Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour "abus de biens sociaux" et "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" visant indirectement les activit�s du nationaliste corse Charles Pieri.
Cette information judiciaire, �galement ouverte du chef d'"escroquerie � la TVA", remonte au d�but du mois de septembre. Elle fait suite � une enqu�te pr�liminaire du parquet de Bastia sur les activit�s financi�res de Charles Pieri.
Ce dossier a �t� confi� au juge d'instruction parisien Philippe Courroye sp�cialis� dans les affaires financi�res.
Cette ouverture d'information judiciaire s'est faite en accord avec la Chancellerie, d'autant qu'il a fallu trancher entre les juridictions de Paris et de Bastia.
La qualification terroriste d'une partie des faits incrimin�s a justifi� la saisine de Paris. "C'est un dossier technique dans lequel de nombreuses investigations restent � faire", a d�clar� mardi un magistrat sous couvert de l'anonymat.
Les enqu�teurs vont devoir d�montrer l'existence de ces infractions financi�res et prouver qu'elles sont en relation avec des personnes ayant des vis�es terroristes, a-t-il soulign�.
La saisine d'une juge financier suscite la grogne des juges antiterroristes. D'autant que ce dossier a �t� adress� au juge Jean-Louis Brugui�re avant que son coll�gue Philippe Courroye ne soit d�sign� par le pr�sident du tribunal de grande instance de Paris, Jean-Claude Magendie.
Charles Pieri, ancien secr�taire national de l'organisation s�paratiste corse A Cuncolta, a �t� remis en libert� le 30 mai 2002 apr�s avoir purg� pr�s de quatre ans de prison pour d�tention d'armes et d'explosifs en relation avec une entreprise terroriste � la suite de son arrestation en septembre 1998 pr�s de Bastia. Condamn� � trois ans de prison en premi�re instance, sa peine alourdie avait �t� alourdie de deux ann�es en appel.
Or la fuite de cette information date d�il y a quelques jours. Au point que l��mission t�l�vis�e � compl�ment d�enqu�tes � consacr�e lundi soir � la Corse �voquait d�j� cette information.
C�est Le Monde paru le mardi apr�s midi � Paris qui a longuement trait� le sujet dans un article relativement long reproduit ci-dessous
� Le nationaliste Charles Pieri vis� par une enqu�te financi�re � Paris
Le chef ind�pendantiste corse est cit� dans une enqu�te instruite � Paris par le juge Philippe Courroye pour "abus de biens sociaux" et "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" pour le rachat en sous-main d'un h�tel. Une affaire sensible � cinq mois des �lections.
Le leader nationaliste Charles Pieri, 53 ans, membre d'Indipendenza et ancien secr�taire national d'A Cuncolta, est implicitement vis� par une information judiciaire ouverte contre X..., courant septembre, par le parquet de Paris, pour " abus de biens sociaux" et " association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". L'enqu�te a �t� confi�e au juge d'instruction du p�le financier parisien Philippe Courroye, et la brigade financi�re est charg�e des investigations.
Condamn� � trois ans d'emprisonnement en juin 2000, apr�s que les policiers eurent trouv� � son domicile quinze pistolets Glock et cinquante b�tons de dynamite, Charles Pieri avait d�clar�, dans un entretien � Corse-Matin, apr�s sa sortie de prison, en mai 2002, qu'il ne voulait �tre qu'un " simple militant ind�pendantiste". Un " simple militant" qui s'affichait encore, le 24 septembre, � Corte (Haute-Corse), � la t�te de la d�l�gation d'Indipendenza, lors d'une r�union pr�paratoire aux �lections territoriales de mars 2004. Un activisme politique qui va de pair avec le souci, manifeste, de d�velopper son activit� industrielle. Toute la Corse bruissait d�j� de ses investissements h�teliers, en le soup�onnant de vouloir profiter du plan exceptionnel d'investissements (PEI), qui pr�voit d'injecter pr�s de 2 milliards d'euros dans l'�conomie insulaire pendant cinq ans.
Une influence d�terminante
C'est pourtant tout � fait incidemment que la justice s'est pench�e, d�but juin, sur l'un des projets industriels de M. Pieri. L'attention du p�le financier de Bastia a �t� attir�e par la situation d�licate de l'h�tel du Golfe, � Saint-Florent, un port touristique de Haute-Corse. La soci�t� civile immobili�re H�tel du Golfe a �t� plac�e en redressement judiciaire le 17 mai 1999, du fait du non-paiement des loyers par la soci�t� anonyme H�tel du Golfe. Les services fiscaux ont �galement saisi le tribunal de Bastia, faisant �tat d'une �ventuelle escroquerie � la TVA. Une enqu�te pr�liminaire a �t� ordonn�e par le parquet.
Il appara�t que la SARL Corsica H�tels et Resorts, cr��e en 2001 et g�r�e par Elodie Pieri, 33 ans, la fille de Charles, s'est mise sur les rangs pour acqu�rir l'h�tel. Elodie Pieri, que Le Monde a en vain tent� de joindre, tr�s proche de son p�re, est pr�sente � toutes les manifestations d'Indipendenza. Le nom du futur propri�taire de l'h�tel du Golfe n'est cependant toujours pas connu : le juge-commissaire du tribunal de Bastia a plac� en d�lib�r�, lundi 6 octobre, son jugement, qu'il doit rendre lundi 20 octobre.
Les enqu�teurs se sont aper�us en juillet que le leader nationaliste se comportait, disent-ils, comme un g�rant de fait de l'�tablissement. Sur place, ils ont not� que M. Pieri donnait des instructions au personnel. Dans le m�me temps, un expert judiciaire a fait �tat de possibles " abus de biens sociaux" dans la comptabilit� de l'�tablissement. Voil� peut-�tre, pour la justice, un biais inesp�r� pour tenter de coincer Charles Pieri, dont l'influence discr�te mais d�terminante sur le mouvement nationaliste embarrasse le ministre de l'int�rieur, Nicolas Sarkozy. � cinq mois des �lections territoriales, cette banale enqu�te pour de simples d�lits financiers devient hautement sensible pour un gouvernement qui sait que, t�t ou tard, il devra � nouveau n�gocier en Corse.
Un compl�ment d'enqu�te a �t� ordonn� par le p�le financier de Bastia, qui a signal� les �volutions de l'enqu�te au parquet g�n�ral, les 28 et 31 juillet, d�s que le nom de M. Pieri est apparu. Une information judiciaire �tait sur le point d'�tre ouverte � Bastia, mais la chancellerie, avis�e du dossier, a ordonn� que le parquet de Paris se d�clare comp�tent. Le procureur de la R�publique de Paris, Yves Bot, a t�l�phon� � son homologue de Bastia, Patrick Beau. La conversation fut v�h�mente, Bastia ne souhaitait pas l�cher une affaire jug�e prometteuse. D'autant que l'aspect terroriste, n�cessaire pour que le parquet de Paris soit saisi, n'apparaissait pas �vident.
La chancellerie a donc d� adresser des instructions �crites, au d�but du mois de septembre, au tribunal de Bastia, pour que les deux enqu�tes pr�liminaires soient enfin transf�r�es � Paris. M. Bot a ouvert, dans la foul�e, une information judiciaire pour " abus de biens sociaux" et " association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", confi�e au juge Philippe Courroye, le magistrat du p�le financier charg� des enqu�tes les plus sensibles.
Le p�le antiterroriste furieux
Les juges antiterroristes parisiens �taient furieux. Il est rare qu'une affaire impliquant un nationaliste corse leur �chappe. Mais, en l'occurrence, M. Bot n'a fait qu'appliquer des principes �dict�s d�s son installation au parquet de Paris, le 5 novembre 2002. Il juge que l'un des moyens, pour s'attaquer au terrorisme, est de s'int�resser � son �conomie souterraine. En mati�re de lutte antiterroriste, il expliquait ainsi au Monde, le 18 d�cembre 2002, vouloir " accro�tre les champs d'investigation, notamment dans le domaine de l'�conomie souterraine, de la lutte contre le blanchiment, de la d�linquance organis�e". Il s'interrogeait �galement sur les fronti�res entre crime organis� et terrorisme, et envisageait de demander " � un magistrat du p�le financier de faire la liaison entre son service et la section antiterroriste". Le 17 f�vrier, M. Bot mettait en place une nouvelle unit� du parquet de Paris, chapeautant la section antiterroriste et la lutte contre la d�linquance organis�e.
Selon nos informations, la � fuite � a �t� organis�e sur ordre du ministre de la Justice lui-m�me mais certaines informations ont �t� donn�es par des magistrats anti-terroristes furieux de ne pas �tre saisis de cette affaire.
Ils avaient d�j� �t� �cart�s de la capture d�Yvan Colonna. Les voil� �loign�s de l��ventuelle chute de Charles Pieri. Or l�enqu�te diligent�e par les gendarmes est loin d��tre achev�e. Pour tout dire, � l�heure qu�il est, elle ne prouve pas grand-chose sinon que la fille de Charles Pieri est sur les rangs pour acheter l�h�tel. Cette jeune femme, concubine jusqu�� il y a peu d�un dirigeant nationaliste ajaccien, aura toutefois du mal � expliquer comment elle comptait se procurer les fonds destin�s � l�achat de l�h�tel.
Cette nouvelle a �t� tr�s, mais alors tr�s mal prise, par le mouvement nationaliste dans son ensemble qui y per�oit une sorte d�acharnement contre une des figures �minentes bien que contest�e du nationalisme.
Reste � savoir pourquoi le journaliste du Monde insiste avec autant de lourdeur sur la volont� du ministre de l�Int�rieur de voir Charles Pieri en prison alors que certains de ses conseillers n�h�sitent pas � t�l�phoner � Jean-Guy Talamoni tr�s proche de Pieri.
Il semblerait qu�une fois encore le minist�re de la Justice, pro-Chiraquien et la justice anti-terroriste jouent surtout contre Nicolas Sarkozy et contre toute relance du dialogue en Corse.
TOUT LE DOSSIER CORSE
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