. � la seule lecture du r�cit d'un attentat dans le journal, il est capable de dire qui a frapp�, r�sume un nationaliste qui le c�toie depuis des ann�es. Cette connaissance intime lui a d'ailleurs permis de se d�marquer de l'assassinat du pr�fet Erignac, en d�non�ant - d�s le lendemain du meurtre - une �d�rive brigadiste� venue de ses propres rangs.
Du treillis au costume
Charles Pieri est aujourd'hui redevenu �simple militant� d'Indipendenza. Lors de son s�jour en prison, il avait remis les clefs de la �boutique� � l'un de ses proches, Jean-Guy Talamoni, jeune avocat, au physique passe-partout, mais au verbe cisel�. Un Bastiais comme lui. Ce fin n�gociateur, chef de file de la coalition �lectorale Corsica Nazione, est devenu l'un des interlocuteurs les plus �cout�s � Matignon, lors du processus de dialogue politique initi� par Lionel Jospin. Mais, d�s sa sortie de prison, Pieri s'est attach� � mettre la parole de l'avocat en libert� conditionnelle, l'accompagnant ou le faisant accompagner pendant les interviews. Charles Pieri, si taiseux, si prudent dans ses paroles, si emprunt� lorsqu'il s'exprime en public, retrouve les d�lices du verbe et de l'�criture. Une passion qu'il avait d�laiss�e depuis la fin de ses �tudes secondaires de lettres et de philo. Il se fend dans U Ribombu de longs �ditoriaux sign�s �Carlu Pieri�, tour � tour apaisants et mena�ants. Il se targue de r�ussir l� o� la plupart des leaders nationalistes corses ont �chou�: dominer le mouvement des �paules, mais aussi de la t�te. Charles Pieri vient � peine de quitter le treillis militaire qui lui collait � la peau. R�ussira-t-il � se d�barrasser du costume de parrain, taill� sur mesure par le ministre de l'Int�rieur?
Sollicit�, Charles Pieri n'a pas donn� suite aux demandes d'entretien de L'Express.
(1) Ind�pendantiste corse. M�moires d'un franc-tireur, par Pantal�on Alessandri (Calmann-L�vy).
(2) Contact�s par L'Express, les responsables du club n'ont pas souhait� commenter ces informations.
Commentaires
Curieux proc�d� que celui de l�Express qui annonce sur toute la surface de la une l�article sur Pieri alors que le sujet principal du journal est la chute de Jean-Pierre Raffarin. Mieux sur le site internet, l�article relatif au dirigeant nationaliste dispara�t en rubrique France. � croire que la Corse fait mieux vendre qu�un premier ministre en chute libre. Cela �tant dit, l�article ne comporte gu�re de nouveaut�s. Rien de tr�s probant qui d�montre que Pieri est ce chef mafieux d�crit par le ministre de l�int�rieur. Pour information une Subaru, � cette puissante voiture � utilis�e par Pieri vaut dans les 200.000 francs ce qui n�est pas le P�rou. Le fait de poss�der des chiens de chasse est tellement courant en Corse qu�on ne voit pas tr�s bien en quoi cela constituerait un signe de richesse. Etc. Le probl�me actuel de la justice est qu�il n�a rien ou quasiment rien sur Pieri et son entourage. Et la montagne risque fort d�accoucher d�une souris. � moins qu�en cas d��chec de la financi�re, la justice n�essaie de l�accrocher de la mani�re la plus classique qui soit : par le biais de la 14�me section. Mais l� encore, cela va �tre difficile. L�ultime question �tant de savoir si en effet il est moral de jeter en p�ture un homme comme autrefois la justice le fit avec Al Capone. Car jusqu�� nouvel ordre la justice am�ricaine n�est pas la justice fran�aise.
Dimanche, le d�put� d�Aubert qui s�est autod�clar� expert es argent sale, p�rorait sur France 2 pour d�noncer � les mafias corses �. M�langeant un peu tout et bien peu pr�cis quand il s�agissait d��voquer des faits pr�cis, il a cit� p�le-m�le � le grand parrain des mafias corses Jean-J� Colonna �, les mafieux terroristes. On avait presque l�impression qu�il n�existait que des Corses dans le milieu international.
Et voil� que de petites d�clarations et en petits articles nous sommes en train d�atteindre un taux de saturation qui ne pr�sage rien de bon. Monsieur d�Aubert est un �ne. Chacune de ses phrases �tait bourr�e de contre-v�rit�s facilement d�montrables. Mais aujourd�hui il fait bon se donner des frissons jusque dans le bas du dos en �voquant la terrible mafia corse qui n�existe que dans les fantasmes de ces journalistes et hommes politiques d�connect�s de la r�alit�.
L�investigateur a suffisamment d�nonc� les ph�nom�nes de voyoucratie en Corse pour aujourd�hui dire : � Ca suffit �. Vous �tes � nouveau en train de cr�er un syndrome de globalit� autour des Corses. C�est le pire service que vous pouvez rendre � ceux qui sur le terrain se battent pour une Corse dynamique et le moins possible � la violence. Alors rendez-nous un service : taisez-vous quand vous n�avez rien � dire. C�est-�-dire souvent.
TOUT LE DOSSIER CORSE
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