Corse: le cas Pieri
Oct 24, 2003

Que peut-il se passer apr�s la quinzaine de perquisitions qui ont touch� des biens appartenant � des proches de Charles Pieri ?

Libre depuis le mois de mai 2002, Charles Pieri voit de nouveau le spectre de la prison se profiler � l�horizon. Le danger n�est pas celui d�une d�monstration du r�le qu�il jouerait dans le FLNC. Si le militant nationaliste a r�ussi � �chapper jusqu�� aujourd�hui � la justice sur ce plan-l�, c�est qu�il conna�t les tours et d�tours du vieux militant clandestin.

Contrairement aux d�clarations du ministre de l�int�rieur, il y a �galement peu de chances qu�il tombe pour un quelconque d�lit financier. � l�inverse, l��tat et la justice peuvent terriblement le faire souffrir. L�homme en voulant placer des membres de sa famille dans telle ou telle entreprise, a lui-m�me forg� les barreaux de leur prison r�elle ou virtuelle. Il y a toutes les chances que d�sormais, sa fille, son fils et St�phane Sbraggia, tout comme ses amis proches, n�aient pu une seconde de r�pit dans leurs activit�s quotidiennes.

Or l�exp�rience � travers le monde d�montre que lorsqu�un �tat est d�cid� � faire tomber un homme il y arrive toujours quelle que soit son habilit�, son intelligence, ses appuis. De grands mafieux siciliens sont tomb�s pour des comptes en banque douteux. Ochoa en Colombie, devenu trop g�nant a fini par succomber malgr� ses soutiens. Charles Pieri, s�il ne parvient pas � d�montrer tr�s vite son utilit� dans le jeu politique corse risque fort de suivre ce chemin.

La d�monstration de force de l��tat �tait attendue. En premier lieu, Nicolas Sarkozy avait promis � plusieurs reprises une offensive contre ceux qu�ils d�signaient comme de mafieux. L�opinion insulaire avait �t� pr�par�e par la lettre de Paul Giacobbi aux plastiqueurs dans laquelle entre les mots, le d�put� de Haute-Corse appelait l�attention des militants nationalistes sur leurs chefs corrompus.

Mais, surtout on oublie un peu vite les Corses qui en ont plus qu�assez des roulements de m�caniques des chefs de bandes arm�es qu�elles soient rassembl�es sous une �tiquette nationaliste ou de droit commun.

La Haute-Corse a �t� soumise ces derni�res ann�es � des vagues d�assassinats, � un racket incessant, � des plasticages nombreux qui ont fatigu� l�opinion publique insulaire. Chacun a conscience ici que si notre �le veut un jour s�ins�rer dans le jeu des r�gions europ�ennes, il faut que disparaisse cette image d�sastreuse pour l��conomie et pour notre r�putation.

Contrairement � ce que pr�tendent les dirigeants nationalistes qui jouent leur joker pour les �lections territoriales, une majorit� de Corses les d�teste profond�ment et l�offensive de la justice est la bienvenue. Les h�sitations, les louvoiements de nombreux insulaires qui tardent souvent � condamner publiquement la violence, n�ont pas pour origine la l�chet� mais bien l�incertitude que laissent planer les b�gaiements de l��tat en mati�re d�ordre public.

Durant des ann�es nous avons �t� habitu�s aux conciliabules secrets entre cagoul�s et repr�sentants du minist�re de l�int�rieur. On nous a laiss� penser que demain des assassins et des racketteurs pourraient devenir les ma�tres de notre destin. Nous avons eu affaire � une classe politique qui, avec une l�chet� incommensurable a accompagn� ce d�voiement de la d�mocratie.

Aujourd�hui il para�t normal � bien des Corses que la justice se penche sur des affaires qui, �ventuellement, peuvent avoir �t� acquises avec de l�argent sale. On ne voit pas tr�s bien pourquoi le citoyen normal subirait de tels contr�les qui, appliqu�s � des nationalistes, deviendraient le signe � d�une r�pression d�brid�e �.

Cependant, l��tat a un devoir de r�sultat. On ne peut lancer des policiers eux-aussi cagoul�s contre des �tablissements et promettre que l�on va d�montrer l�existence d�un syst�me mafieux et conclurent qu�il n�y a rien de tout cela. Le pr�tendu rem�de serait alors pire que le mal.

Enfin, il faut esp�rer que les d�clarations tout � fait honorables du ministre de l�int�rieur ne sont pas uniquement faites pour monter au firmament des sondages continentaux. La politique corse de l��tat a trop souvent manqu� de suivi pour que l�on retombe une fois encore dans ces errements.

Les Corses ont autant de capacit�s que n�importe quelle autre cat�gorie humaine � vivre en d�mocratie. Les pr�textes culturels sont de faux arguments. Mais les dirigeants parisiens doivent comprendre que le mal est tellement profond qu�il faudra patience et compr�hension pour que nous entrions enfin dans l��re de la modernit�. La compr�hension implique qu�on arr�te de nous mettre sur le dos plus que ce que nous pouvons supporter. Nous avons nos tares, nos d�fauts. Nous les connaissons trop bien. Au bout du compte, il nous reviendra de les corriger, � nous et � personne d�autres. Qu�on nous accompagne soit ! Qu�on fasse le travail � notre place. Non. Le chemin aura �t� alors inutilement parcouru.

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