Corse : Pieri cibl� par la justice
Oct 9, 2003

Le Monde et Lib�ration r�p�tent � l�envi une phrase suppos�e appartenir � Nicolas Sarkozy � �Pieri, nous allons le faire tomber, comme Capone, par ses affaires financi�res.� Il est possible que le ministre de l�int�rieur ait prononc�e ces mots. Mais aujourd�hui il doit regretter qu�ils soient serin�s dans la presse. Car qu�on le veuille ou non, Charles Pieri est devenu l�une des clefs essentielles de la situation actuelle. Nul ne peut douter que son arrestation devra �tre justifi�e par des preuves accablantes faute de quoi la violence reprendra de plus belle.

Or aujourd�hui, l�enqu�te de police diligent�e par la justice n�est pas au point, c�est le moins que l�on puisse dire. Or Pieri n'est pas nomm�ment d�sign� par la justice. Il serait de la derni�re des maladresses de tenter d�atteindre le vieux chef � travers sa fille. En Corse cela ne passerait pas et cela contribuerait � donner au responsable nationaliste une aura de martyr.

Or l�information est parue trop t�t dans les m�dias. C�est pourquoi le ministre de l�int�rieur s�est content� d�une d�claration de principe. Il a r�affirm� mercredi que l'�tat de droit s'appliquait aussi � la Corse, apr�s l'ouverture d'une information judiciaire contre X pour "abus de biens sociaux" et "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" visant indirectement les activit�s du nationaliste corse Charles Pieri.

Tout en refusant de commenter "une proc�dure en cours", le ministre fran�ais de l'Int�rieur a rappel� sur RTL qu'il avait pr�venu "d�s le d�but qu'il y avait en Corse des situations qui n'�taient pas acceptables". "Chacun les conna�t sur l'�le et sur le continent et ce sera l'occasion pour tous de s'expliquer devant la justice", a-t-il ajout�.

"L'�tat de droit, c'est aussi pour la Corse. L'�tat doit avoir une action d�termin�e en Corse, calme et sereine. Il ne s'agit pas de faire des cas particuliers", a expliqu� Nicolas Sarkozy. Le ministre a confirm� qu'il se rendrait en Corse "deux fois durant le mois d'octobre", dont la semaine prochaine.

Mais une information contre X pour �abus de biens sociaux� et �association de Selon Lib�ration l'h�tel du Golfe n'est pas le seul �tablissement commercial qui int�resse les enqu�teurs qui pistent Pieri depuis sa sortie de prison, en 2002. Les Sablettes, �tablissement moins moderne que le Golfe, mais plus prestigieux, semble pos� sur les rochers battus par les vagues � quelques kilom�tres de Bastia.

Les policiers s'int�ressent par ailleurs aux boutiques de l�a�roport de Bastia-Poretta o� travaille notamment St�phane Sbraggia, l�un des deux fils de Charles Pieri en instance d��tre rejug� � Lyon pour l�assassinat de Christophe Garelli. Son demi-fr�re Christophe, lui aussi mis en examen pour l�assassinat de Christophe Garelli, s�occupe de la CGS, la soci�t� Corse Gardiennage Service qui a opportun�ment pris la rel�ve des activit�s de gardiennage de Bastia Securit�, le convoyage de fonds �tant parti � � Esse � dont le si�ge se trouve curieusement � La Porta Ampugnani, village dont sont issus beaucoup de barons de la Brise de Mer. D�aucuns y ont vu un message fort lanc� � la petite voyoucratie bastiaise.

La CGS est �galement charg�e de la s�curit� du stade de Furiani o� joue le SCB, le football Club bastiais o� Charles Pieri a ses entr�es permanentes. Et Furiani est la ville dont l�ami de Charles, l�entrepreneur Vandasi, est le maire.

La presse a rappel� que deux salari�s de cette soci�t� ont �t� interpell�s, le 8 juillet dernier, � la sortie du port de plaisance de Toga. Une pizzeria venait d'y exploser. Les deux hommes ont reconnu avoir plac� la bombe. Voil� qui rappelle le bon vieux temps de Basti� Securit�.

Selon Le Monde et Lib�ration pour une fois d�accord, Pieri serait donc dans le collimateur de Nicolas Sarkozy. La raison en serait, selon Ariane Chemin du Monde, la recomposition politique du mouvement nationaliste. Voici l�article qu�elle consacre � ce sujet :

� Le ministre de l'int�rieur r�ve de voir Charles Pieri "tomber comme Al Capone" Voil� bien trois mois que Nicolas Sarkozy le r�p�te � ses visiteurs : "Lui, il faut le faire tomber comme Al Capone." Lui, c'est Charles Pieri, chef de l'ombre de la principale organisation nationaliste, Indipendenza, vitrine l�gale du FLNC-Union des combattants.

Charles Pieri, ami de Francis Mariani, patron du gang dit "de la Brise de mer", du nom du caf� du port de Bastia o� ils se r�unissaient dans les ann�es 1980. Charles Pieri qui, depuis qu'il est sorti de prison - exactement quand le ministre entrait Place Beauvau -, fait de la politique, mais aussi des affaires.


Le chef nationaliste commence � g�ner Nicolas Sarkozy. Le ministre de l'int�rieur reste partisan, pour la Corse, d'une "autonomie � la sarde". Sans le dire, il sait qu'un jour, apr�s les �lections territoriales de mars 2004 - ou plus tard quand il sera... premier ministre -, il faudra travailler ou n�gocier avec les nationalistes. Charles Pieri emp�che, selon lui, l'�closion de nouveaux dirigeants de l'organisation. Et celle d'un nationalisme dit "d�mocratique" qui tente sans succ�s de voir le jour depuis trente ans, mais dont le ministre croit l'heure enfin arriv�e.

"DES PRATIQUES MAFIEUSES"

Charles Pieri avait appuy� le "oui" au r�f�rendum du 6 juillet sur la suppression des d�partements. Apr�s la victoire du "non", qu'il a v�cue comme un �chec personnel, Nicolas Sarkozy s'est fait mena�ant. "Le temps de l'impunit� est termin�", lance-t-il. Puis, le 1er ao�t : "des pratiques mafieuses s'abritent parfois derri�re la cause nationaliste". Chacun, en Corse, devine qu'il s'adresse, sans le nommer, � Charles Pieri. Tout comme le pr�sident du conseil g�n�ral de Haute-Corse, Paul Giacobbi (PRG), lorsqu'il �voque dans sa r�cente "Lettre ouverte � ceux qui d�truisent la Corse", le "train de vie de vos chefs, leurs investissements", ainsi que "les app�tits de pouvoir et d'argent de ceux qui vous paient" (Le Monde du 24 septembre).

Le ministre de l'int�rieur n'a pas en revanche de mots assez louangeurs pour parler du jeune Jean-Christophe Angelini, le leader du Parti de la nation corse (PNC). Mais se montre extr�mement m�fiant � l'�gard d'Edmond Simeoni, et de ses amis de la Chjama Naziunale (L'Appel national), parmi lesquels de nombreux v�t�rans du FLNC. L'ancien chef historique d'Al�ria milite aussi pour une liste commune de tous les nationalistes, en mars 2004, afin de devenir le pivot indispensable � toute majorit� � l'Assembl�e de Corse.

Nicolas Sarkozy suit jour apr�s jour les progr�s de cette union �lectorale, n'exclut pas que le mode de scrutin territorial puisse �tre modifi�, � leur gr�, � l'automne, par des d�put�s UMP � l'Assembl�e nationale, bref, essaie d'influer sur la recomposition du nationalisme corse. Y compris clandestin. La situation est toujours plus simple, pour un ministre de l'int�rieur, quand un seul FLNC tient les cagoules et le maquis. En d�cembre 2002, les quelques dissidents du FLNC dit "des anonymes", qui s�vissait dans la r�gion bastiaise, ont �t� arr�t�s. M. Sarkozy fait aussi savoir haut et fort que la police tient, avec le m�decin ajaccien Jean-Claude Carrolaggi, arr�t� le 22 septembre, le "cerveau" de ce nouveau "FLNC", qui, d�s sa naissance, le 22 octobre 2002, s'�tait clairement oppos� � lui. Pour Charles Pieri, il se contente de "suivre le travail de la justice"... �

Une autre hypoth�se est possible : celle d�un double jeu men� par le ministre de l�int�rieur. En tous les cas, les militants d�Indipendenza, de Corsica nazione et de l�Union des Combattants r�pandent d�sormais l�id�e que Jean-Christophe Angelini a �t� l�un de leurs militants et qu�il �tait pr�sent � la conf�rence de presse clandestine de Tralonca. Ils insistent par ailleurs sur les amiti�s troubles qu�il entretiendrait avec des hommes suppos�s �tre tr�s proches de la Brise-de-Mer.

Le monde nationaliste est un monde impitoyable o� l�on ne se fait pas de cadeaux et Charles Pieri, fort de ses amiti�s, n�a pas l�intention d�abandonner le seul bouclier qui lui garantisse la survie : son r�le politique.

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